Leur victoire aura été éclipsée par celle de Roman Polanski, quelques minutes plus tard.
L’académie des César a récompensé ce vendredi Anaïs Demoustier, 32 ans, pour son rôle dans Alice et le maire, et Roschdy Zem, 54 ans, pour Roubaix, une lumière.
Retour sur deux parcours d’interprètes qui comptent dans le cinéma français.
Anaïs Demoustier, trentenaire à la filmographie brillante
Anaïs Demoustier, qui a commencé le cinéma jeune, n’en finit pas de s’épanouir à l’écran. Dans le film de Nicolas Pariser, elle incarne une jeune philosophe normalienne, intellectuelle travailleuse chargée de conseiller le maire de Lyon qui n’a plus d’idées, incarné par Fabrice Luchini. « Anaïs Demoustier est une actrice extraordinairement douée », a dit d’elle le réalisateur. « Sa grande force est de parvenir à rendre naturel et à habiter n’importe quel texte ».
Avec ce rôle, elle complète une filmographie déjà brillante commencée au début des années 2000. Ils lui ont valu plusieurs nominations aux César : deux dans la catégorie du meilleur espoir féminin, pour Les Grandes personnes en 2009 et D’amour et d’eau fraîche en 2011, et une pour le César du meilleur second rôle pour La Villa en 2018, sans qu’elle ait été récompensée jusqu’ici.
Née le 29 septembre 1987 à Lille, fille d’un cadre commercial dans la grande distribution et d’une mère au foyer, Anaïs Demoustier a pris des cours de théâtre avant d’être repérée par un directeur de casting à l’adolescence. Elle n’a pas encore 15 ans quand elle est choisie en 2002 pour jouer la fille d’Isabelle Huppert dans Le Temps du Loup de Michael Haneke. Elle passe son bac et s’inscrit en fac de Lettres avant d’enchaîner les petits rôles, puis de se faire remarquer en 2008 dans La Belle Personne de Christophe Honoré, aux côtés de Léa Seydoux et Louis Garrel.
Cinéma d’auteurs
Elle tourne ensuite avec Rébecca Zlotowski (Belle Epine), Robert Guédiguian (Les Neiges du Kilimandjaro, puis Au fil d’Ariane et La Villa), Claude Miller (Thérèse Desqueyroux) ou Bertrand Tavernier (Quai d’Orsay), et remporte en 2011 le Prix Romy-Schneider. En 2014, elle est à l’affiche de Bird People de Pascale Ferran ou Une Nouvelle amie de François Ozon. On la voit ensuite dans A trois on y va de Jérôme Bonnell et Caprice d’Emmanuel Mouret où elle incarne une jeune femme excessive éprise d’un instituteur, puis dans Marguerite et Julien de Valérie Donzelli, en compétition au Festival de Cannes en 2015, sur l’histoire d’un frère et d’une sœur, exécutés en 1603 pour adultère et inceste, et dans Les Malheurs de Sophie de Christophe Honoré.
Ces dernières années, Anaïs Demoustier a joué aussi bien chez le réalisateur de comédies absurdes et décalées Quentin Dupieux (Au poste !) que chez Frédéric Tellier (Sauver ou périr avec Pierre Niney), Félix Moati (Deux fils) ou Robert Guédiguian (Gloria Mundi). Mère d’une petite fille qu’elle a eue avec l’acteur Jérémie Elkaïm, elle est actuellement à l’affiche du film de son frère Stéphane Demoustier La Fille au bracelet, dans lequel elle incarne une avocate générale très offensive.
Roschdy Zem, acteur brut à la force tranquille
C’est une figure discrète mais incontournable du 7e Art français. Roschdy Zem est un acteur brut à la force tranquille, dont le parcours a été jalonné de plus de 80 films, mêlant cinéma d’auteur et populaire. Nommé trois fois aux César dans la catégorie meilleur second rôle (pour Ma petite entreprise, Le Petit lieutenant et La Fille de Monaco), une fois pour le meilleur premier film (Mauvaise foi) et une fois pour la meilleure adaptation (Omar m’a tuer), il n’avait jamais été récompensé.
Dans le polar sombre d’Arnaud Desplechin Roubaix, une lumière, l’acteur franco-marocain de 54 ans incarne un commissaire charismatique et sensible, plein d’humanité, à contre-pied des personnages classiques de policiers. Un rôle qui lui avait déjà permis de décrocher en janvier le Prix Lumière du meilleur acteur, décerné par la presse internationale en France. « C’était le rôle parfait pour lui », confiait à l’AFP en mai à Cannes Arnaud Desplechin, qui voit en lui « un seigneur » qu’il a « vu grandir de film en film », un homme « très pudique ».
L’acteur, qui s’est illustré l’an dernier aussi par son rôle de président de la République aux faux airs de Barack Obama, dans la série Les Sauvages de Rebecca Zlotowski, s’est imposé tout au long d’une carrière où il a joué des hommes virils, avec de nombreux rôles de flics dans des polars français, mais aussi des personnages complexes, d’hommes mutiques ou écorchés, révélant sa fragilité.
Rôles variés
Rien ne le prédisposait pour autant au cinéma. Né le 28 septembre 1965 de parents d’origine marocaine vivant dans un bidonville, qui le placent en famille d’accueil en Belgique jusqu’à ses 5 ans avant de s’installer à Drancy, Roschdy Zem devient d’abord vendeur de chaussures aux puces de Clignancourt. Il découvre le théâtre seulement à 20 ans, en accompagnant une amie à un cours. Il commence alors à faire des castings et débute au cinéma dans Les Keufs de Josiane Balasko, avant J’embrasse pas d’André Téchiné, avec qui il travaillera à nouveau dans Ma saison préférée et Alice et Martin.
Il multiplie ensuite les rôles dans le cinéma d’auteur, se faisant vraiment connaître en veilleur de nuit dans En avoir ou pas de Laetitia Masson et surtout en toxicomane dans N’oublie pas que tu vas mourir de Xavier Beauvois. L’acteur joue ensuite chez Dominique Cabrera (L’Autre côté de la mer) ou Patrice Chéreau (Ceux qui m’aiment prendront le train). On le voit au début des années 2000 dans des films grand public (Chouchou de Merzak Allouache, 36 Quai des Orfèvres d’Olivier Marchal) ou plus pointus (Va, vis et deviens de Radu Mihaileanu, Le Petit Lieutenant de Xavier Beauvois), avec des rôles variés, traçant la voie pour d’autres acteurs issus de l’immigration.
Acteur et réalisateur
L’année 2006 marque un tournant. Grâce à Indigènes de Rachid Bouchareb, sur les tirailleurs nord-africains pendant la Seconde Guerre mondiale, il remporte collectivement le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes avec les autres acteurs du film. Il réalise également cette année-là son premier film comme cinéaste, Mauvaise foi, sur l’histoire d’amour entre une femme juive et un homme musulman. Suivront Omar m’a tuer (2011), sur l’affaire Omar Raddad, Bodybuilder (2014), dans l’univers du culturisme, Chocolat (2016), sur le premier clown noir de France, et enfin le polar sombre Persona non grata l’an dernier.
Il continue parallèlement sa carrière d’acteur, alliant cinéma d’auteur et populaire, de La Fille de Monaco (2008) d’Anne Fontaine au Jeu (2018) de Fred Cavayé. Actuellement à l’affiche de La Fille au bracelet de Stéphane Demoustier, il joue en ce moment aussi au théâtre dans Trahisons d’Harold Pinter, mis en scène par Michel Fau.
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