Emmanuelle Béart : "Cet album, c’est tenter de résoudre l’énigme qu’était mon père”

Cinq ans après sa disparition, Emmanuelle Béart et sa sœur Ève ont replongé dans le répertoire de leur père, Guy, en faisant revivre ses morceaux dans les voix d’illustres interprètes. Interview de la comédienne.

Tout le monde connaît L’Eau vive, mais qu’en est-il des autres chefs-d’œuvre de l’un des plus grands chanteurs et compositeurs de la chanson française, Guy Béart ? Des chansons qui rient du temps et des modes, ciselées avec une poésie extraordinaire que l’on retrouve interprétées dans De Béart à Béart(s) (1) par dix-neuf immenses artistes de tous horizons, dont Alain Souchon, Pomme ou Christophe. Bien plus qu’un hommage, l’écho de cet album se prolongera dans un documentaire (2), en tournage, où Emmanuelle Béart part sur les traces de son père.

En vidéo, « De Béart à Béart(s) », la bande-annonce

Madame Figaro. – Quel a été le déclic de cette aventure ?
Emmanuelle Béart.
Après le départ de mon père, Charles Aznavour m’a dit : «Votre devoir est de transmettre son immense héritage artistique !» Mon père avait depuis longtemps décidé de s’effacer, il vivait comme un ermite et répétait : «Je veux redevenir un chanteur anonyme.» Il voulait que seuls les mots et les mélodies restent, qu’on ne sache même plus qui était l’auteur de ses chansons. Il disait : «L’ambition est un leurre.» Mais à force, il a fini par ne plus être joué, par disparaître des bacs. J’ai décidé, avec ma sœur Ève, de ne pas respecter sa position. Un album de reprises, c’était une façon de redécouvrir son art, de tenter aussi de résoudre l’énigme qu’était mon père.

Comment avez-vous choisi les artistes ?

On a imaginé un dîner avec des convives qui, par leur diversité, rassemblaient les pièces du puzzle. Catherine Ringer, dont mon père me disait : «Cette femme parle vrai»… Akhenaton, c’était surréaliste, mais il est parfait dans Qui sommes-nous ? une chanson si actuelle sur l’identité. Vianney, un jeune troubadour comme lui… Les compagnons de vie de Guy : Laurent Voulzy, Maxime Le Forestier ou Alain Souchon, qui chante Seine va et dévoile mon père, un amoureux à perpétuité.

Il a aimé des femmes belles, libres, insaisissables… qui l’ont toutes quitté. D’ailleurs, Allô, tu m’entends ? chanté par le duo Brigitte, c’est le dernier coup de fil qu’il a passé à ma mère… Chacune de ses chansons sonne comme un aveu et dans celle-ci on retrouve aussi le «fauché» : Guy était un fils de pauvres qui a étudié pour être ingénieur des Ponts et Chaussées afin que son père soit fier de lui. Il ne s’est autorisé à être chanteur qu’à la mort de ses parents.

Vous dites Guy…
Je l’appelais «papa». Mais quand je parle de lui, de ce disque, j’ai une forme de pudeur… Dire Guy, c’est une façon de prendre une légère distance avec ce regard qui virait de la tendresse à l’autorité. Il y avait autant de nostalgie que d’humour et de joie dans ses yeux. Comme dans sa voix. Elle me manque…

Quelques souvenirs intenses de ces enregistrements ?
Clara Luciani assise par terre avec sa guitare, cherchant les arrangements les plus justes pour chanter Chanson pour ma vieille, une ode à la solitude. Yaël Naïm recomposant L’Eau vive, que je ne supportais plus et que j’aime tant maintenant. Elle touche un thème qui obsédait mon père : la fugacité, la difficulté de laisser partir son enfant. Carla Bruni swinguant sur C’est après que ça se passe, entre nostalgie et espérance folle, comme lui. Raphaël… Pomme qui est arrivée comme un fruit sur Ceux qui s’aiment…

(1) De Béart à Béart(s), Polydor. Sortie prévue le 12 juin.

(2) Documentaire De Béart à Béart(s). Sortie prévue le 12 juin.

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