Témoignage : "Mon association a formé un chien d'assistance judiciaire"

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Marie-Claude Lebret, 72 ans, n’en est pas à son coup d’essai. Après avoir introduit en France les premiers chiens d’assistance pour personnes handicapées à la fin des années 80, elle a aujourd’hui relevé un nouveau défi qui lui a été lancé par le procureur de la République de Cahors. Eduquer un chien qui se tient aux côtés des victimes les plus impressionnées par le système judiciaire, tout particulièrement les enfants, les apaise lors des auditions et du jugement, souvent aussi libère leur parole.

 » A l’époque, nous ne connaissions que les chiens d’aveugles « 

 » Jusqu’à l’âge de 40 ans environ, je menais la vie d’une femme comme les autres, mariée, mère de deux enfants et enseignante de biologie dans un lycée agricole. Et puis un soir de 1986, tout a basculé ! Je regardais à la télévision un reportage qui se passait aux Etats-Unis et montrait une femme tétraplégique dans son fauteuil, accompagnée dans la rue par son chien d’assistance. J’ai été bouleversée par ces images, par la manière dont ce labrador attirait sur sa maîtresse les regards bienveillants des passants et lui permettait d’entrer en lien avec l’extérieur. J’ai vu le chien ramasser un objet qu’elle avait fait tomber, ouvrir une porte et appeler l’ascenseur. J’étais fascinée. En France à cette époque, nous ne connaissions que les chiens guides d’aveugles. A cet instant précis, un projet s’est imposé à moi : j’allais  » importer  » chez nous ces chiens d’assistance aux personnes handicapées.

 » En 1989, je fais mes valises pour les Etats-Unis ! « 

Dès le lendemain, j’ai pris contact avec l’association américaine qui éduquait ces  » helper dogs « . J’ai demandé à sa directrice de m’accueillir en stage pour m’apprendre sa méthode. Elle m’a fait patienter trois ans ! Obstinée, je la relançais régulièrement et en attendant, je prenais des cours d’anglais pour être au point le jour J. En 1989, enfin, je fais mes valises pour les Etats-Unis pour un premier stage, puis un deuxième l’année suivante. En parallèle, je fonde l’association qui deviendra plus tard Handi’Chiens, je récolte des fonds, j’achète des chiots, je recrute des familles d’accueil pour leurs premiers mois d’éducation, j’ouvre un centre où les animaux finalisent leur formation. Et en 1991, nous remettons gratuitement nos premiers chiens d’assistance à des personnes handicapées.

 » J’éprouve une émotion intense à chaque remise de chien « 

Depuis cette date, Handi’Chiens n’a cessé de prendre de l’ampleur et à ce jour, nous avons remis 2500 chiens ! Pas seulement à des gens en fauteuil mais aussi à des enfants avec troubles autistiques ou atteints de trisomie 21, à des établissements accueillant des personnes âgées, à des malades épileptiques pour détecter leurs crises en amont, même à une victime de stress post-traumatique. Pour chacun de ces  » profils « , nous avons imaginé un protocole spécifique d’éducation pour que le chien soit capable de répondre à des besoins précis. A chaque remise de chien, c’est une émotion intense car nous savons avec quelle impatience la personne attendait son animal, à quel point celui-ci va bouleverser sa vie et combien leur relation sera belle, riche et tendre !

 » Le chien libère la parole des victimes « 

Etant toujours ouverte à la nouveauté, j’ai accueilli avec grand intérêt il y a deux ans la demande du procureur de la République de Cahors : il souhaitait qu’un chien d’assistance judiciaire soit formé dans l’un de nos centres Handi’Chiens (1). Ce concept, inconnu jusque-là dans l’Hexagone, est bien ancré aux Etats-Unis où 250 de ces animaux exercent déjà. Des études menées outre-Atlantique ont montré qu’un tel chien aide les victimes de violence à verbaliser ce qu’elles ont subi et libère leur parole, tout particulièrement quand il s’agit d’enfants. Sa présence les met en confiance et les apaise au moment des auditions, des expertises, des reconstitutions et bien sûr durant le procès. Pour des enfants, se retrouver immergés dans une procédure judiciaire rajoute encore aux violences déjà vécues. Et quand leurs parents sont impliqués, ils peuvent également se retrouver prisonniers de terribles conflits de loyauté. Leur procurer un petit compagnon qui les soutiendra dans cette épreuve m’a donc semblé un enjeu humain d’importance. Avec deux éducateurs, Florian et Stéphanie, nous avons dit banco !

 » Nous avons choisi Lol, un labrador au bon regard doux « 

Il nous fallait trouver le  » bon » chien, celui qui présenterait toutes les qualités requises pour remplir cette mission un peu particulière. Il fallait un chien calme, qui n’aboie pas à la moindre porte qui se ferme, au moindre bruissement d’une robe d’avocat ! Il fallait aussi un chien au faciès rassurant, presqu’à l’allure de peluche pour qu’il inspire confiance aux enfants. Surtout, nous devions trouver un animal empathique, capable de ressentir les émotions des victimes, leur peur, leur tristesse et qui se laisserait volontiers caresser et câliner. Parmi tout un panel de chiots, nous avons choisi Lol, un labrador au bon regard doux et aux oreilles tombantes, sociable et observateur. On ne l’a pas éduqué à des gestes techniques comme ramasser un objet ou ouvrir une porte mais à un travail psychologique : soutenir le moral des victimes, leur manifester de l’affection, écouter leurs confidences. Nous l’avons notamment fait travailler en simulant des auditions.

 » Parfois, l’enfant s’adresse directement à Lol ! « 

Après deux ans d’éducation, Lol est maintenant opérationnel. Chaque fois qu’il l’estime nécessaire, le procureur le fait venir au tribunal pour assister une victime. Auparavant bien sûr, on demande à l’enfant s’il est d’accord. Puis une rencontre est organisée entre lui et Lol afin qu’ils fassent connaissance, passent un peu de temps ensemble. Ensuite seulement, les auditions commencent. Généralement, Lol se couche tout contre l’enfant, il peut même poser son museau sur ses genoux et le regarder avec intensité. A chaque étape éprouvante de la procédure, l’enfant sait que son copain Lol sera là, pour lui donner de la force et du courage. C’est un repère extrêmement rassurant pour lui. Parfois même, l’enfant s’adresse directement au chien pendant les auditions !

 » Bientôt d’autres chiens d’assistance judiciaire « 

Quand Lol n’est pas au tribunal, il reste chez lui, au sein de la caserne des pompiers de Cahors. Ces derniers se sont en effet portés volontaires pour lui offrir le gîte et le couvert. Il partage leurs entraînements physiques et les réconforte quand ils rentrent d’une intervention qui les a secoués. D’autres tribunaux un peu partout en France nous ont déjà contactés pour, eux aussi, avoir leur chien d’assistance judiciaire. Si l’expérimentation actuellement menée avec Lol à Cahors est jugée concluante par le ministère de la Justice, nous pourrions donc être bientôt mis à contribution pour former d’autres chiens « .

(1)Le projet est soutenu par la Fondation Adrienne et Pierre Sommer qui œuvre au développement de la médiation animale.

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