Fashion Week Paris : Valentino et Stella McCartney, à fleur de peau

Collections. – Chez Valentino, une nouvelle femme en noir et cuir. Chez Stella McCartney, la poésie d’Erté et des matières véganes. Deux points de vue forts.

Donc, le noir est partout. Chez les Japonais, sans surprise qui ne lui trouve rien d’inquiétant. Mais, surtout, sur les podiums de Milan et de Paris, qui, pour l’automne-hiver prochain, n’y vont pas de main morte. Le noir s’affiche, fier, en total look. Couleur de l’Église, de la bourgeoisie, du pouvoir. De la révolte, des anti-tout, du deuil. De quoi rajouter un peu de drame à l’ambiance actuelle.

Noir monochrome chez Valentino

Chez Valentino, qui défile ce dimanche après-midi derrière les Invalides, on compte 59 (sur 89) silhouettes noires monochromes. « Cette collection est née du désir de se concentrer sur l’humanité des individus pour représenter et mettre en valeur leurs sentiments et leurs émotions, sans distinction d’âge, de sexe, de race et de disposition. (…) Les uniformes sont généralement perçus comme effaçant l’individualité. Cependant, si on y regarde de plus près, les uniformes mettent la personne au premier plan », peut-on lire dans le communiqué de presse. C’est donc pour dépouiller un visage, éclairer une personnalité que le directeur artistique Pierpaolo Piccioli travaille l’obscurité.

Son casting s’affranchit (gentiment) des diktats en faisant défiler des garçons en blouse de soie et des filles en pardessus, des modèles dépassant les 20 ans d’âge et la taille 36. Hommes et femmes sont maquillés de jais et d’argent, bijoutés, gantés. Les pantalons d’homme, amples, coupés à la serpe, cassent sur d’épaisses boots à semelle de caoutchouc. Le genre de chaussures qui rend les femmes invincibles, assez inédit chez Valentino.

Le défilé Valentino automne-hiver 2020-2021

On sent la même urgence sur le podium de Stella McCartney, où les mannequins foncent droit devant, ce lundi matin, à l’Opéra Garnier. Elles portent, comme chez Valentino, de grands pantalons d’homme et de larges manteaux, des chaussures à crampons, prêtes à tout dégommer sur leur passage. Mais les points communs entre les deux griffes s’arrêtent là. Car si Piccioli travaille la peau d’agneau sur ses sacs, ses souliers et son vestiaire, il n’en est rien chez Stella. Faut-il rappeler que les cuirs, moelleux et souples, de la Britannique n’en sont pas, pas plus que ses manteaux laineux ne sont en mouton…

Au finale de son défilé, des peluches de lapin et de vache géantes emboîtent le pas des filles et des garçons. L’assemblée sourit, immortalise l’instant joyeux. Une façon légère de faire passer un message sérieux. «Nous sommes la seule maison de luxe au monde qui ne tue pas d’animaux sur son podium, avance la styliste à l’issue de son défilé. Il est important que les gens l’entendent et l’intègrent. Notre challenge, depuis 2001, est de trouver des équivalences à ces matières animales et nous y sommes parvenus. La preuve qu’il est possible de faire aussi luxueux, sans nuire à la planète et aux animaux. » Un discours controversé – l’usage du cuir, issu de la filière agroalimentaire, dans l’industrie de la mode est une forme de recyclage. Mais malgré tout, malgré les pour et les contre, les moqueurs et les activistes, le message de la pionnière en matière de mode écoresponsable résonne aujourd’hui, plus que jamais. Comme celui d’une Vivienne Westwood militant contre le réchauffement climatique qui faisait rire hier et réfléchir à présent.

Le défilé Stella McCartney automne-hiver 2020-2021




Depuis juillet dernier, Stella McCartney est conseillère spéciale de Bernard Arnault sur les questions relatives à l’environnement (LVMH est actionnaire minoritaire de la marque). « M. Arnault investit son temps et son argent dans un business model différent, poursuit-elle. Je l’informe des avancées écologiques tant en matière de sourcing que de production, je lui raconte ce que nous avons réussi à faire et à changer à notre échelle. Que c’est le futur de la mode. » Et sa collection dans tout ça ? « Plus personne ne me parle de mes vêtements !» rit-elle. Il y a pourtant à dire. Cette saison, Stella a utilisé les œuvres de l’artiste franco-russe Erté (1892-1990), rencontré à l’âge de 11 ans alors qu’elle voyageait avec sa mère. Erté illustrait les couvertures du Harper’s Bazaar de ses dessins Art déco dans les années 1920 (à voir dans l’excellente exposition actuellement au MAD), construisait des décors de théâtre et dessinait les costumes des Folies Bergère. Sous son influence, les vêtements empruntent une voie théâtrale et glamour : caftans de soie, robes légères aux imprimés graphiques. Ils s’immiscent entre un manteau de laine façon mouton retourné, et un imperméable en faux cuir perforé. Trop beaux pour être vrais ?

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