Si la fertilité des hommes souffre de la pollution, la fécondité des femmes chute dès 37 ans, un âge où l’on se sent de plus en plus jeune et où l’on croit que sa première grossesse est un droit.
La « reprotoxicité »
Les 4es rencontres parlementaires Santé et Environnement, organisées en décembre 2006, avaient pour thème la « reprotoxicité ».
Traduisez : « malformations et problèmes de stérilité. » Comme le soulignait alors Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat chargé de l’Ecologie, « le bulletin de fertilité des Françaises affiche des signaux alarmants. Entre 25 et 44 ans, 30 % des femmes déclarent avoir eu des difficultés à faire un enfant ou ont échoué. »
En cause, l’environnement sans doute, mais avant tout le mode de vie des femmes, qui rejoint progressivement celui des hommes. Alcool, tabac, stress et âge de la première grossesse de plus en plus tardif…
Cependant, c’est sur la fertilité masculine que planent les inquiétudes les plus fortes, avec une dégradation régulière de la qualité du sperme et du nombre de spermatozoïdes, plus des malformations anatomiques en augmentation. Mais nous aurions tort de rejeter la faute sur les hommes déclinants.
Pour faire un enfant, il faut être deux, et comme le souligne le docteur Eric Sedbon, gynécologue obstétricien, responsable des questions pratiques en fertilité (14e Salon de gynécologie obstétrique pratique, mars 2008), « 15 à 20 % de la population présentent une infertilité (ce qui ne veut pas dire une stérilité), soit un couple sur sept en France. Cette difficulté à concevoir est pour 30 % d’origine féminine, pour 20 % masculine (en augmentation), pour 40 % mixte et pour 10 % inexpliquée. »
Responsabilité partagée donc ! Mais, dans le détail, que se passe-t-il vraiment ?
Les femmes ont vraiment changé… dans leur tête
« Nos arrière-grands-mères avaient davantage d’enfants mais n’étaient pas forcément plus fertiles, remarque Eric Sedbon. La pilule n’existait pas et la norme sociale était différente. Aujourd’hui, les progrès scientifiques permettent aux femmes de gérer leur grossesse et la date à laquelle elles pourront espérer tomber enceinte. La procréation médicalement assistée (PMA), avec la fécondation in vitro, la micro-injection de sperme dans l’ovule et l’insémination artificielle, permettent de mieux répondre à leur demande. Les outils diagnostiques se sont aussi améliorés. Cette offre crée finalement la demande. De plus en plus de couples, notamment recomposés, recourent maintenant à l’aide médicale à la procréation, car il existe tout simplement des réponses à leur problème. »
Conséquences de tout cela, les femmes conçoivent leur premier enfant en moyenne à l’âge de 28 ou 29 ans dans les pays industrialisés, soit plus quatre ou cinq ans ces trente dernières années. Après 30 ans, une forte proportion d’entre elles va mettre deux ans à découvrir qu’elle n’y parvient pas en claquant des doigts. Or la fertilité naturelle des femmes chute dramatiquement à partir de 37 ans.
« Les femmes n’ont pas physiologiquement plus de mal à mettre au monde des bébés, mais elles s’y prennent tard ! déplore le spécialiste. Celle qui retarde volontairement sa première grossesse ne prend pas en compte sa fertilité ni celle de son conjoint. Gare aux surprises le moment venu. »
Les poisons de la fertilité
A ces causes contextuelles et sociales s’ajoute le mode de vie spécifique des femmes qui change aussi, les exposant à une foison de facteurs toxiques, défavorables à la fertilité, c’est-à-dire à l’aptitude à faire des enfants. Parmi les intoxications volontaires, on retrouve l’alcool, le cannabis et le tabac.
Ainsi, une étude publiée par l’Observatoire épidémiologique de la fertilité montre que le délai d’obtention d’une grossesse double quand la femme est fumeuse. A cela s’additionne le stress. Il est établi que, sous l’effet d’un événement perturbateur, les règles peuvent disparaître, l’ovulation être décalée et, chez l’homme, la production de spermatozoïdes être altérée.
Le poids joue également. « Les femmes ont un poids idéal naturel pour lequel le fonctionnement ovarien est stable, précise le docteur Sedbon. Certaines vont maigrir (beaucoup) par rapport à ce poids et, du coup, entraîner malgré elles un dysfonctionnement de l’ovaire. Tout comme celles qui vont beaucoup grossir. »
Les chercheurs travaillent actuellement sur une formule magique – comme l’indice de masse corporelle -, qui permettrait de connaître ce poids idéal pour la fécondité. Cependant, en général, les femmes savent à peu près à partir de quel moment elles ont commencé à maigrir ou grossir substantiellement. Plus elles se rapprocheront de ce poids d’équilibre, plus leur fécondité sera favorisée.
Les maladies sexuellement transmissibles ont aussi un rôle négatif, surtout les infections à chlamydia chez la femme jeune. Ces germes sont une cause majeure de stérilité tubaire (trompes bouchées) et de grossesse extra-utérine. Chez l’homme, les canaux génitaux peuvent se boucher, ce qui entraîne une diminution de fertilité ou une stérilité.
Côté femme, le germe est sournois, invisible et silencieux : pas de pertes vaginales, pas de brûlures, pas de démangeaisons, pas de douleurs lors des rapports sexuels. Le dépistage des chlamydia s’effectue par prélèvement vaginal. Le traitement se limite à une prise d’antibiotiques.
De bonnes nouvelles à nuancer
Malgré toutes les menaces qui pèsent sur la fertilité, Henri Léridon et Rémy Slama, chercheurs à l’Inserm-Ined, se veulent rassurants.
Dans un communiqué publié fin avril 2008, ils écrivent : « La baisse de la qualité du sperme de l’homme et l’augmentation de l’âge des femmes lors de leur première grossesse ont un faible impact sur le nombre final d’enfants par femme, mais risquent, en revanche, d’accroître fortement la demande de procréation médicalement assistée. ».
Pour en arriver là, les chercheurs ont réalisé une simulation mathématique du comportement reproductif. Ils ont mis dans leur calculateur tous les facteurs biologiques et comportementaux possibles (âge des femmes entrant en union stable, nombre d’enfants désirés par couple, efficacité des moyens de contraception, risques de fausse couche, baisse de la fertilité liée au vieillissement…), ils ont mouliné le tout et ajouté de nouvelles contraintes.
« Que se passerait-il si la fécondabilité, suivant sa trajectoire actuelle, diminuait de 15 % ? demande Henri Léridon. Eh bien, le nombre moyen d’enfants par femme reculerait de 2 à 1,92. En outre, environ un couple sur cinq devrait recourir à la PMA (contre un sur dix aujourd’hui). Et que se passerait-il si (toujours en s’appuyant sur la tendance actuelle) toutes les femmes reportaient leur première grossesse de six ans ? L’âge moyen de la maternité serait alors de 33 ans, et les demandes de PMA augmenteraient de 80 % ! Cette simulation montre aussi qu’une baisse de la fécondabilité de 15 % affecterait le délai d’attente avant un premier enfant. On passerait ainsi de neuf à quinze mois. »
Conclusion du chercheur : une bonne partie des femmes obtiendrait finalement un enfant, mais avec un temps plus long, une médicalisation de la conception, voire de la grossesse, et un surcoût pour la société.
La PMA « rattraperait » environ un tiers des échecs à la conception, surtout chez les femmes jeunes mais nettement moins chez les femmes « en panne » à 40 ans.
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