C’est quoi « JoJo’s Bizarre Adventure », animé culte et fou sur Netflix ?

«Ora ora ora ora ora ! » C’est le cri (de ralliement) que vont pousser les fans à l’arrivée des deux premières saisons de l’animé JoJo’s Bizarre Adventure dimanche sur Netflix. Bon, la série était déjà disponible sur les plateformes spécialisées
Crunchyroll et
ADN, ainsi qu’en DVD/Blu-ray chez Kazé, mais Netflix offre une exposition bienvenue à une oeuvre encore méconnue en France, et pourtant culte au Japon. En effet, le manga original de Hirohiko Araki a été publié à l’origine, à partir de 1986, dans le Weekly Shônen Jump, le même magazine que Dragon Ball, Saint Seiya ou Captain Tsubasa. Et surtout à la même époque, en plein âge d’or des années 1980-1990. Il fait ainsi partie de ces shônen incontournables, avec plus de 100 millions d’exemplaires vendus. Pourquoi la France n’a-t-elle pas été touchée par la folie JoJo ? Du moins pas encore.

Une adaptation animée tardive

Selon Frederico Anzalone, journaliste et auteur du livre Jojo’s Adventure Bizarre : Le diamant inclassable du manga (Third Editions), une des raisons est que le titre n’a pas été adapté tout de suite en animé, et n’a donc pas profité de l’effet
Club Dorothée. Un premier animé voit le jour en 1993 sous la forme d’OAV, qui n’adapte qu’une partie de l’arc 3, Stardust Crusaders, et il faut attendre 2012 pour que le studio David Production s’attelle à une adaptation en bonne et due forme, en série animée, du manga, qui compte 126 tomes (!) et est toujours en cours. Ah oui, on a oublié de préciser que JoJo est une oeuvre à la longueur, complexité, richesse, originalité et étrangeté uniques dans l’industrie manga.

Rien que la pitcher est un défi en soi, mais Frederico Anzalone s’y colle : « L’histoire suit un jeune Lord, Jonathan Joestar, dans l’Angleterre victorienne, dont la vie est bouleversée par l’arrivée dans sa famille de Dio Brando, un gamin orphelin, pauvre et avide de pouvoir. Une rivalité s’installe entre eux, et perdurera de génération en génération, entre les héritiers Joestar et un Dio devenu vampire grâce à un masque aztèque. Voilà, pour faire simple, car après la troisième partie, cela se complique avec des familles annexes, des enfants cachés… Il s’agit de suivre une lignée, une dynastie. »

Des combats d’un nouveau genre, d’un mélange des genres

A quel genre appartient exactement JoJo’s Bizarre Adventure, au manga de baston à la DBZ, Naruto ou One Piece ? « Il y a des combats, explique le journaliste, avec au début une technique martiale, l’Onde, une manière de respirer pour décupler ses coups sans atteindre les Kaméhaméha de Goku. C’est plus sobre, plus étrange. Mais la vraie révolution a lieu dans Stardust Crusaders avec l’apparition des Stands, des entités spectrales qui se battent à la place des héros. Et on ne parle pas forcément de force physique, l’originalité est que ces pouvoirs peuvent influencer le décor, ou prendre la forme d’un jeu vidéo. Nous ne sommes pas dans un culte de la virilité mais de l’intellect. »

Chaque partie du manga change donc de héros, d’époque, de contexte, voire de genre, avec, pour citer Frederico Anzalone, « l’horreur gothique à la Hammer pour la première, Phantom Blood, le pulp tendance Indiana Jones pour Battle Tendency, l’épopée pour Stardust Crusaders, le thriller pour Diamond Unbreakable, la mafia italienne pour Golden Wing, la prison de femmes pour Stone Ocean, la course de chevaux pour Steel Ball Run, et l’après séisme de 2011 pour JoJolion. » Quel mélange !

Tout est permis, rien n’est remarqué

C’est le tour de force de JoJo, devenu même sa marque de fabrique, de jouer avec les codes, les attentes, les sexes, les apparences… Comme l’écrit l’auteur dans son livre, « dans ce monde, personne ne se pré́occupe d’eêtre un homme efféminé ou une fille masculinisée, ni d’êêtre hétéro, gay ou bi, et encore moins de la façon dont son corps occupe l’espace public, qu’elle soit sobre ou insolite. Tout est permis, rien n’est remarqué. (…) JoJo, aussi, aligne et met en avant les minorités sociales, comme les orphelins ou les familles monoparentales, et pré́sente des castings volontiers multiculturels, voire des héros métis. En bref : ici, tout le monde se mélange. »

Cette liberté se retrouve dans un dessin reconnaissable entre tous, avec des héros bobybuildés à la Ken le survivant mais au look et aux postures influencées à la fois par la sculpture italienne et la mode féminine. Sans oublier des idées de mise en scène à chaque page, et à chaque minute de l’animé. Selon Frederico Anzalone, l’adaptation télé, sans être ni une parodie ni une relecture, épouse un regard de fans, n’hésite pas à aller dans l’emphase, et se fait plus pop, presque méta.

« Le shônen le plus brillant des années 1990 »

La majorité des Français pourront le découvrir dimanche sur Netflix avec les deux premières saisons, qui couvrent les trois premiers arcs, et donc l’iconique Stardust Crusaders, avant d’enchaîner avec les saisons 3 et 4 sur Crunchyroll, et surtout avec le manga chez
Delcourt/Tonkam, presque à jour sur la publication japonaise. Pour Frederico Anzalone, c’est le moment ou jamais de se plonger dans « le shônen le plus brillant des années 1990, inclassable, par son éclectisme, ses hybridations et ses singularités ». Un sondage réalisé par
l’Agence des affaires culturelles en 2007 le classait deuxième meilleur manga de tous les temps, derrière Slam Dunk mais devant Dragon Ball.

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