Comment vit-on chez soi à l’heure du confinement ? L’occasion pour la designer de réfléchir à son métier et aux notions de production.
Wendy Andreu est designer. Diplômée de l’académie de Design à Eindhoven, elle est très vite remarquée grâce à ses créations nommées « Regen » (pluie en néerlandais). Des sacs, des chapeaux, des vêtements de pluie, mais surtout, un matériau qu’elle a conçu en fibres textiles enduites de latex noir, enroulées autour de gabarits en acier coupés au laser. Un tissu imperméable, à la fois épais et malléable ! Fascinée par les matériaux, la designer ne cesse d’expérimenter, passant de la création textile aux meubles avec la même curiosité. En janvier 2019, elle faisait partie des « Rising Talents » du salon Maison & Objet et elle a collaboré avec l’éditeur de tissus performants Sunbrella autour d’une proposition durable réalisée à partir des lisières des tissus de la maison, inventant encore une fois, une nouvelle matière.
Contactée par mail, elle a profité de ce moment pour réfléchir à son propre métier et à l’artisanat, le futur de la production :
« Être en quarantaine c’est arrêter la course inexorable vers le futur.
C’est arrêter la recherche incessante du plus, du mieux, du gadget, du rapide, du jetable, du trendy. Cette crise nous fait comprendre de manière frontale les choses dont les humain.e.s ont réellement besoin pour leur survie : se nourrir, se loger, prendre soin de son prochain.
Posséder plus ? Et si nous possédions mieux ? En ce sens, mon métier de designer est, lui-même, remis en question.
Est-il encore nécessaire de participer à la production d’encore plus d’objets en 2020 ?
De tous temps, les humain.e.s ont construit des objets et des outils afin d’améliorer leur quotidien. Ils.elles ont toujours réussi à résoudre des problèmes tout en en créant des nouveaux, qui eux aussi, nécessitent d’être résolus. C’est sans fin. Être designer peut-être très paradoxal.
Je constate également que décentraliser la production de nombreux objets fondamentaux de notre vie pose problème. Le masque sanitaire devient aujourd’hui l’objet le plus recherché du monde ! Je trouve ça fou. Les pays du monde entier se battent pour en avoir ! Je pense que les entreprises se poseront des questions avant de décentraliser leur production à l’autre bout du monde désormais. Ce constat renforce ma conviction de produire uniquement des objets à petite échelle dans un contexte européen. Je travaille uniquement avec des gens talentueux que je connais et que je respecte. L’artisanat et la proximité sont à mon avis le futur de la production d’objets et de biens. Je pense que la production décérébrée d’objets trop peu couteux générée par l’industrie est un concept obsolète. Bien que la globalisation fasse que ces objets que je produis localement en Europe sont la plupart envoyés aux Etats-Unis. Encore un paradoxe !
En cette période de crise, seulement les métiers de première nécessité sont pleinement en activité. Quel est le rôle des designers dans ce contexte ? Certain.e.s, à l’instar des scientifiques, travaillent à des solutions pour aider des hôpitaux, à créer de nouveaux respirateurs ou à produire des masques. Aussi, pour la première fois, les Nations Unies lancent un appel à projet pour tous les créatifs afin de trouver des solutions pour stopper la propagation du Covid-19.
Aujourd’hui, tous mes projets sont mis en suspend… Il est impossible pour moi de finaliser mes pièces car je n’ai ni accès à mon atelier ni aux ressources habituelles. À cause de cette crise, j’ai l’impression d’avoir été propulsée dans une faille temporelle où on m’aurait mis en retraite forcée à l’âge de 29 ans. Mon métier est ma passion, le pratiquer est fondamental pour moi. Je préfère construire que théoriser. Je préfère fabriquer les meubles que les utiliser. Je suis plus excitée à l’idée de dessiner une maison et son contenu que d’être entourée par ses quatre murs pendant plusieurs semaines.
J’utilise alors la quarantaine pour spéculer sur mes projets futurs. J’essaie de réfléchir aux nouveaux enjeux de mon métier que cette crise sanitaire aura provoqués, et en quoi le travail des designers pourra participer au changement dont nous avons tous besoin.
Pour contextualiser mon confinement, je suis actuellement à Oloron-Ste-Marie dans le Haut-Béarn (64). C’est l’endroit où je suis née.
Aussi, je recommande le podcast de Lidewij Edelkoort sur Business of Fashion.
La photo ci-dessus, c’est le plan du rez-de-chaussée de la maison familiale où je réside pendant le confinement.
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