- Un an après son César pour « Le Grand Bain », Philippe Katerine participe à une autre cérémonie ce vendredi, les Victoires de la musique.
- Grâce à son album « Confessions », l’artiste est nommé dans trois catégories : artiste masculin, album et chanson originale.
- « 20 Minutes » a rencontré l’interprète de « Stone avec toi ».
Alors qu’il voulait juste manger sa banane tout nu sur la plage, c’est à la Seine Musicale qu’il va devoir passer son vendredi soir. Un an après son César du meilleur acteur dans un second rôle pour Le Grand Bain, c’est pour sa musique que
Philippe Katerine pourrait cette fois-ci être récompensé, par la très sérieuse académie des Victoires.
Grâce à Confessions, son dernier album sorti en novembre, l’artiste est nommé dans trois catégories : artiste masculin, album et chanson originale pour le titre Stone avec toi. Mais aucune pression ne plane au-dessus de Philippe Katerine. « Je suis très content de pouvoir jouer une chanson à la télévision, c’est déjà énorme », explique-t-il sincèrement à 20 Minutes, une dizaine de jours avant la cérémonie. Et c’est bien cette simplicité, son côté doux dingue et son regard singulier sur la vie qui font de lui un être humain à part.
Est-ce important pour vous les récompenses ?
Je n’y pense jamais, ce que j’aime faire c’est aller au bout des disques. C’est ça la victoire, c’est quand tu fais. Après le reste, bien sûr que ça compte mais c’est autre chose.
Certains artistes y voient une forme de consécration, est-ce le cas pour vous ?
A vrai dire, je suis très content de pouvoir jouer une chanson à la télévision, c’est ce que je vais faire ce soir-là, c’est déjà énorme, surtout avec un disque qui s’appelle Confessions. Ce n’était pas gagné avec ces chansons et cette pochette, je pouvais très bien tomber sur un mur. Or je tombe au contraire sur un accueil affectueux, vigoureux ! Ce n’est pas un disque qui ramollit les gens. Ça leur donne peut-être un tout petit peu de violence par moments, mais elle semble être accueillie, et c’est comme ça que je vois ces histoires de nominations. Et pour certaines de ces confessions, c’est d’une certaine manière comme être pardonné.
Vous voyez cela comme un pardon ?
Bien sûr ! C’était un risque que je prenais en l’appelant comme ça. C’était vraiment le nom qui m’était venu tout de suite pour ce disque, j’étais même parti du titre pour composer mes chansons. S’il avait été reçu par mépris, condescendance, ou indifférence, pour un disque qui s’appelle Confessions, ç’aurait été dur. C’est comme si tu faisais des confessions à l’église mais que le curé n’était pas là, ou qu’il pensait à autre chose ! C’est en cela que je suis heureux : d’avoir ce disque, et qu’il soit accueilli autant dans les salles que par ces nominations.
Craigniez-vous que certaines chansons soient plus difficiles d’accès que d’autres ?
Quand je fais des chansons je ne pense pas aux gens qui vont les écouter. C’est plus égoïste, je pense plutôt à me faire du bien, c’est tout ce qui compte. Après j’essaye d’arranger un peu les choses pour que ce soit lisible. Je n’avais pas vraiment de craintes, je savais qu’il y avait des choses violentes dans le disque. Mais le monde est violent, donc ce disque l’est aussi.
La violence interpelle très vite en effet, et paraît incompréhensible pour certains.
Elle est en nous, je pense que le monde entier est en nous, à la fois ce qu’il y a de meilleur et ce qu’il y a de pire. On est des assassins potentiels, on a de la cruauté… Si je fais des disques et que je ne dis pas de cruauté, de violences, d’horreurs, de cauchemars, je me dis que c’est un disque qui trompe les gens ou qui me trompe moi-même.
Vous torturez des chansons parfois ?
Bien sûr ! On les malmène et elles me malmènent aussi. Il faut que ça remue et que ça fasse violence. Parfois je vois les têtes de surprises en concert qui reçoivent une forme de violence, mais je crois que c’est aussi tout l’intérêt de ce que je fais.
Vous êtes nommé dans la catégorie « artiste masculin ». Vous comprenez que l’on puisse distinguer les artistes masculins d’un côté et les artistes féminines de l’autre ?
Pas du tout, je ne comprends pas. Ce n’est pas nouveau bien sûr, mais je pense que la frontière est de plus en plus épaisse, parfois on a l’impression qu’un mur est en train de se construire entre le féminin et le masculin. Je parle en général, mais je me sens aussi légitime d’être nommé dans la même catégorie que Clara Luciani, Catherine Ringer ou Angèle. C’est absurde, et pourquoi ne pas faire entrer l’âge en compte ? Et pourquoi pas une catégorie de chauves ou de moustachus ?
Vous êtes nommé aux côtés d’Alain Souchon et Lomepal, un beau reflet de la musique en France ?
Ce sont deux personnes qui sont sur mon disque. Lomepal avec la chanson 88 %, et Souchon, il passait souvent en studio quand on enregistrait. Il s’asseyait sur le divan et il faisait la conversation. Je lui ai fait enregistrer une phrase dans Point noir sur feuille blanche.
Ce sont des amis ?
Des amis c’est vite dit, mais avec Souchon la conversation est très agréable. Il te parle de forêts, d’endroits de la France, il est très géographique. Lomepal a une conversation plus sentimentale. Ce sont des gens très différents, mais ils ont ce point commun qu’au fond ils font relever les têtes alors que parfois on entend des chansons qui les font se baisser. On croit moins au genre humain par exemple, mais avec eux deux, au fond tu te sens être humain.
Il y a deux ans, vous participiez à un freestyle avec Lomepal sur Skyrock. Vous aviez déjà essayé avant ?
J’en ai vu pas mal, mais non. J’ai souvent improvisé. Par exemple avec François Ripoche, on a monté un groupe qui s’appelle « Christian le chat président » où on rentre sur scène sans savoir ce qu’on va faire. Des expériences une peu folles, et très gratifiantes. Tu ressors un peu essoré parce que tu improvises pendant trois quarts d’heure. C’est en cela que j’ai pratiqué ça, c’est du free total.
Vous travaillez régulièrement avec des artistes venant du rap, aussi bien avec un Alkpote qu’un Lomepal. Comment arrivez-vous à vous adapter à ces univers si différents ?
Je ne sais pas si j’y arrive mais en tout cas j’aime beaucoup faire de la musique, donc quand on m’invite je suis très titillé, d’autant plus si ce sont des gens qui me paraissent un peu éloignés de moi. Ça me donne de l’excitation. Le rap est une musique que j’écoute beaucoup, je ne me sens pas comme un poisson dans l’eau parce que je n’ai pas grandi avec ça, mais c’est une musique qui fait complètement partie de mon quotidien. J’écoute du rap américain, Tyler, The Creator, Kanye West bien sûr et sa trajectoire passionnante… En France ça peut aller de Vald à Koba LaD, Booba,
Shay… C’est très large. Je trouve que c’est ce qu’il y a de plus vibrant aujourd’hui, le plus authentique dans la musique.
On vous sollicite régulièrement pour des collaborations musicales ?
Pas trop, à part ceux qu’on vient de citer, ce qui est pas mal. Mais sinon ça fait longtemps qu’on ne m’a pas dit « j’aimerais que tu m’écrives une chanson ». Ça m’est arrivé plein de fois, mais c’est quelque chose qui se fait un peu moins j’ai l’impression. Ou alors on ne me demande pas… Mais c’est pourtant quelque chose que j’ai adoré faire, pour Arielle Dombasle, Anna Karina…
A qui aimeriez-vous écrire une chanson ?
Je ne sais pas… Quelqu’un d’éloigné de moi. Quelqu’un comme Mylène Farmer, je serais très content, très stimulé !
Vous avez travaillé avec votre fille, qui s’est notamment occupée du clip de « Stone avec toi ». C’est agréable de travailler avec ses enfants ?
C’était génial de travailler avec elle, surtout sur des thèmes comme sur la greffe où je me retrouve avec un grand nez… Ou des trucs où je me promenais tout nu et je me faisais agresser par des gens, c’était quand même des clips un peu violents qui maniaient des sentiments contrastés. Le faire avec ma fille, ça ressemblait vraiment à une relation réussie. Tout était permis et il n’y avait pas de honte. Et sur le plateau c’est elle qui mettait en scène, je lui faisais complètement confiance et c’était vraiment un moment privilégié de ma vie, tout simplement.
Dans la chanson « Aimez-moi », vous parlez de paternité. Ça a changé beaucoup de choses dans votre vie d’être papa ?
Bien sûr. J’avais 23 ans quand ma fille est née, je ne gagnais pas encore ma vie avec la musique, je faisais plein de petits boulots, donc il fallait que je m’active pour ramener du pain à la maison. Ça m’a donné un gros coup de pied dans le cul. Sinon je suis du genre un peu lymphatique. J’ai besoin qu’il y ait des urgences, et là effectivement il fallait s’activer. A cette époque j’avais sorti deux disques je crois, j’ai donc commencé à faire des tournées tout seul avec ma guitare. J’ai ramené de l’argent et ça a fait du bien à ma musique, à plein de choses. Le fait de sortir, de prendre le train, même l’avion que j’ai pris pour la première fois. J’ai vu les Alpes, je n’avais jamais vu une montagne avant. J’allais tout seul à Bruxelles, à Paris… Bref j’ai dû sortir de mon trou. C’était une bénédiction même si j’ai été obligé de me forcer vachement. J’étais épouvantablement timide, je rougissais à chaque instant, aborder quelqu’un me paraissait une montagne justement. Mais même si je me suis forcé ça m’a fait du bien. Et puis avoir un enfant, c’est aussi voir la vie différemment.
Rien à voir, mais pour terminer, avez-vous des nouvelles de Thierry, votre personnage dans « Le Grand Bain » ?
Très bien, il mène sa vie, toujours en maillot de bain. Il est heureux, il a reçu sa coupe du monde ! Il en est très fier ! Il est heureux que j’ai pu recevoir aussi un César, ça lui a fait tellement plaisir, pour lui-même, et pour Gilles Lellouche. Il a enfin été accueilli dans un groupe, ce qui a rarement été le cas de Thierry ! Toujours exclu, toujours le bouc émissaire, moqué la plupart du temps…
On en rigole mais ce personnage a fait beaucoup de bien aux gens !
Il m’a fait beaucoup de bien à moi aussi.
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