Elise Lucet, dont l’équipe de Cash Investigation était voisine de la rédaction de Charlie Hebdo, a raconté en interview pour Brut comment elle a vécu l’attentat perpétré contre le journal satirique le 7 janvier 2015.
Le 7 janvier 2015, la France est sous le choc. Les frères Kouachi ont perpétré un attentat revendiqué par Al Qaïda du Yémen dans les locaux de Charlie Hebdo, armés de fusils d’assaut. Les célèbres dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski sont parmi les douze personnes tuées sous les balles des deux terroristes français. Elise Lucet a un souvenir particulièrement douloureux du drame. Son équipe de Cash Investigation se trouvait dans le même bâtiment que la rédaction du journal satirique. En interview pour Brut dans une vidéo publiée le 21 janvier dernier, elle s’est confiée sur ce qui est devenu l’un trois moments les plus marquants de sa carrière.
"C’était un mercredi. Notre chargé de production qui avait été embauché le lundi, Mathieu, est descendu fumer une cigarette. Et il a vu les frères Kouachi au travers d’une vitre en plastique sablé. Il voit deux hommes en noir. Il voit très clairement qu’ils sont armés et il remonte comme une bombe en disant : ‘Il y a deux mecs armés en bas, je ne sais pas ce qu’il se passe.’ Édouard Perrin, immédiatement, dit : ‘Ça, c’est pour Charlie.’", commence la journaliste.
"Mais, Élise, t’as pas compris. C’est un massacre", lui répond Benoît Bringer
Les équipes de Cash Investigation tentent alors d’agir pour sauver leurs confrères. "Édouard Perrin et Benoît Bringer, deux journalistes de la rédaction, mettent des gilets pare-balles et se disent : ‘On va aller prévenir Charlie.’ Sauf qu’au moment où ils sortent, les frères Kouachi arrivent dans le couloir. (…) Ils entendent les frères Kouachi qui rentrent dans la rédaction de Charlie. Ils entendent, bien sûr, la fusillade. Moi, je suis pas là à ce moment-là. Je suis en train de préparer le 13h à la rédaction", continue-t-elle.
Elise Lucet est d’abord alertée par une dépêche qui annonce "Fusillade dans le XIème, des blessés". Ce n’est qu’en voyant son confrère le grand reporter Benoît Bringer à la télévision qu’elle commence à prendre conscience de la gravité de la situation. "A un moment, le rédacteur en chef du 13h, Philippe Denis, me dit : ‘C’est bizarre, il y a Benoît Bringer qui est en train de parler sur BFM. Il y aurait eu une fusillade à Charlie Hebdo.’ Et là, ça se connecte, je comprends immédiatement", se souvient-elle.
L’attaque est si violente qu’Elise Lucet ne parvient pas à réaliser l’ampleur de la tragédie. "Et je fais un truc que, je pense, je vais toujours regretter : j’appelle Benoît. Et je fais un peu ma cheffe, je lui dis : ‘Bon, Benoît, prenez des caméras, allez filmer, le journal de 13h, c’est dans une heure et quart. Il faut qu’on ait des trucs. Tu peux filmer du toit ?’ Je lui laisse à peine le temps de répondre. Il ne me répond pas parce qu’il est complètement sous le choc. Et au bout d’un moment, il me dit : ‘Mais, Élise, t’as pas compris. C’est un massacre, c’est un massacre.’ Et là, je suis restée silencieuse. Je me demandais : ‘Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ?’ Il m’a dit : ‘Ils sont rentrés, ils ont rafalé partout. ll y a des morts partout. Ils ne sont pas rentrés chez nous. Il n’y a pas de morts, il n’y a pas de blessés, mais c’est affreux, c’est horrible. On n’ose pas sortir.’ Les frères Kouachi venaient de partir, c’est l’équipe de Cash qui les a filmés dans la rue. (…) La suite a été extrêmement difficile à vivre pour l’équipe de Cash, parce que les premiers à être rentrés dans la rédaction de Charlie, c’est des gens de Cash", se désole Elise Lucet.
Source: Lire L’Article Complet