Automédication : peut-on vraiment se soigner tout seul ?

47% des femmes consomment des médicaments en vente libre et ne consultent leur médecin que si ceux-ci se révèlent inefficaces, selon un sondage OpinonWay pour Medaviz de juin 2018. Une pratique qui a pourtant ses limites.

Prendre des médicaments sans passer par la case médecin est de plus en plus répandu, notamment chez les jeunes. 54% des femmes de 25 à 34 ans ont régulièrement recours à l’automédication, contre seulement 38% des 50-64 ans. A l’heure où les médecins sont débordés et où les pouvoirs publics tentent de réduire drastiquement les dépenses médicales, devenir acteur de sa santé est une démarche – somme toute – logique.

Et avec la multiplication des déserts médicaux, demander un rendez-vous à son généraliste à chaque mal de gorge ou de dos relèverait de l’absurde. À moins d’être hypocondriaque, beaucoup de petits maux du quotidien peuvent donc se régler avec le pharmacien. Mais attention : pour éviter les erreurs, il faut adopter un minimum de précautions.

Surtout ne pas faire de mélange

Les médicaments en vente libre, c’est-à-dire que l’on peut acheter sans ordonnance, sont fréquemment considérés comme inoffensifs. Or il n’en est rien. Ils renferment des principes actifs qui garantissent leur efficacité. Ces derniers ne sont donc pas anodins et peuvent générer des effets secondaires. « Les antalgiques à base de paracétamol sont souvent banalisés à tort, observe le Pr Jean-Paul Giroud pharmacologue et auteur de Automédication, le guide expert (éd. La Martinière).

Beaucoup de médicaments différents en contiennent, commercialisés sous des noms différents, ce qui peut poser des problèmes de surdosage en cas de cumul. » Ne prenez donc pas de votre propre chef un anti-douleur et un anti-rhume, par exemple, sans demander conseil à votre pharmacien. De même, associer un tranquillisant avec un anti-allergique peut se révéler dangereux, surtout si vous prenez le volant, car leur effet sédatif s’additionnent.

À l’inverse, un médicament d’automédication peut annuler l’effet d’un autre médicament (un pansement digestif et un antibiotique par exemple). À la pharmacie, mieux vaut donc toujours donner la liste des médicaments que l’on prend avant d’acheter des comprimés en vente libre à la légère.

Au-delà d’un ou deux symptômes, méfiance !

Un nez qui coule ou un simple mal de tête peuvent parfois se gérer en solo, surtout si la cause est évidente : un coup de froid, un manque de sommeil ou une consommation excessive d’alcool la veille. « Mais si le mal de tête s’accompagne d’une diarrhée aigüe, il faut consulter, conseille le Pr Giroud. De même, si des vomissements ou une raideur de la nuque sont associés ».

En théorie, l’automédication est réservée aux adultes en bonne santé. En cas de maladie chronique (diabète, troubles rénaux ou hépatiques, maladie inflammatoire chronique de l’intestin…), il est préférable de ne pas prendre d’initiatives afin de ne pas avaler de remèdes contre-indiqués. « L’automédication est également à proscrire chez la femme enceinte ou allaitante, ainsi que chez les nourrissons », insiste le Pr Jean-Paul Giroud.

Lisez scrupuleusement la notice

Vendus sans ordonnance, les antalgiques bloquent l’influx nerveux à l’origine de nos douleurs pour les atténuer ou les supprimer. On les distingue en deux catégories : ceux à base de paracétamol (Doliprane®, Dafalgan®, Efferalgan®…) et les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) que sont l’ibuprofène (Advil®, Nurofen®…) et l’aspirine.

Pour éviter les impairs, il faut toujours lire la notice, ce que peu de personnes font en réalité. « La posologie du médicament doit être strictement observée », précise le Pr Giroud. 

Si le paracétamol constitue un danger moindre, certaines précautions s’imposent tout de même : on ne le prend pas plus de cinq jours d’affilé, et surtout pas combiné à de l’alcool (à ne pas utiliser après une « gueule de bois » donc). Les overdoses de paracétamol peuvent conduire à une insuffisance hépatique grave. En France, c’est même la première cause de greffe de foie. De même, on respecte un dosage de 4 grammes maximum par jour et un délai de 4h entre chaque prise pour les adultes (jusqu’à 6h pour les enfants). 

En ce qui concerne l’ibuprofène, pas plus de 200 mg ou 400 mg toutes les 4 à 6 heures chez l’adulte (60 mg par kilo et par jour chez l’enfant), selon l’intensité des douleurs. Pour l’aspirine, la posologie est de 500 mg ou 1 g (soit 1 ou 2 comprimés à 500 mg ou 1 comprimé à 1000 mg) par prise à renouveler si nécessaire après un délai minimal de 4 heures, sans dépasser la dose de 3 g d’aspirine par jour (soit 6 comprimés à 500 mg ou 3 comprimés à 1000 mg par jour).

Avant toute prise d’un AINS, il est important de demander un avis médical si l’on souffre d’une maladie grave du cœur, du foie, des reins et ou d’hypertension artérielle. Chez les femmes enceintes, il est formellement contre-indiqué à partir du début du 6ème mois de la grossesse. De même, on l’exclut en cas d’antécédents d’ulcère de l’estomac ou du duodénum, d’hémorragies digestives, d’allergie et/ou d’asthme liés à la prise d’Ibuprofène ou d’autres anti-inflammatoires.

Dans un communiqué* publié le 19 avril 2019, L’Agence Nationale des Produits de Santé et du Médicament (ANSM) alerte ainsi sur les dangers de l’ibuprofène (Advil, Nurofen, Upfen…) et du kétoprofène (Profenid, Toprec, Ketum…) pris en automédication. Ces anti-inflammatoires non-stéroïdiens, utilisés en cas de fièvre ou de douleurs, peuvent favoriser des complications infectieuses graves (infections cutanées, pleuro-pulmonaires, neurologiques ou ORL) à l’origine d’hospitalisations, de séquelles voire de décès. L’autorité de santé explique que « ces complications infectieuses (essentiellement à Streptocoque  ou à Pneumocoque ) ont été observées après de très courtes durée de traitement (2 à 3 jours), y compris lorsque la prise d’AINS était associée à une antibiothérapie. Elles sont survenues alors que l’ibuprofène ou le kétoprofène étaient prescrits ou pris en automédication dans la fièvre mais également dans de nombreuses autres circonstances telles que des atteintes cutanées bénignes d’aspect inflammatoire (réaction locale, piqure d’insecte,…), des manifestations respiratoires (toux, infection pulmonaire,…) ou ORL (dysphagie, angine, otite,…). » Elle rappelle également que les anti-inflammatoires non-stéroïdiens « sont déjà connus comme pouvant être à l’origine de complications cutanées bactériennes graves (fasciite nécrosante) lorsqu’ils sont utilisés au cours de la varicelle et doivent être évités dans ce cas. »

Si vous avez égaré la notice de vos médicaments, vous pouvez la retrouver sur le site www.base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr. 

Enfin, un symptôme qui s’aggrave ou ne passe pas malgré le traitement du pharmacien doit amener à consulter.

* https://ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Anti-inflammatoires-non-steroidiens-AINS-et-complications-infectieuses-graves-Point-d-Information

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