Sarah Abitbol, patineuse artistique, a révélé avoir été victime de viols de la part de son entraîneur lorsqu’elle était adolescente. Deux après le mouvement #Metoo, ce témoignage va-t-il permettre de briser le silence sur un sujet véritablement tabou dans le milieu du sport ?
Si le cinéma a réussi à libérer la parole sur les femmes victimes de violences sexuelles dans l’industrie, ce n’est pas le seul domaine où l’omerta cesse d’opresser. Le monde de l’édition a aussi connu un véritable éclairage sur la dénonciation des violences sexuelles. L’écrivain Gabriel Matzneff est au coeur d’une polémique suite aux accusations de Vanessa Springora. Dans son livre Le consentement, elle dénonce sa relation sous emprise avec l’auteur. Au lendemain de la parution de son ouvrage, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour “viols sur mineur de moins de 15 ans. »
Petit à petit et un peu plus de deux ans après le lancement du mouvement #Metoo, né suite à l’affaire Weinstein aux Etats-Unis, les langues se délient. Si en France, on a peiné à voir une réelle libération de la parole, ces derniers mois ont prouvé que l’omerta s’arrête. Récemment, le milieu du sport a été ébranlé par des femmes victimes de violences sexuelles. Un constat se forme en contemplant tous ces témoignages poignants : les premières choses qui empêchent ces victimes de parler sont la peur, la honte qu’elles éprouvent et le manque de soutien.
Le premier obstacle, c’est le silence
La peur semble moteur de ce silence qui a duré si longtemps. Au micro de Léa Salamé, la patineuse artistique Sarah Abitbol explique le sentiment de peur mais aussi de honte qu’elle a eu durant toutes ces années. Ce silence culpabilise les victimes et n’est pas sans conséquences : « Comment l’expliquer à mes parents ? Je ne pouvais même pas y penser. Comment expliquer une chose pareille, si horrible et si dégoûtante. Ça m’était impossible, je me suis terrée dans ce silence, avec mon mal-être. Et ça recommençait. » Elle évoque même l’amnésie traumatique qu’elle a subie face à ces violences et la difficulté pour elle d’employer le mot « viol » : « Le mot « viol » je réussis à le dire simplement depuis hier » confiait-elle à Flavie Flament sur RTL.
A l’instar de Sarah Abitbol, la patineuse Anne-Line Rolland a également décidé de briser ce lourd silence. Invitée sur le plateau de C à vous ce jeudi 30 janvier, elle a livré un témoignage poignant sur les violences sexuelles qu’elle a subie à l’âge de 12 ans par son entraineur Pascal Delorme : « On était sous son emprise, on était admiratives. On lui a fait confiance. » Il faudra également du temps à Anne-Line Rolland pour en parler et pour faire face à la vérité. Elle explique qu’elle en a parlé à sa mère à l’âge de 16 ans, précisant que pendant tout ce temps de silence elle « a eu envie de mourrir. »
Le manque d’écoute de la Fédération n’aidant pas, les victimes subissent, en plus, un manque ce considération. Sarah Abtitol fait face au silence de la Fédération mais aussi à celui du ministre des Sports de l’époque qui lui dit : « Effectivement il y a un dossier sur cet entraineur. Mais on va fermer les yeux. » Alors, quel soutien les victimes peuvent-elles recevoir pour dénoncer ces violences ? C’est probablement là que le rôle des médias intervient.
Le rôle des médias pour dénoncer ces violences
Si le silence doit se rompre, les victimes ne doivent pas être seules à en parler. C’est ainsi que le rôle des médias joue. Si Sarah Abitbol a réussi à s’exprimer, c’est en collaborant avec Emmanuelle Anizon, journaliste chez L’Obs et qui a enquêté plusieurs mois sur cette affaire. Son travail d’investigation a fait l’effet d’une bombe et a même révélé de nombreuses autres affaires d’agressions sexuelles dans le milieu du sport. Emmanuelle Anizon explique sur le plateau de C à vous : « Sarah Abitbol m’a contacté via une autre victime plus ancienne qui était Flavie Flament. Ca a été très long de recueillir la parole de Sarah car parler a été très compliqué pour elle. Pour le livre, j’ai recueilli son témoignage et pour L’Obs, je faisais aussi l’enquête. Et je me suis rendue compte que les victimes de l’entraineur, Gilles Beyer, ont murmuré d’autres noms. » Elle explique ensuite qu’elle n’a parlé dans L’Obs que de ceux qu’elle pouvait nommer mais qu’elle a, aujourd’hui, au moins quatre ou cinq témoignages. La journaliste dénonce ainsi une culture du viol institutionalisée. Cette enquête, disponible dans L’Obs, dévoile le pouvoir des médias pour aider les victimes à parler, sensibiliser et faire changer de camps la honte.
Le journal L’Equipe soutient également les sportives victimes en évoquant le sujet dans ses colonnes. La Une coup de poing du média sortie ce mercredi 29 janvier mettait en avant l’omerta qui se rompt enfin autour des violences sexuelles dans le milieu du sport. Le journal travaille sur d’autres cas d’agressions et encourage les victimes à se confier afin de les aider à sensibiliser sur le sujet : « Nous avons mis en ligne une adresse mail pour permettre à des victimes de pouvoir s’exprimer. On bosse sur un certain nombre d’autres dossiers et d’autres sports. Après, la difficulté, c’est qu’il faut que les victimes acceptent de parler : quand des faits ont été commis sur des mineures, on ne peut pas en parler sans leur consentement. On est obligé de convaincre les victimes de vouloir s’exprimer » explique le directeur de la rédaction de L’Équipe Jérôme Cazadieu qui souhaite ce que les Fédérations et le ministère des sports réagissent sur ce fléau passé sous silence depuis si longtemps.
Halima Aden, première femme musulmane à poser en hijab et burkini pour Sports Illustrated
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