Little Richard : Mort de l’exubérant pionnier du rock, idole adulée

Les amoureux des premières heures du rock ‘n’ roll et les amoureux de la musique tout simplement sont en deuil : Little Richard, remuant pionnier qui a inspiré et inpire encore des générations de musiciens, s’est éteint. De sa musique électrisante à sa personnalité « tutti frutti » marquée par une sexualité débridée, un héros des temps modernes…

Un dernier « Be bop a lula balab bam bom » et puis s’en va… Little Richard, l’une des figures essentielles de la musique populaire moderne, est mort samedi 9 mai 2020 à Los Angeles à l’âge de 87 ans, selon une annonce faite par sa famille, qui n’a pas précisé les causes de son décès. Victime d’une crise cardiaque en 2013 et auteur de son dernier concert en 2014, il avait en 2016 fait l’objet de rumeurs alarmistes concernant son état de santé, qu’il avait alors démenties.

Réputé pour ses tubes impérissables et électrisants (Tutti Frutti, Long Tall Sally, Good Gollly Miss Molly) autant que pour sa personnalité flamboyante et hors des codes de son époque, Little Richard avait fondé le rock ‘n’ roll avec ses contemporains (Chuck Berry, Fats Domino) et lui avait donné ses lettres de hardiesse avec son style tonitruant (looks excentriques, banane XXL et tempérament classé X, avec un goût non dissimulé pour le voyeurisme et les orgies bisexuelles…), ouvrant la voie aux générations suivantes. Des héritiers dont les plus fameux se nomment Beatles et Rolling Stones (qui firent la première partie de ses concerts), Prince, Elton John ou encore David Bowie. « Sans lui, je ne serais probablement jamais devenu musicien« , avait confié ce dernier, encore marqué par un film consacré au rockeur qu’il avait vu à l’âge de 9 ans.

A star is born

Little Richard était né Richard Wayne Penniman en 1932 dans l’Etat de Georgie, au sein d’une fratrie de douze enfantée par un père à la fois dévot et distributeur d’alcool de contrebande et une mère membre de l’Eglise baptiste. Surnommé dès ses jeunes années Lil’ Richard en raison de sa silhouette très fluette, cet enfant malicieux, raillé pour sa boîterie (il a une jambe plus courte que l’autre) et ses airs efféminés, ne tarde pas à chanter, à l’église bien sûr, mais aussi à la maison, sur le perron, tapant sur tout ce qui lui passe sous la main, au grand dam des voisins. En 1947, il a 14 ans quand une chanteuse de gospel, Sister Rosetta Tharpe, le remarque alors qu’il chante ses chansons avant le concert qu’elle s’apprête à donner dans la ville de Macon ; elle l’invite à en assurer la première partie, puis le rémunère : une vocation est née. Il commence alors à chanter professionnellement, notamment dans des spectacles clandestins de drag queen.

Dans un marché de la musique en plein boom, comme le relate l’AFP, de premières maisons de disques s’intéressent à lui. Tutti Frutti, qui évoque le sexe entre hommes, devient un incontournable de ses spectacles. Mais il n’avait jamais pensé l’enregistrer, jusqu’à ce qu’un producteur chez Specialty Records, un label de Los Angeles spécialisé dans les artistes noirs, entende le titre. Il propose de l’enregistrer en studio avec des paroles édulcorées pour permettre au titre de passer à la radio. Au lieu de « si ça ne rentre pas, ne force pas« , les paroles, réinventées par une jeune compositrice, deviennent : « J’ai une petite amie, Sue, qui sait exactement ce qu’il faut faire. » La chanson, enregistrée en 1955, devient en un éclair un hit et, lors des concerts, déclenche l’hystérie des groupies. Les deux années qui suivent sont un tourbillon de succès et d’extravagance, ponctuées de nouveaux titres, d’apparitions au cinéma et de scènes délirantes en public. Mais au sommet de sa gloire, en 1957, il annule brutalement une tournée en Australie pour se proclamer missionnaire de la congrégation évangélique « Church of God ». Après avoir rompu son contrat avec son label, il se consacre de 1958 à 1962 à la musique évangélique et au gospel (il enregistrera d’ailleurs un album produit par Quincy Jones) et écume le pays avec son groupe baptisé Little Richard Evangelistic Team pour prêcher.

Toilettes hommes…

A la même époque, il rencontre, justement lors d’un congrès évangélique, Ernestine Harvin, qu’il épouse le 11 juillet 1959. Leur mariage, au cours duquel ils adoptent un garçon d’un an, Danny Jones, tourne court et ils divorcent en 1964. Si Ernestine met cet échec sur le compte de la notoriété de son époux et ne met pas en cause sa sexualité, indiquant avoir eu avec lui des rapports « normaux« , l’arrestation de Little Richard pour comportement indécent avec des hommes dans des toilettes en sonna le glas. Le rockeur, qui n’aura ensuite pas d’autre épouse, restera toujours ambivalent concernant son orientation sexuelle, lui qui s’était décrit comme « pansexuel » dans un ouvrage paru en 1984 : s’il disait par exemple en 1995 au magazine Penthouse « j’ai été gay toute ma vie et je sais que Dieu est un Dieu d’amour, pas de haine« , il déclarait à l’inverse l’homosexualité « contre-nature » en 2017 dans un entretien avec une chaîne de télévision religieuse de l’Illinois.

Intronisé en 1986 au panthéon du rock, le Rock and Roll of Fame, parmi les premiers désignés pour cet honneur, puis ultérieurement aux panthéons du blues et du R&B, Little Richard, influence revendiquée encore aujourd’hui par de jeunes musiciens tels que Bruno Mars, avait en 2016 fait l’objet de rumeurs alarmistes concernant son état de santé. « Non seulement ma famille n’est pas rassemblée à mon chevet sous prétexte que je suis malade, mais en plus je continue à chanter, avait-il répliqué. Je ne me produis plus comme par le passé, mais j’ai toujours ma voix pour chanter, je me déplace, j’ai subi une opération à la hanche il y a un moment mais je suis en bonne santé. » Cette fois, il n’aura pas le dernier mot, met son héritage continuera à faire danser les foules.

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