Ines, Claudia, Vanessa… Les héroïnes de Karl Lagerfeld

Si Karl Lagerfeld a écrit une page majeure de l’histoire de la maison Chanel, c’est aussi en lui donnant le visage de celles qui l’inspiraient au quotidien. Un an après sa disparition, focus sur dix de ses héroïnes, entre Claudia Schiffer, Vanessa Paradis, Anna Mouglalis, Kristen Stewart ou Cara Delevingne.

Ines de la Fressange

En 1983, Karl Lagerfeld propose au «mannequin qui parle» un contrat d’exclusivité avec Chanel – du jamais vu dans l’histoire d’une maison de luxe. Le Kaiser succombe à cette grande brune à l’élégance innée dont la ressemblance avec Coco Chanel est troublante. Chic à la française, gouaille de Parisienne, cool et moderne à la fois, elle a tout pour plaire à Karl le téméraire.

De son côté, Ines de la Fressange ne tarit pas d’éloges sur lui : «Je lui dois tout, en particulier mon contrat avec Chanel, raconte-elle en 1986. Et je trouve fascinant ses goûts littéraires qu’il livre, comme ça, entre un zip à placer ici et un bouton à remonter là. J’aime aussi sa gaieté dans le travail, qui électrise tout le monde. Sa disponibilité à papoter en fin de journée, à l’heure où la maison se vide, à poursuivre une discussion au bistrot d’à côté, à écouter durant des heures ses amies lui raconter leur vie au téléphone et à leur manifester de constantes attentions  : petits mots, fleurs, livres, cadeaux. J’admire sa technique de travail rapide, sa connaissance du métier sur le bout des doigts, son imagination débordante. Jamais abstraite. Toujours inspirée par les femmes dans sa vie, ici, ailleurs, dans la rue. L’observation de la manière dont elles bougent, de leurs envies du moment qu’il transforme en vêtements de rêve. Tout ce qu’il voit, surprend, d’une attitude féminine l’alimente. Le plus étonnant : sa manière d’accumuler ainsi les informations».

La belle entente se fissure en 1989 lorsqu’Ines de la Fressange accepte de devenir le modèle du buste de Marianne contre l’avis du maître. Un contrat casse, vingt ans de brouille puis la réconciliation en 2010 : Karl Lagerfeld refait défiler son ex-égérie sous les verrières du Grand Palais et l’engage pour incarner la campagne Chanel printemps-été 2011 au côté de Stella Tennant et Freja Beha. L’eau de la pacification ayant bien coulé sous les ponts, le couturier présente aussi en 2015 au magazine de mode américain V l’une de ses nouvelles sources d’inspiration : Violette d’Urso, 15 ans, fille d’Ines et… «incarnation de l’élégance française de demain».

En vidéo, Karl Lagerfeld, retour sur les grandes dates de sa carrière

Claudia Schiffer

Claudia Schiffer défile en maillot pour Chanel en 1993.

Après la brune, la blonde ! En 1989, Claudia Schiffer fait ses premiers pas sur le défilé Chanel haute couture automne-hiver 1990 et devient l’égérie de Karl Lagerfeld qui la compare à Brigitte Bardot. À l’ère des supermodels à qui il fait aussi appel, le créateur, né à Hambourg, succombe plus particulièrement au charme de sa compatriote. «Si je devais faire la guerre de Troie, Claudia serait mon Hélène», déclare-t-il à l’époque la comparant également à une apparition qui électrise les foules. Las, en 1994, la BB Doll tourne une pub pour la marque de soda Fanta, s’attirant les foudres de l’aristocrate du luxe. Car s’il aime les filles pétillantes, ce n’est pas pour les voir patauger dans les bulles bon marché. Karl Lagerfeld jette alors son dévolu sur une certaine Stella Tennant, issue d’une famille de nobles anglais. Ce qui ne l’empêchera pas de renouer avec sa muse des nineties et de la photographier en 2007 pour la campagne de la collection croisière de la maison de la rue Cambon. Ajoutant même : « Elle n’a besoin d’aucune retouche, elle est encore plus belle que lorsqu’elle était l’égérie de Chanel ».

Stéphane Audran

Stéphane Audran et Michel Piccoli dans le film Les noces rouges réalisé par Claude Chabrol.

Le «charme discret de la bourgeoisie», c’est elle ! Stéphane Audran, égérie et épouse de Claude Chabrol, disparue en 2018, aura marqué le cinéma français par ses rôles de dame distinguée aussi distante que décapante. Elle ne pouvait que plaire à Karl Lagerfeld. Cela tombe bien, elle s’était entichée du couturier dès le début des années 1970. Il s’occupera donc de sa garde-robe à l’écran. Leur duo démarre en 1971 lorsqu’il l’habille pour Juste avant la nuit de Chabrol. Suivront plus de trente films et téléfilms. «Ce travail était différent de son activité dans la mode et c’est certainement ce qui l’amusait. C’était léger, joyeux, différent. Dans Les Noces rouges, en 1973, j’incarne une bourgeoise qui a un amant. Ils deviennent assassins en supprimant leurs époux respectifs. Pour l’un des costumes, Chabrol avait demandé à Karl une note de rouge qui symboliserait le sexe et la mort. Il a dessiné une robe classique, boutonnée devant. Quand je m’asseyais on apercevait une combinaison rouge», raconte à l’époque Stéphane Audran. Suivront autant de films cultes (Le Charme discret de la bourgeoisie, Folies bourgeoises, Violette Nozière, Coup de Torchon, Le Festin de Babette…) sur lesquels Karl Lagerfeld se charge de tout : les robes, les bijoux, les chapeaux, les chaussures, la coiffure et le maquillage de la comédienne… Allant même d’un nuage de pastel jusqu’à reproduire l’ambre de sa peau. Une complicité artistique exceptionnelle entre la bourgeoise éternelle et le maître de Chanel.

Vanessa Paradis

Vanessa Paradis et Karl Lagerfeld posent après le défilé Chanel Automne-Hiver 2017/2018.

Difficile de dissocier la petite princesse de la chanson française de la maison Chanel. Entre elle et Karl Lagerfeld, c’est une longue (et rare) histoire. Depuis plus de vingt ans, la chanteuse et comédienne est l’ambassadrice de la maison de couture. Premier coup d’éclat en 1991 : elle est ce petit oiseau de paradis qui siffle dans une cage et s’envole sur un trapèze pour incarner le parfum Coco Chanel. Un conte de fées de 30 secondes de publicité signé Jean-Paul Goude qui en fait le symbole de la génération télé des jeunes de l’an 2000 (deux décennies plus tard, sa fille Lily-Rose deviendra celle d’Instagram). Celle qui incarnera aussi l’image des sacs de la griffe puis celle de la nouvelle gamme de rouge à lèvres Rouge Coco de Chanel confiait adorer écouter et travailler avec Karl Lagerfeld. «Nous avons, en commun, je crois, l’envie de raconter des histoires et de faire rêver les gens», disait-elle. Et lui, que pensait-t-il de son amie égérie : «Ce qui est fondamental avec Vanessa, ce n’est pas ce qu’elle fait mais comment elle le fait. Elle pourrait délivrer de l’émotion en chantant le Bottin», confiait-il dans Paris Match en 2010.

Caroline de Maigret

Caroline de Maigret invitée du défilé Chanel Haute Couture Printemps Eté 2019.

Si Karl Lagerfeld aimait les filles à particules, il les préfèrait nettement dotées d’un naturel désarmant, entre prestance et insolence. Ainsi va Caroline de Maigret, l’élégante effortless qui porte la petite veste Chanel comme si elle venait de sortir du lit. Cette incarnation de la Parisienne – à qui elle a d’ailleurs consacré un ouvrage en 2014 – est aussi mannequin, productrice de musique, comédienne, ambassadrice d’une ONG et égérie de nombreuses marques dont l’Oréal et Chanel pour qui elle est revenue défiler, grâce à Karl Lagerfeld, à un âge avancé – 40 ans, précisément. En 2013, elle clôturait ainsi la collection des Métiers d’art Paris Dallas parée d’une sublime coiffe de grand chef indien en plume et paillette qui lui descendait jusqu’au pied comme une traîne de mariée ; et en 2015, elle défilait avec un porte-voix de leader dans le cortège de la manifestation féministe du Boulevard Chanel. Quel regard portait-elle sur Karl Lagerfeld ? «Karl est un homme libre qui suit ses idées, ses envies, se moque de ce que les autres peuvent en penser et fonce, racontait-elle dans Madame Figaro. Je lui dois énormément et notamment de m’avoir permis de renouer avec la mode après plusieurs années consacrées à mon label de musique».

Lily-Rose Depp

Lily Rose Depp assistait au Metropolitan Museum de New York au Défilé de la collection Chanel Metiers d’Art 2018/2019.

Même front bombé, même corps de danseuse écorchée, même blondeur et moue lolicéenne mais d’après Karl Lagerfeld, la nouvelle égérie de la maison Chanel ne ressemble pas à sa mère – Vanessa Paradis -, et ni à son père d’ailleurs – Johnny Depp. Lily-Rose Depp est…Lily-Rose, «une jeune fille de la nouvelle génération avec les qualités d’une star», précisait le couturier. Officiellement intronisée lors du défilé Paris-Salzburg Chanel à New-York en mars 2015, l’actrice, protégée depuis son enfance de la médiatisation ambiante, est, depuis ce baptême du feu, présente sur tous les front rows de la griffe aux 2 C. Après avoir incarné la collection de lunettes «Perle» en 2015, elle fut aussi, en 2016, l’image du N°5 L’eau affirmant dans le spot de la publicité : «You know me and you don’t». En 2018, rebelotte, elle est l’égérie, cette fois-ci de la nouvelle campagne de make-up Chanel. Mais plus besoin de clamer qu’on ne la connait pas vraiment : Lily-Rose est bel et bien devenue, comme l’avait prédit King Karl, une véritable star.

Anna Mouglalis

«Ravissante, divine, pas conventionnelle, plus jolie que les autres, avec une voix à la Delphine Seyrig et une allure d’Ava Gardner gamine», disait d’elle le couturier. La première fois qu’il croise Anna Mouglalis, il perçoit en elle la nouvelle ambassadrice Chanel. Elle voit en lui, un mentor et un ami : « Je me souviens de mes débuts, de Karl ne voulant pas que l’on me prenne pour un mannequin. J’avais eu des réflexions sur le fait que je me baladais en mobylette. On avait même dit que ça me donnait les cheveux gras. Karl, à qui j’en avais touché deux mots, m’a immédiatement photographiée sur ma mobylette.»

La garde rapprochée de Karl Lagerfeld

Kristen Stewart présente au Défilé Chanel Haute Couture Printemps Eté 2019.

La jeune femme habillée à la garçonne a du talent et parle cash. Coco ? Non, Kristen. «Elle parvient à ressembler à Mademoiselle Chanel», disait d’elle KL. En 2013, l’actrice de 29 ans devient le visage de la collection Métiers d’art Paris-Dallas. Quatre ans plus tard, elle prête ses traits au parfum Gabrielle. «Karl Lagerfeld est exactement comme un bon metteur en scène de cinéma : il nous donne des clés, nous guide. Gabrielle Chanel est une femme qu’on ne pouvait ni arrêter ni ignorer, une femme qui avançait en dépit des courants contraires. Elle ressemble à ce que j’aimerais être.»

Cara Delevingne

Rejeton de l’aristocratie britannique à tendance rebelle, Cara Delevingne s’inscrit dans la lignée de Stella Tennant et autres Amanda Harlech qui font partie du cercle intime de Karl. Depuis toujours, le couturier était fasciné par ce pedigree mâtiné de culture punk. «Cara représente la it girl moderne, pleine de vie, pleine d’énergie. J’aime les filles qui sont sauvages, belles et drôles à la fois.» C’est au côté du jeune top en mariée Chanel à baskets qu’il s’offrira un tour de piste pour le finale du défilé automne-hiver 2014. Peu après, la Londonienne délaisse les podiums en faveur du cinéma, mais, par amitié pour le couturier, elle réapparaît en 2016 dans une campagne signée KL.

Kaia Gerber

Kaia Gerber défile pour la collection Chanel Prêt-à-porter Printemps Eté 2019.

Jambes interminables, silhouette longiligne, sourcils broussailleux… À l’exception de son grain de beauté, Kaia Gerber cultive la ressemblance avec sa mère, Cindy Crawford, le supermodèle qui a foulé le podium Chanel dès 1993. Plutôt protecteur à l’égard des mannequins qu’il appréciait, Karl Lagerfeld, qui s’était entiché de la jeune Californienne, la faisait régulièrement travailler pour Chanel et aussi dans le cadre de sa propre marque (en 2018, elle avait même joué les stylistes pour une capsule Karl Lagerfeld × Kaia).

Cet article, initialement publié le 19 février 2019 a fait l’objet d’une mise à jour.

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