« Avengers », « X-Men »… Les films Marvel vus par les auteurs des comics

Les adaptations de comics, les films de super-héros, ne datent pas d’hier, mais leur hégémonie actuelle a de quoi impressionner. Les Avengers squattent ainsi trois places du top 10 des plus gros succès de tous les temps, et
Marvel Studios a sorti plus de 20 films en 10 ans, sans oublier les adaptations Marvel de Sony (Spider-Man) et Fox (X-Men, Deadpool, Les 4 Fantastiques), et bien sûr les différentes incarnations de Superman, Batman et maintenant
du Joker chez DC Comics.

Après les 80 ans de Superman en 2018, Batman fêtait les siens au festival Angoulême avec
une incroyable exposition en 2019. Et Marvel, la Maison des Idées, également, cette fois au
Comic Con Paris, en présence de trois légendes du comics, le scénariste et dessinateur Jim Starlin, le scénariste Chris Claremont, et l’auteur et éditeur Roy Thomas. L’occasion de leur demander ce qu’ils pensaient des adaptations de leurs oeuvres, et pas des moindres. Avengers, Thanos, X-Men, Wolverine… Ce sont eux !

Jim Starlin, créateur de Thanos et auteur de la saga Infinity War

« Je reste impressionné par le travail de Marvel Studios. Ils n’ont pas repris le comics à l’identique, mais ils ont gardé l’esprit. Le contexte et l’univers n’étaient aussi pas les mêmes, avec déjà près de 20 films et des dizaines de millions de dollars dépensés. Si tu penses que l’adaptation cinéma sera une copie carbone de ton histoire et de ton personnage, tu te mets le doigt dans l’œil. Ils ont gardé beaucoup de mes idées, même s’ils ont changé les motivations de Thanos , et enlevé par exemple le personnage de la Mort.

Mon seul problème est peut-être la nouvelle arme de Thanos, à double lame, qui est une référence directe à son horrible hélicoptère [ou ThanosCopter, créé à l’origine pour un livre pour enfants] que je pensais oubliée de tous (rires). Sinon, c’est du tout bon, c’est même un honneur. Il faut savoir qu’à l’époque, personne ne croyait à cette idée du Gant et des Pierres de l’infini et que l’on n’a pas eu le droit d’utiliser tous les super-héros souhaités. Mais après la publication et le succès du premier numéro, ils voulaient que tout le monde soit de la fête, et nous avons dû faire avec des personnages dont j’ignorais même l’existence. »

Chris Claremont, auteur référence des X-Men et de la Saga du Phénix Noir

« Il ne faut pas oublier qu’il y a plus de 20 ans, le monde ne connaissait que le Superman avec Christopher Reeves et les Batman made in Tim Burton. De super films, mais des suites de pire en pire, où la seule question était juste de savoir combien de méchants il était possible de caser dans un seul film. Les gens ont perdu la foi. Puis le film X-Men a changé la donne en 2000. La Fox avait racheté les droits à un Marvel en banqueroute, mais n’avait pas forcément confiance. Je me rappelle avoir écrit un mémo à l’époque, j’étais exécutif chez Marvel, qui disait : il ne s’agit pas d’une histoire de super-héros, mais d’étrangers, d’exilés et surtout de personnes. Contre toute attente, surtout de la Fox, le film a fait 160 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, 300 dans le monde. Sans ce succès, pas sûr que Sony aurait donné Spider-Man à Sam Raimi, ni qu’Iron Manaurait pu voir le jour chez Marvel Studios.

Dark Phœnix toute feu, toute flamme

Ce qui n’empêche pas les ratés. La Saga du Phénix Noir a été adaptée deux fois au cinéma, et je ne peux pas dire que j’en suis satisfait. Le premier, X-Men : L’Affrontement final de Brett Ratner en 2006, est un désastre total. Tu peux peut-être y prendre un certain plaisir, comme quand tu manges du popcorn… Le second, X-Men : Dark Phoenix de Simon Kinberg en 2019, c’est une autre histoire, un crève-cœur. Le film s’est retrouvé au cœur du rachat de Fox par Disney, et comme Dark Phoenix avait le même dernier acte que Captain Marvel, et leurs héroïnes quasi les mêmes pouvoirs, il a été repoussé, la fin retournée.

Le film a beau s’appeler Dark Phoenix, et le personnage Jean Grey, ce n’est pas mon histoire. L’opportunité de lui rendre honneur existe donc toujours selon moi, j’aimerais tenter ma chance, ou y participer, par exemple sous la forme d’une mini-série. Sophie Turner n’a pas eu le temps de développer Jean Grey comme son personnage de Sansa Stark dans Game of Thrones. Il aurait fallu une saison complète, douze épisodes. Le réalisateur Simon Kimberg avait d’ailleurs pitché à l’origine deux films. Tu la rencontres, tombes amoureux d’elle dans le premier, puis tu brises le cœur des spectateurs dans la suite. Dark Phoenix est une tragédie, c’est cette histoire qu’il faut raconter. »

Roy Thomas, successeur de Stan Lee chez Marvel Comics (1972-1974) et co-créateur de plusieurs célèbres super-héros (Wolverine, Luke Cage, Iron Fist, Ghost Rider…)

« La vraie surprise n’est pas que Marvel adapte enfin ses histoires sur grand écran, mais qu’ils aient réussi à le faire bien. D’autres films ont essayé avant, et disons que jusqu’à Blade avec Wesley Snipes et surtout X-Men de Bryan Singer, cela ne marchait pas, dans tous les sens du terme. Pourquoi ? Parce qu’ils demandaient à d’autres personnes de s’en occuper, aux mauvaises personnes. Mais heureusement, Hollywood a changé, évolué. Quand j’ai commencé à travailler dans le cinéma, à écrire des scénarios, j’allais à des réunions avec les exécutifs des studios et ils n’y connaissaient rien aux comics. Ils s’en foutaient.

Quand on essayait de vendre l’idée de Conan le Barbare en film, le producteur répondait :  » Quand tu lis un comics, tu lis quoi en premier ? les bulles ?  » Le déclic est venu avec Star Wars, il a ouvert une brèche, il a permis de rendre tout ça, tous ces univers, possible. Les portes ont commencé à s’ouvrir aux geeks, une nouvelle génération est arrivée. Steven Spielberg, lui-même, a essayé d’adapter plusieurs super-héros : Plastic Man ou Blackhawk [il vient de signer trente ans plus tard pour le produire voire le réaliser] ».

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