Retomber amoureuse après un deuil, c’est possible

Ajoutez cet article à vos favoris en cliquant sur ce bouton !

L’un part, l’autre reste. Après la mort de leur conjoint, elles se sont autorisées à renouer avec l’amour. Trois femmes nous racontent leurs histoires singulières, qui vont à l’encontre des idées reçues sur les « veuves joyeuses ».

Elles se pensaient anéanties à jamais, écrasées par le chagrin et la solitude. Elles étaient persuadées que leur vie sentimentale avait pris fin avec la disparition de l’être cher, le compagnon d’une vie, le père de leurs enfants. Et les voici, contre toute attente, séduites, touchées et éprises d’un autre ! Et cet élan du cœur, cette renaissance des sens à laquelle elles ne croyaient plus les bouleverse. Pour certaines, c’est une rencontre qui a tout changé du jour au lendemain. Pour d’autres, le désir s’est lentement éveillé, les poussant à répondre à l’envie d’aimer et d’être aimé, de donner et de recevoir, de partager des moments à deux. Mais elles vous le diront toutes : s’attacher à un autre lorsque l’on a perdu son compagnon n’est pas un processus rédempteur qui libère du deuil. Culpabilité, idéalisation du disparu, pression sociale : nos témoins racontent ce chemin semé d’épines au bout duquel se profile un nouveau bonheur.

Avant l’heure, ce n’est pas l’heure…

Souvent, la première question qui leur est venue à l’esprit au moment où elles ont rencontré quelqu’un, c’est : « Est-ce que ce n’est pas trop tôt ? Suis-je vraiment prête ? » On peut se demander s’il existe véritablement un « bon timing » en la matière, tant le processus de deuil est une épreuve que chacun traverse à son rythme, dans son intimité la plus profonde. Évidemment, au moment de la mort du conjoint, toute vie sentimentale semble inconcevable : la blessure est à vif ! Cependant, avec les mois, les années, les perspectives bougent lentement et, un jour, la perspective d’une liaison sentimentale paraît envisageable alors même que, quelques mois auparavant, cela était impossible. Attestant de l’expérience de centaines de milliers de personnes, Christophe Fauré parle d’ « un délai allant de un à trois ans ».

Il est cependant essentiel de respecter son tempo, sans chercher à sauter les étapes : apprivoiser la douleur, accepter de se laisser transformer par elle, redéfinir son rapport au monde maintenant que l’autre n’est plus là. Parce que fuir la perte de l’être aimé en se lançant dans une nouvelle relation ne mène qu’à une impasse. Une histoire fondée sur de telles bases a peu de chances d’aboutir. « La nouvelle relation ne doit pas servir de béquille à un deuil qui ne parvient pas à se faire ou qui reste sous l’emprise de la culpabilité », conclut Christophe Fauré.

Plaisirs non coupables

Le sentiment de trahison envers l’absent pèse lourdement sur celle qui lui survit. « La culpabilité est un obstacle de taille : on se sent coupable de trahir, ou même de tromper, la personne disparue. En dépit des années, on se sent toujours lié par un contrat de loyauté et on s’en veut d’être heureux à nouveau, alors que l’autre personne est morte. On a l’impression d’un bonheur volé et presque illégitime… », explique le psychiatre. Florence, 63 ans, comptable, raconte comment elle a dû sortir de l’idéalisation de son mari décédé pour s’autoriser à vivre le grand amour qui s’offrait à elle. « Lorsque Thierry est mort d’un accident de voiture, je ne me suis plus souvenue que du meilleur de notre relation. C’est comme si j’avais oublié tous les mauvais côtés. C’était d’autant plus étonnant que, les dernières années, nous étions dans un conflit permanent. Mais c’est de cette façon que j’ai pu survivre à sa disparition brutale. Je me sentais tellement coupable de ne pas l’avoir aimé assez, de ne pas l’avoir protégé contre le destin. Cependant, les années passant, je me suis retrouvée prise au piège de cette idéalisation, coincée dans l’obligation d’être fidèle à ce que nous avions vécu de plus beau. C’est la rencontre avec Franck qui a ouvert des portes en moi. Ça a été une période d’intense bouleversement : d’un côté, j’étais follement attirée par lui ; de l’autre, je cherchais à lui résister de toutes mes forces. Et j’étais constamment tiraillée entre les deux, passant de la joie au désespoir, de la tendresse à la colère. Un vrai feu d’artifice émotionnel ! D’autant que j’avais peur que le drame se reproduise si je m’attachais à nouveau à un homme. Mais Franck ne m’a pas lâchée. Et peu à peu, sa patience, sa présence inconditionnelle à mes côtés, sa façon de m’entraîner joyeusement vers la vie m’ont permis de prendre mes distances avec ce souvenir idéalisé de mon mari, d’assumer notre mariage dans toute sa complexité et de pouvoir enfin me projeter pleinement dans le présent, en l’occurrence cette deuxième chance amoureuse que la vie m’accordait ! »

À l’abri des regards

Entre ceux qui vous enjoignent à « refaire votre vie » alors que vous êtes encore terrassée par le chagrin et ceux qui exigent de vous une loyauté vertueuse envers le défunt, il vous faut soudain composer avec le regard (et l’avis) de votre entourage. Difficile de se dégager de la pression sociale, comme le raconte Clotilde, 76 ans, professeure à la retraite, qui a connu l’anathème de ses proches lorsqu’elle s’est remise en couple avec un ami quelques mois après la mort de son mari. « Pendant toute la maladie de Paul (une tumeur au cerveau contre laquelle il a lutté quatre ans), notre ami Alexis a été là. Au début, il était d’abord un soutien moral : ses visites étaient une bouffée d’air frais. Mais, alors que l’état de Paul s’est dégradé, il est devenu également un soutien logistique indispensable. Il passait chez nous presque quotidiennement. Notre lien reposait sur l’amour que nous portions à Paul et l’infinie tristesse de le voir perdre ses facultés jour après jour. Ensemble, nous l’avons accompagné le plus dignement possible vers la fin. Après sa disparition, Alexis et moi avons naturellement éprouvé le besoin de continuer à nous voir très régulièrement : on parlait beaucoup de Paul. Et, au bout de quelques mois, sans rien préméditer, l’amitié a fait place à l’amour, et la complicité au désir. Mais, autour de nous, ça a été la curée : ils sont tous montés sur leurs grands chevaux moraux, eux qui avaient quitté le navire dès que l’état de Paul était devenu gênant et qu’il avait commencé à perdre la tête ! Bien sûr, leurs jugements, leurs critiques, m’ont profondément blessée. J’ai perdu des amies très proches dans la bataille. Mes enfants ont mis du temps à comprendre, à accepter. En tout cas, le lien entre Alexis et moi n’en a été que plus fort, plus viscéral. Nous nous sommes mariés il y a trois ans. Les enfants étaient présents. Et il me semble que la force de notre amour est paradoxalement une façon de rester fidèle à Paul. »

Un cœur grand comme ça

Renouer avec le désir est un travail d’équilibriste pendant lequel on essaie constamment de faire cohabiter en soi l’amour disparu et les sentiments naissants. « La difficulté pour l’endeuillé est de faire exister la nouvelle personne pour ce qu’elle est, indépendamment de toute comparaison avec le disparu, commente Christophe Fauré. Cela prend parfois beaucoup de temps. Il faut pouvoir évoquer l’histoire d’amour d’autrefois sans se censurer, tout en prenant soin de ne pas blesser la nouvelle personne. » Sophie, 56 ans, infirmière, raconte la place qu’elle a su donner à son mari décédé. « S’il y a une chose qui s’est imposée à moi après le décès du père de mes fils, c’est que l’amour ne disparaît pas avec la mort. Dix ans ont passé et l’amour que nous nous sommes donné l’un à l’autre continue d’exister en moi. Il m’arrive parfois de parler mentalement à Jean, de lui demander des conseils et même de rire avec lui… Et ça ne m’empêche pas d’aimer profondément David, que j’ai rencontré trois ans après sa mort et avec qui je vis depuis plus de dix ans. Avec David, j’ai toujours parlé librement de Jean. Beaucoup au début, moins souvent aujourd’hui. Mais il continue de s’inviter parfois dans nos conversations. C’est normal, il fait partie de mon histoire. D’ailleurs, je n’aurais pas pu construire une relation avec un homme qui se serait retrouvé en rivalité avec Jean, fragilisé par sa ‘présence’ dans ma vie. David est un homme très sensible, qui a lui-même traversé des épreuves, mais il est solide, sûr de qui il est, bien établi dans sa virilité. Il m’a aimée telle que j’étais, avec mon passé compliqué. Je lui en suis tellement reconnaissante. Un jour, il m’a avoué qu’avec le temps il a fini par avoir de la sympathie pour Jean, cet homme qu’il n’a pas connu de son vivant. Ça m’a touchée au plus haut point. Mes deux grands amours sont en paix. »

* Auteur de Vivre son deuil au jour le jour, éd. Albin Michel.

À lire aussi :

⋙ Combien de fois peut-on tomber amoureux dans une vie ?

⋙ Tomber amoureuse après 50 ans

⋙ Deuil animal : comment faire face à la perte ?

Nos meilleurs conseils chaque semaine par mail, pendant 2 mois.
En savoir plus

  • Des menus simples et délicieux
  • Des exercices sportifs ludiques
  • Nos astuces pour vous affiner

Source: Lire L’Article Complet