Dans un nouveau livre à paraître jeudi, Sarah Abitbol raconte qu’elle a été victime d’abus sexuels de la part de son entraîneur durant près de deux ans, alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente. Un témoignage glaçant dont les premiers extraits viennent d’être dévoilés.
Nul doute que ce témoignage va faire l’effet d’une bombe dans le sport français. Le 29 janvier 2020, L’Obs a publié des extraits du livre-choc que sortira Sarah Abitbol ce jeudi. Un ouvrage confessions intitulé Un si long silence (éditions Plon), dans lequel la championne de patinage artistique raconte comment son entraîneur Gilles Beyer a abusé d’elle entre 1990 et 1992.
« Ce n’est pas facile de dire à 44 ans qu’on a été violée à 15 ans. Je n’ai d’ailleurs jamais prononcé ce mot, sauf une fois devant ma psy, quatorze ans après. Aujourd’hui encore, j’ai beaucoup de mal. Je l’écris pour la première fois, confie-t-elle. Il va éclabousser mon image, bouleverser mon entourage, faire exploser l’omerta. Il me terrifie (…). Et pourtant, c’est le mot juste. Vous m’avez violée (…). J’ai gardé le secret, monsieur O. » L’ancienne partenaire de Stéphane Bernadis raconte alors comment son entraîneur, en qui ses parents avaient toute confiance, abusait régulièrement d’elle : « Pendant deux ans, vous dites régulièrement à ma mère : ‘Ce soir, je garde Sarah pour l’en‑ traîner.’ Et vous me violez dans le parking, les vestiaires et dans des recoins de la patinoire dont je ne soupçonnais même pas l’existence. »
Sarah Abitbol est aujourd’hui mariée à Jean-Louis Lacaille, depuis maintenant onze ans. Ensemble, ils ont une fille prénommée Stella, née en 2011. Mais l’ex-athlète reste profondément marquée par l’emprise de son entraîneur : « Je suis une handicapée de la vie, murée dans l’angoisse. Dans ma tête, je suis une proie. (…) Aujourd’hui encore, dès que je sors de la maison, j’ai peur. J’ai horreur d’aller dans les lieux que je ne connais pas. L’inconnu est forcément synonyme de danger, raconte-t-elle. Vous m’avez piégée dans des lieux clos. J’en ai développé une phobie. Dans une voiture, dans un appartement, j’ai besoin qu’on ouvre les fenêtres. L’idée même de mettre un pied dans un parking, où vous m’avez tant de fois agressée, génère une crise d’angoisse (…). J’ai peur de la nuit aussi. C’est la nuit, quand j’étais en stage à La Roche-sur-Yon, que vous êtes venu la première fois me réveiller. C’est la nuit bien souvent que vous avez continué à abuser de moi, quand nous étions en déplacement.«
Briser l’omerta
Pour la patineuse, ce témoignage n’est pas motivé par une soif de vengeance, mais par un désir de guérir et d’aider d’autres potentielles victimes. Après la libération de la parole dans les domaines religieux et culturels, notamment avec le mouvement #MeToo au cinéma, Sarah Abitbol espère initier un élan similaire dans le sport : « Il nous est d’autant plus difficile de parler, monsieur O., que nous avons en face de nous un véritable système. Plus j’avance dans mes recherches, plus j’en suis convaincue. Si vous avez tenu si longtemps, monsieur O, c’est parce que tout, autour de vous, l’a permis. »
La médaillée de bronze aux championnats du monde 2000 ajoute alors : « Le monde du sport porte des valeurs fortes, des enjeux financiers énormes. Il protège son image avec pugnacité, et tant pis pour les nombreux cadavres cachés.«
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