De Louis XIV à Harry Styles : la renaissance des talons pour hommes

Ultra-tendance à la cour du roi au XVIIe siècle, les talons pour hommes sont de retour aux pieds des pontes du style sur le tapis rouge. Zoom sur ces souliers surélevés qui tentent de reconquérir le vestiaire masculin, après des décennies d’absence.

Les talons pour hommes seront-ils la révélation mode du siècle ou une microtendance éphémère ? Depuis la fin des années 2010, cet accessoire – d’ordinaire si rare aux pieds de la gent masculine – chausse les it-boys du tapis rouge. Harry Styles en bottines cirées Gucci, Sam Smith misant sur un modèle blanc à plateformes, Jared Leto en talons dorés, Timothée Chalamet et ses santiags, ou encore Xavier Dolan en derbies lacées Christian Louboutin… Les hommes enfilent désormais sans sourciller ces souliers pourtant encore genrés.

Que ce soit Haider Ackermann et sa chelsea surélevée à Rick Owens et ses bottes à immenses plateformes : les défilés masculins prouvent que prendre de la hauteur n’est plus réservé uniquement au sexe opposé, perpétuant ainsi les mœurs stylistiques du XVIIe siècle.

En images, le défilé Rick Owens Homme automne-hiver 2020-2021

Un homme portant des talons entre 1702 et 1714. Illustration de Dion Clayton Calthrop en 1875.

Commissaire de l’exposition «Marche et démarche» au musée des Arts décoratifs jusqu’au 22 mars, Denis Bruna nous plonge dans l’Histoire de la mode, en quête des origines du talon pour hommes. «On en découvre les traces vers le XVe-XVIe siècle, relate-t-il. Les cavaliers perses portaient des chaussures à talons afin de les caler sur leurs étriers.»

L’Europe occidentale adopte cette astuce au XVIIe siècle, et rapidement, la vocation pratique du talon est détournée en atout esthétique… et symbolique. En effet, les aristocrates utiliseront ces quelques centimètres pour confirmer leur supériorité dans l’échelle sociale.

«Au XVIIIe siècle, les talons étaient composés de superpositions de petites feuilles de cuir découpées et collées : ils n’étaient de ce fait pas très solides. Il fallait donc se déplacer sur la pointe des pieds. Avoir une telle démarche instable, c’est montrer aux yeux de tous qu’on peut se le permettre.»

Au XVIIIe siècle, la hauteur du talon se réduit petit à petit pour les hommes, jusqu’à 1 cm, mais non pour les femmes. «C’est à cette époque qu’on a décidé d’associer les femmes aux vêtements et aux modes, et d’en extraire les hommes.» Oublié soies et broderies : le sexe masculin cesse alors de se parer avec autant de raffinement que son homologue féminin, et il se restreint peu à peu à une palette de couleurs plus sombres. «Le costume anthracite contemporain, que portent les banquiers par exemple, vient de cette période de changements vestimentaires», observe l’historien.

Hommes et talons : un amour impossible ?

Passé sous les radars mode de la fin du XVIIIe siècle à la première moitié du XXe, le talon masculin revient dans les années 1970. De Claude François à Jimi Hendrix en passant par David Bowie, ce type de soulier revient alors au goût du jour sous forme de bottines. À plateformes, version chelsea ou santiags : la musique pop donne de l’extravagance aux chaussures. Elles resteront tendance jusque dans les années 1980, avant de s’effacer en même temps que disparaîssait la folie du disco. Cet engouement éphémère reste néanmoins vivace dans quelques communautés au style affirmé, telles que les rockers ou encore les milieux queer.

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Après vingt ans d’absence, Hedi Slimane tente de les ressusciter chez Dior Homme au début des années 2000. Il donne aux bottines à talonnettes une allure rock à associer avec des slims. Mais la tendance ne perdure pas. L’opinion publique porte un regard suspicieux – voire réprobateur – sur les hommes qui osent se jucher sur quelques centimètres additionnels, à l’image de Nicolas Sarkozy souvent moqué pour cette particularité. Le talon demeure perçu comme le symbole d’un complexe de virilité plutôt que celui d’une affirmation stylistique.

Aujourd’hui, l’arrivée de cette tendance sur les podiums des Fashion Weeks, donne de l’espoir pour cet accessoire. Si Harry Styles et Timothée Chalamet – pointures du style et charmeurs du tapis rouge – l’ont adopté, Monsieur Tout Le Monde hésitera peut-être à tenter cet accessoire peu habituel. D’autant plus que, malgré l’engouement qu’il suscite sur le tapis rouge, les enseignes de prêt-à-porter n’ont pas encore commercialisé de modèles adaptés. Reste à savoir si elles franchiront le pas.

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