Carine Roitfeld : “L’élégance, c’est se sentir bien avec tout le monde”

Ex-rédactrice en chef de l’édition française de Vogue, proche de Karl Lagerfeld, Carine Roitfeld signe pour la maison du couturier disparu la capsule Karl According To Carine.

Elle sait tout faire. Poser, défiler, dessiner, diriger, inspirer. Cette icône, avide de travail et d’expériences, s’appelle. Ancienne mannequin, patronne de Vogue pendant dix ans – où elle a imposé le «porno chic» et sa vision de la mode -, muse de Tom Ford, consultante de, créatrice du magazine CR Fashion Book, elle est aujourd’hui conseillère du style de la marque Karl Lagerfeld, pour laquelle elle vient de créer une capsule de prêt-à-porter.

«Karl a été mon protecteur. Quand j’ai quitté la rédaction en chef de Vogue, j’étais un peu perdue. J’avais l’impression de ne plus compter beaucoup dans la société. Il m’a recueillie.» La première fois qu’ils se sont rencontrés dans le bureau de Karl, leur entente fut immédiate.

«Nous avions un truc en commun. Il était allemand. J’avais vécu à Berlin, où mon père avait travaillé. Il m’a demandé si je connaissais l’actrice et chanteuse Hildegard Knef, sorte de Marlene Dietrich. Quand je lui ai dit que je savais qui elle était, il a souri comme s’il se disait : tiens, je vais peut-être pouvoir m’entendre avec celle-là. Le lendemain, je recevais des tonnes de livres et de disques de cette artiste de l’après-guerre. Ensuite, il a voulu me photographier. Il disait que j’avais un body language. Il m’a créé un look en barrant mon front d’une mèche.»

D’ailleurs, la photo de Carine qui se trouve sur les sweat-shirts de sa nouvelle collection est la première que Karl ait prise d’elle. De photo en photo est née l’idée d’un livre : La Petite Veste noire, celle de Coco Chanel. «Sur la couverture, Karl a mis mon nom à côté du sien. Le signe de l’immense politesse d’un seigneur qui n’a plus rien à prouver.»

Aujourd’hui, le nom de Carine figure aussi à côté de celui de Karl Lagerfeld dans la nouvelle capsule, Karl According to Carine, qu’elle signe pour la marque fondée par le Kaiser de la mode. Pour elle, c’est un honneur et une bénédiction. Elle a créé un univers plus sombre, plus mystérieux, plus Saint-Germain-des-Prés, avec des escarpins moins hauts pour pouvoir marcher, des jupes un peu plus longues («Aujourd’hui, je suis grand-mère et je me fais taper sur les doigts par ma petite-fille si elle juge que mes jupes sont trop courtes»), beaucoup de dentelle, de fausse fourrure rose bonbon. «Je pense qu’il serait content de cette collection. Pour moi, vous savez, il n’est pas parti et il ne partira jamais. Comme il était toujours en retard, je continue à l’attendre.»

Mon style

«Il évolue avec le temps. J’ai rallongé les jupes et raccourci la hauteur des stilettos.»

La mode

«Ce n’est pas sérieux, mais pas superficiel non plus. Une bonne couleur, un beau vêtement peuvent sauver une journée. Mais la femme ne doit jamais s’adapter à la mode.»

Mes bijoux

«Aujourd’hui, je porte un bijou érotique à la cheville gauche, côté cœur. Je tiens beaucoup à une compression de César et à un bijou de Dalí, que je porte autour du cou. J’ai également hérité d’un diamant, qui a voyagé dans un ourlet de manteau quand ma famille a quitté la Russie lors de la révolution.»

Une robe idéale

«Elle est noire, en soie à pois noirs, ton sur ton. J’aime aussi les jupes crayon fendues, qui permettent à une Parisienne de croiser et décroiser les jambes avec élégance.»

Ce qui me rend belle

«Le noir. Il me va bien, surtout quand il révèle une certaine brillance, comme dans la fausse fourrure ou la soie. Il y a aussi le motif panthère, que j’ai décliné en gris et qui réveille mon teint.»

La féminité

«C’est une attitude. Je ne suis pas très maquillée, je ne porte pas de rouge à lèvres et j’ai pourtant l’impression d’être très féminine. Karl, je crois, aimait que les femmes aient une féminité assumée. Le jour de la Fête des mères, il m’envoyait toujours un mot en me disant : « Bonne fête, madame Roitfeld. Vous avez parfaitement élevé vos enfants, et en plus vous êtes une bonne styliste ».»

L’élégance

«J’ai vu mon père ramasser le crayon de sa secrétaire le plus naturellement possible. J’ai vu Karl dire tous les jours bonjour à chacune de ses collaboratrices en les appelant par leur prénom. L’élégance, c’est se sentir bien avec tout le monde. Il n’y a pas de hiérarchie dans la politesse.»

Mon e-attitude

Mon réseau
«Instagram, pour communiquer avec une partie de ma famille qui est installée aux États-Unis.»

Mon appli
«Deliveroo. Je déteste faire la cuisine et les courses.»

Mon site
«Less is more by Julia Restoin Roitfeld. Ma fille l’a créé pour apprendre à acheter mieux et moins, et à bien se servir de ce que l’on a.»

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