La présidente de la Chambre des représentants a demandé, mercredi 10 juin, le retrait de statues de chefs confédérés. Un nouveau geste fort contre Donald Trump, ce président honni contre lequel elle avait lancé, en septembre 2019, une enquête, en vue de son éventuelle destitution. Portrait de la démocrate la plus puissante de Washington.
«Le président doit être tenu pour responsable. Personne n’est au-dessus de la loi.» C’est par ces mots que Nancy Pelosi avait conclu l’annonce de l’ouverture d’une enquête contre Donald Trump. Le 24 septembre 2019, la présidente de la Chambre des représentants avait déclenché la première étape d’une procédure de destitution contre le président américain. L’enquête, menée conjointement par les six commissions de la Chambre, devait déterminer si Donald Trump a cherché à obtenir l’aide de l’Ukraine pour se procurer des informations susceptibles de nuire à Joe Biden, à l’époque favori dans la course à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 2020.
Un geste fort
Il n’est donc pas surprenant que Donald Trump ait refusé de serrer la main de la démocrate à l’origine de cette procédure d’impeachment, le mardi 4 février, avant son traditionnel discours de l’état de l’Union. En signe de protestation, Nancy Pelosi a manifesté de façon spectaculaire son désaccord avec le président américain. Après que le chef d’État a prononcé son allocution devant le Congrès, la chef démocrate, debout derrière lui, a tout bonnement déchiré ce qui semble être une copie de son discours.
En vidéo, Nancy Pelosi déchire le discours de Donald Trump
De nombreux élus démocrates, les plus progressistes comme Alexandria Ocasio-Cortez, ont quant à eux boycotté le discours, auquel ils n’ont pas assisté. Avant l’annonce de cette procédure de destitution, ces derniers réclamaient l’ouverture d’une enquête contre Donald Trump depuis des mois. Mais la procédure était impopulaire, et la pugnace présidente de la Chambre avait tout fait pour freiner les ardeurs de son parti, avant de finalement lancer l’enquête pour abus de pouvoir et entrave à l’action du Congrès.
Les « statues de la haine »
Au printemps 2020, elle tenait à nouveau tête au président dans les suites de l’affaire George Floyd, cet Afro-américain décédé après une violente arrestation policière à Minneapolis, le 25 mai 2020. L’événement a déclenché une prise de conscience mondiale sur le racisme : le 8 mai, à la veille des obsèques de Floyd, Nancy Pelosi ainsi que d’autres sénateurs démocrates lui rendaient hommage en posant un genou à terre dans un hall du Capitole dédiée à la mémoire des esclaves. Un geste symbolisant la dénonciation des violences policières racistes, souligné par le fait que Pelosi et les sénateurs portaient une écharpe aux motifs africains. Initiative à propos de laquelle les politiciens ont cependant été taxés d’appropriation culturelle.
Deux jours plus tard, alors que Donald Trump rejetait l’idée de renommer les bases militaires américaines qui portent les noms de chefs des États confédérés, arguant qu’elles font partie de «l’immense héritage américain», Nancy Pelosi a appelé le Congrès à prendre des mesures pour retirer du Capitole les 11 statues représentants des chefs militaires et des soldats de la Confédération. «Leurs statues rendent hommage à la haine, pas à l’héritage. Elles doivent être retirées», a-t-elle écrit aux membres de la commission en charge de leur gestion.
À la suite des nombreuses manifestations générées par la mort de George Floyd, de nombreuses statues de personnalités jugées comme ayant favorisé le racisme ou la discrimination ont, d’autre part, été déboulonnées dans le monde entier.
« Elle est du genre à vous arracher la tête »
Nancy Pelosi, 79 ans, représentante de la Californie, signe son retour le 3 janvier 2019 lorsqu’elle est élue chef de la majorité avec 220 voix contre 192 pour le candidat des républicains, Kevin McCarthy, rapporte le New York Times, et retrouve ainsi le perchoir de la Chambre des représentants. Une fonction qu’elle a occupé entre 2007 et 2010, devenant ainsi la première femme de l’histoire américaine à accéder à ce poste crucial.
Entourée de ses enfants et petits-enfants, elle avait déclaré après son élection : «Nous ne nous faisons pas d’illusions, notre travail ne sera pas facile. Mais promettons que lorsque nous ne serons pas d’accord, nous nous respecterons et nous respecterons la vérité.» Troisième personnage de l’État après le président et le vice-président, la speaker (nom donné au président de la Chambre des représentants) entame son mandat alors que le Congrès américain est en plein bras de fer avec Donald Trump au sujet du financement du mur à la frontière avec le Mexique.
Entre l’actuel locataire de la Maison-Blanche et la future présidente de la Chambre, c’est maintenant à qui baissera la garde le premier. «Personne n’a jamais gagné en pariant contre Nancy Pelosi», affirmait sa fille Alexandra sur la chaîne américaine CNN. «Elle est du genre à vous arracher la tête sans même que vous vous rendiez compte que vous saignez», avait-elle ironisé. Son expérience parle pour elle. Députée aux quinze mandats, Nancy Pelosi a déjà occupé la fonction de speaker face à deux anciens présidents, George W. Bush et Barack Obama. Qui n’étaient, certes, pas Donald Trump.
« On ne me critiquerait pas si je n’étais pas efficace »
Son passé est pourtant loin de faire l’unanimité du côté des républicains. Ils pointent son «arrogance» et son image, figure de l’establishment américain car fille et sœur d’hommes politiques (son père, maire de Baltimore et député du Maryland, était un proche des présidents Roosevelt et Kennedy). Son propre camp, aussi, parfois, s’oppose à elle. Le 19 novembre 2018, seize députés démocrates de la Chambre publiaient une lettre disant que le moment était venu pour le parti d’élire un nouveau chef plus jeune (sous-entendu : quelqu’un de plus jeune que Nancy Pelosi), rapporte The Economist, à l’instar de Alexandria Ocasio-Cortez, nommée dix jours plus tôt à New York.
Des critiques dont elle n’a que faire. Dans un entretien avec Elle US, Nancy Pelosi confiait se sentir «respectée» plus que «haïe». «On ne me critiquerait pas si je n’étais pas efficace.» Une qualité confirmée après les midterms par Barack Obama, saluant «l’une des dirigeantes parlementaires les plus efficaces qu’ait connues ce pays».
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Un bilan législatif à son avantage
Nancy Pelosi ne semblait pas destinée à une telle carrière. Née en mars 1940 à Baltimore dans une famille italo-américaine catholique, Nancy D’Alesandro est la benjamine d’une fratrie de cinq garçons. Elle poursuit des études en sciences politiques au Trinity College de Washington, dont elle sort diplômée en 1962. Et c’est à la même époque, lors d’une classe d’été intitulée «L’histoire de l’Afrique au sud du Sahara», qu’elle fait la connaissance d’un certain Paul Pelosi. Un an plus tard, le couple se marie et emménage à San Francisco. Lui fait fortune dans l’immobilier et la finance et elle se consacre à l’éducation de leurs cinq enfants. Son entrée en politique est tardive : Nancy Pelosi a 47 ans lors de sa première élection à la Chambre. C’est au côté du sénateur Daniel Brewster, dans le Maryland, qu’elle fait ses armes quelques années auparavant, rapporte le Washington Post.
Aujourd’hui, la démocrate défend les droits des immigrés, la protection des minorités sexuelles, le libre accès à l’avortement et peut faire valoir un bilan législatif à son avantage. Sous sa présidence, la Chambre des représentants a voté plusieurs textes, dont le plan Paulson – une des mesures mises en place pour faire face à la crise financière de 2008 – ainsi que la réforme de l’assurance maladie Obamacare en 2010. Pour réussir dans la sphère politique américaine, Nancy Pelosi ne craint donc pas de «porter une armure» ni de «prendre des coups». Une armure siglée Max Mara, qu’elle portait le 11 décembre 2019 lors de son face à face avec Donald Trump…
Cet article, initialement publié le 3 janvier 2019, a fait l’objet d’une mise à jour.
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