Le Green Friday va-t-il signer la fin du Black Friday ?

C’est en tout cas le désir du collectif lancé par Nicolas Rhor, cofondateur de la marque Faguo : Make Friday Green Again. Une intiative qui a su fédérer plus de 450 marques et qui souhaite utiliser cette journée où l’on casse les prix pour sensibiliser à une consommation plus responsable.

«Le Black Friday, c’est fini», tel est le message que souhaite faire passer le collectif Make Friday Green Again, lancé par Nicolas Rhor, cofondateur de Faguo, qui propose depuis dix ans des chaussures, du prêt-à-porter et des accessoires engagés. L’initiative, lancée courant octobre, a fédéré rapidement un nombre toujours croissant de marques, plus de 450 à ce jour. La mode est évidemment bien représentée mais pas seulement : on recense aussi Nature et Découvertes, Joone et ses couches pour bébé 100% saines, ou encore Tediber et ses matelas. «Certaines entreprises n’ont jamais participé au Black Friday, d’autres ont décidé d’arrêter, comme nous», explique celui qui se réjouit de voir ce mouvement prendre toujours plus d’ampleur. «La BBC nous a même contactés pour voir comment elle pouvait nous aider à promouvoir ce projet !»

Dire stop au Black Friday, voilà le postulat de départ pour Nicolas Rhor. «Dans cette journée, tout le monde est trompé. Les fabricants, les marques et les magasins qui ne sont pas rémunérés, ce qui peut rendre précaires des emplois. Et puis, comme les prix descendent soudainement, le consommateur est perdu. Il ne sait plus où est le prix juste. Certains gonflent d’ailleurs leurs tarifs pour pouvoir se permettre ces réductions», décrypte-t-il. Sensibiliser à l’impact social est une volonté partagée par tous ceux qui ont rejoint le collectif. «Il faut vraiment que les gens comprennent que casser les prix avant la fin de la saison n’a pas de sens. Les rabais à outrance donnent l’impression qu’on ne doit acheter qu’à prix cassés», renchérit Guillemette Bataille, fondatrice de Maison Guillemette. «Pour nous, cela s’inscrit dans l’esprit de la marque où on ne retire pas une robe de la collection simplement parce qu’on n’a pas écoulé le stock en trois mois.»

Le Black Friday, un enjeu économique pour les marques

Mais choisir de faire l’impasse sur le Black Friday n’est pas évident. «Nous les premiers, nous avons eu l’impression qu’on n’avait pas d’autres choix que de participer à ce rendez-vous d’hyperconsommation. Mais on a toujours le choix», insiste Nicolas Rhor. Cependant, pour lui, on ne peut nier que c’est un moment clé pour l’industrie de la mode qui présente un impact économique majeur. Cette journée où les prix sont cassés lance un temps fort : la période phare d’un peu plus d’un mois jusqu’à Noël et où les entreprises réalisent souvent 30% de leur chiffre d’affaires. «La preuve, c’est que sur Facebook ou Instagram, le coût de la publicité est multiplié par dix.» Derrière tout cela, il y a aussi une entreprise à faire vivre et des employés à payer. «On ne peut pas annuler ce rendez-vous sans l’avoir anticipé. J’ai été contacté par quatre grandes marques françaises – dont je ne peux pas citer le nom – qui m’ont dit qu’elles approuvaient notre projet, qu’elles auraient aimé le rejoindre, mais que leur business plan annuel avait pris en compte le Black Friday.»

Loin du collectif d’ailleurs l’idée de condamner ceux qui y participent ou de les boycotter. «L’idée, c’est de faire différemment», souligne Fanny Auger, directrice de la marque Nature & Découvertes qui soutient l’initiative lancée par Faguo. L’enseigne avait déjà commencé l’année dernière à aborder le Black Friday autrement avec un Fair Friday.

Les vitrines de Nature et Découvertes avait déjà fait mouche en 2018.

En affichant des -73% ou -52% sur ses vitrines, l’enseigne a su attirer l’attention des clients. «Une fois à l’intérieur, on leur expliquait que ces chiffres concernaient bien des réductions, mais celles liées à la biodiversité : -73% de moineaux domestiques à Paris par exemple. Avec le hashtag #desreductionsquicomptent, on veut mettre fin à la spirale d’une surenchère de promotions en la mettant au service d’une cause importante. On distribuera d’ailleurs cette année 18.000 sachets de graines aux clients qui viendront chez nous ce jour-là pour pousser un peu plus loin le message.» Car comme l’indique son nom, le Green Friday cherche à sensibiliser sur le vrai coût du Black Friday qui est non seulement social, mais aussi environnemental. «Nous voulons inciter les gens à prendre du recul sur notre consommation pendant cette journée. Nos grands-parents fonctionnaient de manière utilitaire : j’achète ce que je porte. On devrait s’en inspirer et regarder ce qu’on a dans nos placards avant d’acheter», explique le fondateur du collectif.

Ce dernier met en avant un chiffre inquiétant : 60% des Français possèdent des vêtements ou des objets de consommation qu’ils n’utilisent jamais. Et on comptabilise 500 millions de déchets vestimentaires par an. Le vendredi 29 novembre, chacun sera donc encouragé à trier, réparer, vendre et recycler. «La mode ne doit pas faire de compromis avec la partie responsable», insiste le cofondateur de Faguo. Un engagement de plus en plus inscrit dans l’ADN des marques qui se créent aujourd’hui. «Mais pas que. Le modèle du genre reste Patagonia qui a d’ailleurs été l’une des pionnières à envisager le Black Friday autrement en affichant dans le New York Times une publicité ce jour-là disant : « n’achetez pas cette veste »», se souvient Fanny Augier.

Sensibiliser à un autre mode de consommation

Le 29 novembre, Maison Guillemette vendra des poupées fabriquées à partir de leurs chutes de tissus au profit de l’association Sparadrap.

Le Green Friday passera donc aussi par des actions concrètes pour mieux sensibiliser les gens à consommer autrement. Chez Maison Guillemette, les chutes de tissus ont été récupérées par l’équipe qui a fabriqué des petites poupées, lesquelles seront vendues au profit de Sparadrap. Cette association œuvre à aider les enfants à avoir moins mal et moins peur à l’hôpital.

Quant à Adresse Paris, marque de prêt-à-porter pour homme, elle lance son Repair-Day dédié à la réparation et au recyclage de vêtements. Des initiatives qui n’ont pas forcément toujours vocation à être éphémères. Faguo travaille par exemple avec Tilli, une entreprise de couturier à domicile pour son service après-vente. En parallèle, toutes les marques du collectif afficheront sur Instagram les messages que souhaite faire passer Make Friday Green Again. Instagram devrait donc se parer de vert le 29 novembre. Et Nicolas Rhor de conclure : «Cela ne tue pas la mode de ne pas faire le Black Friday, cela la rend plus forte et lui donne un avenir radieux.»

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