Candace Bushnell de "Sex and the City" : "À 50 ans, on doit parfois tout recommencer à zéro"

Qu’est devenue la génération des trentenaires célibattantes, dont Carrie Bradshaw était l’icône en talons aiguilles ? L’auteure de Sex and the City revient avec No Sex in the City ? Et croque les quinquas divorcées qui n’ont pas dit leur dernier mot.

Vingt-cinq ans après s’être attachée aux célibattantes dans Sex and the City, Candace Bushnell brosse le portrait de quinquagénaires divorcées d’aujourd’hui dans No Sex in the City ? (1). De la découverte de Tinder à l’apparition de ce qu’elle appelle les «superseniors», en passant par l’analyse des différents types de toy boys, elle s’appuie sur son expérience personnelle et celle de ses amies pour examiner, sur le ton très personnel qui est le sien, un âge qui a connu une vraie mutation ces dernières décennies. Entretien.

« Ils vécurent heureux pour toujours »… et après ?

(De gauche à droite) Cynthia Nixon, Kim Cattrall, Kristin Davis et Sarah Jessica Parker, dont les personnages de « Sex & The City » sont devenus iconiques.

Madame Figaro .- Le titre de votre nouveau livre, No Sex in the City ?, renvoie immédiatement à la série qui a rendu célèbres Carrie, Samantha, Charlotte et Miranda. Est-ce une suite ?
Candace Bushnell.
– Ce n’est pas la suite de la série, mais on peut le voir comme une suite du livre qui a inspiré la série. Il traite de ce qui se passe dans la vie des femmes quinquagénaires, bien après les années de Sex and the City, cette période très particulière où vous êtes célibataire et n’avez pas encore entamé ce que j’appelle le mode de vie reproductif. Ce dernier survient généralement au moment de la quarantaine – votre carrière est établie, vous vous installez, vous démarrez une famille. Ce livre s’intéresse au temps qui suit. Vous ne cherchez plus à démarrer une famille, soit parce que vous l’avez déjà fait, soit parce que vous y avez renoncé. Que se passe-t-il alors si le «Ils vécurent heureux pour toujours» s’avère ne pas être le point final de l’histoire ?

La narratrice divorce et découvre qu’en étant une célibataire de plus de 50 ans travaillant en free-lance, elle n’est plus prise en compte par l’algorithme de sa banque et ne peut plus prétendre à un emprunt immobilier… Est-ce là une anecdote personnelle ?
Cela m’est bel et bien arrivé. J’écris de l’autofiction, en fait, j’utilise des éléments autobiographiques que je mélange avec des artifices narratifs fictionnels. C’est un style que j’ai développé dans les années 1990, quand je travaillais pour des magazines féminins et que je désirais écrire de la fiction. Comme la plupart d’entre eux n’en publiaient pas, je me suis arrangée ainsi, en mixant les choses comme dans Sex and the City. C’est pour cela que je vois en Carrie Bradshaw un alter ego…

Est-ce à ce moment-là que vous avez pensé à écrire ce livre ?
J’ai commencé à y penser après mon divorce. Je me suis sentie très seule, d’abord. Puis, de plus en plus d’amies ont commencé à divorcer elles aussi. En observant ce qui se passait autour de moi, j’ai pu noter qu’il s’agissait véritablement d’une nouvelle phase dans l’existence, qui avait à voir avec différentes formes de pertes : séparation d’avec le conjoint, maladie et mort des parents, enfants qui partent de la maison… Les femmes sont obsédées par l’idée de décrocher le Graal du happily ever after (heureuses jusqu’à la fin de leurs jours). Elles ne s’interrogent pas, à tort, sur ce qu’il arrivera après.

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À 50 ans, la difficulté de lâcher prise

Vous aviez d’abord songé à un autre titre : La Crise de la folie de la cinquantaine, que vous analysez dans votre livre…
Oui, et il s’agit là d’un phénomène qui concerne les femmes comme les hommes. Eux aussi peuvent avoir le sentiment d’être devenus «hors sujet». J’ai entendu nombre d’histoires sur des hommes qui perdent leur emploi et ne parviennent pas à en retrouver un nouveau, divorcent, se retrouvent sans un sou et réduits à retourner vivre chez leur mère. Ce n’est pas qu’émotionnel, c’est aussi une période de bouleversements financiers, avec l’obligation de déménager… et de se réinventer. On pense généralement qu’à 50 ans, plus rien ne bougera. Or, il arrive de plus en plus qu’on soit forcé de tout recommencer à zéro. C’est le cœur de No Sex in the City ? : Comment faire à nouveau des rencontres ? Comment vit-on une relation de couple à 50 ou à 60 ans ? Il existe désormais une nouvelle cinquantaine, qui a peu à voir avec celle de mes parents. Les gens refusent de lâcher et de se laisser aller. Autrefois, on laissait ses cheveux virer au gris, on ralentissait le rythme, on travaillait moins. Ce n’est plus le cas. Les gens ont l’air plus jeunes et se sentent plus jeunes, ils ne sont pas prêts à prendre leur retraite. C’est l’une des raisons pour lesquelles on voit tant de gens âgés – bien plus âgés qu’auparavant – se lancer dans une élection présidentielle, par exemple. Il y a trente ou quarante ans, avoir des candidats de plus de 75 ans était inimaginable !

Diriez-vous que votre livre emprunte aussi au reportage ?
Oui, quand il s’agit de mener l’enquête sur Tinder et sur les nouvelles formes de rencontres, par exemple, on est évidemment dans le reportage. Avec une touche d’anthropologie culturelle, comme dans tout ce que j’ai écrit. Je cherche à capter les mœurs et l’air du temps. J’espère que dans cent ans, à supposer que l’on lise encore, on pourra se plonger dedans en songeant : «C’est donc ainsi que les gens pensaient et vivaient alors ?» Edith Wharton, Tolstoï ou Trollope écrivaient sur la société de leur temps, et je tente de le faire à ma manière, moi aussi.

Est-il exact qu’une adaptation en série est prévue ?
Je suis en train d’y travailler. Ce sera ma quatrième après Sex and the City, Lipstick Jungle et The Carrie Diaries. C’est un médium qui n’a rien à voir… Les personnages vous échappent et deviennent parfois iconiques, comme les héroïnes de Sex and the City. Il faut se souvenir que c’était en 1994. Si vous aviez plus de 30 ans et une carrière, sans mari ni enfants, les gens pensaient qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas chez vous. J’ai écrit Sex and the City pour dire que les célibattantes n’avaient pas à être jugées. Ce livre-ci traite d’une période de changement dans mon existence – une période qui comprend des moments de tristesse et de dépression. Mes amies comme moi en sommes sorties, et c’est peut-être pour cela que j’ai écrit ce livre. Pour dire que la cinquantaine peut parfois s’apparenter à un tunnel, mais qu’il y a de la lumière au bout… Ne serait-ce que quand on atteint les 60 ans !

(1) No Sex in the City ?, de Candace Bushnell, Éditions Albin Michel, 288 p., 19,90 €. À paraître le 17 juin.

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