Le cri de détresse à quelques jours de la Fête de la musique. « Si les pouvoirs publics ne répondent pas présents, ce sera la défaite de la musique », alerte Jean-Noël Tronc, directeur général de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (
Sacem). Les pertes de chiffre d’affaires de la filière musicale dans son ensemble en raison de la pandémie de coronavirus sont ainsi « estimées à 43 % du prévisionnel de l’année 2020, soit 4,5 milliards d’euros », selon les données rendues publiques par l’association
Tous pour la musique (TPLM), d’après une étude du cabinet d’audit EY.
Les activités les plus touchées sont celles « du spectacle de musiques actuelles et de variétés, avec des pertes qui représentent 83 % de leur CA prévisionnel en 2020, soit 2,3 milliards d’euros. Avec plus de 4.300 annulations, les spectacles de musique classique et de création sont également fortement touchés », poursuit TPLM.
« C’est la première fois que la filière prend la parole de façon unie, expose Jean-Noël Tronc. Pour la filière, c’est la non-fête de la musique. Car pour une bonne partie du secteur, tout reste fermé »
« Ce n’est pas un plan de relance dont a besoin la filière mais d’un plan de reconstruction, car on parle ici de destructions de valeurs irréparables », insiste-t-il.
La Sacem « dans le rouge »
« L’arrêt du live et une industrie qui tournera au ralenti pendant toute l’année 2020 vont fortement gréver les revenus des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique : la crise du Covid-19 va engendrer près de 250 millions de manque à gagner pour les droits d’auteur musicaux en 2020, soit 23 % du revenu prévisionnel sur l’année », peut-on encore lire dans le rapport.
Quant aux artistes interprètes, ils vont perdre plus de 46 millions de revenus, « et ce hors pertes liées à l’annulation des spectacles ».
Et la Sacem elle-même est touchée. « L’assemblée générale de la Sacem a voté une mesure exceptionnelle qui permet de plonger la société dans le rouge, détaille Jean-Noël Tronc. D’ordinaire, la règle est ne pas avoir de déficit supérieur à 5 %. Là, c’est un niveau de 15 à 20 % qui a été autorisé ».
Plus globalement, la crise aura « également un impact social avec un risque fort sur les emplois » (257.000 actuellement dans la filière musicale), « mettant en lumière les grandes fragilités des métiers de la filière musicale », insiste TPLM.
« Vers une hécatombe en 2021 »
Le patron de la Sacem regrette que les « mots forts » d’Emmanuel Macron prononcés lors de son intervention sur la culture le 6 mai n’aient pas été suivis d’effets. A l’instar du reste de la filière. « Si les organisateurs de spectacles, producteurs, festivals, n’ont pas de plan de relance adapté, on va vers une hécatombe en 2021 », prévient par exemple Jérôme Tréhorel, directeur du festival des Vieilles Charrues.
« L’Etat a fait de gros efforts, très appréciés pour les intermittents. Mais on attend toujours un plan de relance pour ceux qui les font travailler, les entreprises du spectacle, car si les producteurs mettent la clé sous la porte… », s’inquiète de son côté Ben Barbaud, patron du Hellfest, festival dédié à la scène metal.
« Le président de la République avait parlé de quatre mois sans charge pour les auteurs-compositeurs, mais depuis il n’y a eu aucune précision sur la mise en œuvre et c’est préoccupant », développe Jean-Nöel Tronc.
La filière musicale propose quelques mesures pour maintenir sa tête hors de l’eau, comme « davantage de clarté et d’anticipation dans les conditions de réouverture des salles de spectacle et d’autorisation des festivals, afin de répondre au besoin de visibilité ». « Au niveau de l’accompagnement social et fiscal, il faut prolonger de dix-huit mois, soit la fin 2020 et tout 2021, le dispositif d’activité partielle pour les entreprises de spectacle », cite encore Jean-Nöel Tronc.
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