À l’occasion de la diffusion sur France cet après-midi de « L’As des as » de Gérard Oury, revenons sur la controverse qui a opposé le film à « Une chambre en ville » de Jacques Demy.
Après Le Cerveau en 1969, Gérard Oury retrouve Jean-Paul Belmondo en 1982 pour L’As des as. L’acteur y interprète un entraîneur de l’équipe française de boxe aux Jeux Olympiques de Berlin. En voulant protéger un enfant juif dont la famille a disparu, il met le doigt dans l’engrenage qui va l’entraîner dans la plus folle des aventures à travers l’Allemagne de 1936, engendrant poursuites, arrestations, fuite vers l’Autriche pour tomber dans le « nid d’aigle » d’Hitler.
Un succès pour Oury, un échec pour Demy
À sa sortie, L’As des as est un succès massif. Il cumule 463 000 entrées la première semaine d’exploitation et devient à l’époque le deuxième plus grand succès français au box-office avec 5,5 millions d’entrées. Un autre film français sort la même semaine face à L’As des as : Une chambre en ville de Jacques Demy, qui ne rencontre pas son public. Seuls 20 000 spectateurs se rendent en salles pour le voir lors de sa première semaine d’exploitation. Du côté de la critique, c’est l’inverse : le film de Gérard Oury ne récolte pas les suffrages des journalistes cinéma qui lui préfèrent Une chambre en ville, auquel ils offrent un triomphe unanime.
Polémique
Il n’en faut pas plus aux yeux du critique de cinéma Gérard Lefort pour attribuer l’échec d’Une chambre en ville à Gérard Oury et son film, qui auraient monopolisé l’attention du public. Il expose cette idée dans un article publié dans Libération et intitulé « Pour Demy ». Ce texte déclenche une polémique et sous l’impulsion de Gérard Vaugeois, producteur du film de Demy, d’autres journalistes se joignent au mouvement. Dans le Télérama du 10 novembre 1982 paraît « Pourquoi nous louons une chambre en ville », signé par vingt-trois critiques qui déplorent le « détournement de spectateurs » et « l’écrasement informatif et publicitaire des films préconçus pour le succès ».
Si cette polémique reste limitée à la sphère des professionnels du monde du cinéma et ne touche pas le grand public, elle contrarie Jean-Paul Belmondo qui ne tarde pas à répondre à travers une « Lettre ouverte aux coupeurs de têtes », dont voici un extrait : « Gérard Oury doit-il rougir de honte d’avoir « préconçu son film pour le succès » ? Jacques Demy a-t-il préconçu le sien pour l’échec ? Lorsqu’en 1974 j’ai produit Stavisky d’Alain Resnais et que le film n’a fait que 375 000 entrées, je n’ai pas pleurniché en accusant James Bond de m’avoir volé mes spectateurs. […] Oublions donc cette agitation stérile et gardons seulement en mémoire cette phrase de Bernanos : « Attention, les ratés ne vous rateront pas ! »«
De son côté, Jacques Demy est surpris et embarrassé de cette controverse, ne considèrant pas L’As des as comme responsable de l’échec de son film. Il finira par remercier les critiques pour leur soutien dans une page du Monde.
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