Breonna Taylor, l'autre visage des violences policières aux États-Unis

Tuée de huit balles par des policiers le 13 mars, soit un mois et demi avant George Floyd, Breonna Taylor est devenue l’une des figures du mouvement #SayHerName, qui rappelle que les femmes noires aux États-Unis sont tout autant victimes de violences policières que les hommes.

Aux États-Unis, son nom est déjà sur toutes les lèvres lors des manifestations contre les violences policières et il ne risque pas d’être oublié de sitôt. Ce nom, c’est celui de Breonna Taylor. Âgée de 26 ans, cette ambulancière a été tuée dans son appartement de Louisville, dans le Kentucky, la nuit du 13 mars, par des policiers qui s’étaient trompés de cible. Ce jour-là, vers 1 heure du matin, trois policiers en civil – dotés d’un mandat – perquisitionnent à l’adresse de la Breonna Taylor.

Lorsque les policiers entrent dans l’appartement après avoir défoncé la porte d’entrée, son fiancé Kenneth Walker, qui croit à un cambriolage, s’empare de son arme et tire un coup de feu, blessant un agent à la cuisse. L’un de ses collègues réplique et tire en direction du couple. Breonna Taylor reçoit au moins huit balles, selon l’avocat de la famille. Son compagnon, quant à lui, s’en sort in extremis. Arrêté et accusé de tentative de meurtre sur le policier blessé à la cuisse, il a finalement été relâché à la levée des poursuites le mois suivant.

Une affaire passée (presque) inaperçue

Le visage de Breonna Taylor, victime de bavure policière, affichée sur les pancartes des manifestants. (Hollywood, le 7 juin 2020.)

Pendant plusieurs semaines, le sort de Breonna Taylor est passé hors du radar des médias. À l’époque, toute l’attention se focalise en effet sur l’épidémie de Covid-19, sans compter que la mort de la jeune femme n’a pas été filmée, contrairement à celle de George Floyd, observe France 24. Mais l’affaire réapparaît subitement courant mai avec l’intervention de Ben Crump, un avocat connu pour défendre des victimes noires de bavures policières, et l’écho du mouvement «Black Lives Matter». Désormais, le visage de cette jeune Afro-Américaine qui rêvait de devenir infirmière s’affiche sur les pancartes des manifestants.

Le 5 juin, jour de son anniversaire, certains ont d’ailleurs entonné un Happy Birthday tandis que d’autres ont envoyé des cartes d’anniversaire au procureur général du Kentucky, Daniel Cameron, pour réclamer justice, relève le New York Times. Et pour cause, aucun des policiers impliqués dans la mort de Breonna Taylor ne fait l’objet de poursuites, n’a été arrêté ni même renvoyé. «C’est si déshumanisant que la famille de Breonna Taylor soit obligée de lancer des campagnes publiques pour que la vie des victimes soit enfin reconnue, et la justice obtenue», a déploré la députée Alexandria Ocasio-Cortez.

« Ne pas oublier les femmes noires »

Depuis, le nom de Breonna Taylor est même devenu indissociable du hashtag #SayHerName, un mouvement social né en 2015 destiné à rappeler que les femmes noires aux États-Unis sont tout aussi victimes de violences policières que les hommes noirs. La sénatrice Kamala Harris n’a pas manqué de le souligner sur Twitter, le 7 juin. «Nous ne pouvons pas oublier les femmes noires dans notre quête de justice», a écrit l’ancienne candidate à l’investiture démocrate.

Même son de cloche du côté du sénateur démocrate Cory Booker : «Sa vie a été tragiquement prise par la police et nous ne cesserons de marcher pour la justice tant qu’elle n’aura pas servi pour elle et sa famille». D’autres personnalités telles que les actrices Millie Bobby Brown, Emily Ratajkowski ou encore Alicia Keys se sont jointes à cette mobilisation sur la Toile. «Savez-vous ce qui est arrivé à Breonna Taylor ?», demande l’interprète de Fallin’ dans une vidéo qui donne la parole à Tamika Palmer, la mère de la victime. Celle-ci rend hommage à «la travailleuse la plus essentielle», et alerte sur «une ville, un monde devenus fous». Et de s’inquiéter : «Cela ne doit plus arriver à aucune autre famille».

En vidéo, Alicia Keys demande justice pour Breonna Taylor

Un rapport controversé

Dans les prochains jours, la tension pourrait monter d’un cran. En effet, mercredi 10 juin, la police de Louisville a dévoilé un compte-rendu de la nuit meurtrière du 13 mars. Dans le rapport de quatre pages du département de police de Louisville, publié mercredi par le Louisville Courier-Journal, il est inscrit que Breonna Taylor n’a souffert « d’aucune » blessure. «Ceci est faux : un policier lui a tiré dessus au moins huit fois, avant qu’elle ne meure dans une mare de sang sur le sol de son appartement», dénonce la reporter Marina Fang dans Le Huffington Post. Pour la journaliste, le document est tout simplement «vide» et «retranscrit mal des détails essentiels». De quoi raviver la colère des Américains.

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