"Colette", ou la naissance vibrante d’une auteure culte

"Colette" est un film biographique qui relate le parcours hors-normes de l’écrivaine française, icône du début du 20e siècle, et qui a traversé les époques. Malgré quelques maladresses, Keira Knightley donne vie avec brio à cette femme affirmée, qui était en avance sur son temps.

Alors que les femmes auteures sont encore trop peu présentes dans les programmes scolaires, il y a un siècle, il était presque inconcevable d’écrire sous son nom en tant que femme. Prenez George Sand, en réalité nommée Amantine Aurore Lucile Dupin, qui a utilisé ce pseudonyme pour échapper aux préjugés. Car une femme qui écrit n’est pas intéressante à lire. C’est dans ce contexte sexiste qu’a émergé l’une des auteures françaises les plus connues au monde : Colette.

Colette, film biographique réalisé par Wash Westmoreland (Still Alice), avec Keira Knightley dans le rôle-titre, est diffusé ce mardi 18 février sur Canal Plus. La Britannique de 33 ans signe là l’un de ses meilleurs rôles, en phase avec ses engagements féministes. 

Colette, auteure des romans Claudine

De son nom complet Sidonie-Gabrielle Colette, elle a écrit pendant des années la série des Claudine, romans inspirés de sa vie où l’on suit les tribulations d’une femme libre, en avance sur les moeurs de son temps. Tout comme son inventrice. Mais pendant longtemps, Claudine a vécu sous le nom de Henry Gauthier-Villars, dit Willy, mari de Colette, avant qu’elle ne s’émancipe de cet homme accaparant et immature.

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L’une des premières femmes dandy françaises

Ce n’est pas la première fois que l’on voit la magnétique Keira Knightley en robe à frous-frous et corset du 19e-20e siècle. Pirates des Caraïbes, Orgueil et Préjugés, The Duchess, A Dangerous Method… l’actrice s’est fait une spécialité de ces rôles endimanchés.

Si son personnage d’Elizabeth Swann dans la saga de pirates made in Disney avait déjà une part rebelle, Keira Knightley interprète cette fois l’une des plus grandes frondeuses du début du 20e siècle : la Française Colette. Le film suit l’auteure de la fin de son adolescence sage dans la campagne bourgogne, à sa rencontre avec l’impétueux Willy, qui deviendra son époux, jusqu’à la création de Claudine, le succès, et l’envol. Un brassage très large de la vie intense de cette idole, l’une des premières femmes dandy françaises, après George Sand, et à la même époque que Sarah Bernhardt.

Il faut cependant un petit moment, au début du film, pour réussir à se faire à l’idée d’une Colette parlant anglais, et écrivant en français. Mais Keira Knightley l’incarne avec tellement de force et d’intensité que cette aberration finit par s’effacer, et l’on est prit par le rythme théâtral de ce biopic tout à la gloire de l’auteure. 

Claudine et Colette

La Britannique parvient à jouer aussi bien une Colette jeune et naïve, candide dans son attitude, que la Colette en costard de la fin du film, en colère face à un époux sans cesse décevant et manipulateur. Avant de s’affranchir du genre et des codes sociaux, Colette est une jeune femme très sage, hypnotisée par Willy, écrivain à succès qui ne sait pourtant pas écrire, vivant sur le dos de ses plumes secrètes. Flambeur et beau-parleur, il séduit cette campagnarde impressionnable, l’amène dans son univers mondain à Paris. Très vite, elle écrit ses lettres à sa place, et si lui n’a qu’un talent, c’est bien de déceler celui des autres. Entre les lignes, Willy voit de suite le potentiel de sa jeune épouse, et la pousse à écrire de la fiction. Encore enfantine, c’est dans un cahier d’école que Colette écrit les premières lignes de Claudine à l’école, à la plume. 

Le livre est publié sous le nom de son époux, malgré ses protestations. Très vite, il rencontre le succès, et d’autres tomes doivent suivre. 

Le film explore bien le rapport compliqué entre réalité et fiction, en mettant en avant la folie commerciale, plutôt rare pour l’époque, autour de Claudine, qui devient une marque à part entière. Comble du cynisme, Colette en devient l’étendard à partir du moment où elle se coupe les cheveux courts, en forme de triangle. Colette fusionne de plus en plus ce personnage en partie inspiré de sa propre vie. Comme si son double de papier lui donnait le courage de sortir de sa coquille.

Claudine, c’est moi

L’ancienne fille de la campagne aux très longues tresses devient faiseuse de tendances, et gagne en amertume face à la gloire de son époux, par ailleurs toujours infidèle et dépensier. Une amertume qui la pousse, aussi, à s’en affranchir, et tenter ses propres expériences, en faisant d’une bourgeoise américaine son amante. Ce qui ne chafouine pas son mari. « C’est moins grave parce que c’est une femme ? », lui demande-t-elle. Il ne la contredit pas. Puis Colette commence à porter des costumes d’homme, et se met en scène dans une pièce avant-gardiste. Petit à petit, Colette finit par avoir la même vie jugée scandaleuse que Claudine, fascinant le tout-Paris et lui attirant les colibés des étriqués d’esprit.

Devenir soi

Si le film est une réussite, malgré quelques lourdeurs de mises en scène, dont certaines sont trop maniérées, et une image un peu trop esthétique dont pâtissent les moments censés être olé-olé, c’est notamment parce qu’il parvient à retracer le parcours d’une femme ayant pris des années à comprendre qui elle est, ce qu’elle vaut et ce qu’elle veut.

Personne ne peut te prendre qui tu es

Dans cette optique, le film met aussi en avant la belle relation qu’elle nouait à sa mère, qui l’encourageait à ne pas s’effacer derrière son époux : « Personne ne peut te prendre qui tu es », lui dit-elle, alors que Claudine est en froid avec Willy.

À cela, Keira Knightley sait donner l’intensité nécessaire lorsqu’elle s’oppose à ce mari insupportable, imprévisible et égoïste, qui n’hésite pas à l’enfermer à double tour pour l’obliger à écrire. Une dernière scène de monologue, filmée en plan fixe, la voit hurler alors qu’il a revendu les droits de Claudine à une autre maison d’édition, sans lui en avoir parlé. « Claudine, c’est moi, assène-t-elle dans cette superbe scène. Ce sont mes souvenirs, mes pensées. Tu as tué notre enfant. » On a alors des frissons à la voir se réapproprier ce qui lui revient.

Colette aura aussi le grand mérite de mieux faire connaître au grand public le parcours passionnant de cette femme qui ne s’est rien interdit. 

Colette, de Wash Westmoreland, avec Keira Knightley

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