Victime d’une maladie neurodégénérative, l’ancienne présentatrice météo lutte avec le soutien de ses filles et de son mari
Elle a le regard intense et brillant. Son visage est lumineux, éclairé par un franc sourire. Fidèle à l’image de la présentatrice météo qu’elle a été pendant près de trente ans, Catherine Laborde est un joli petit bout de femme à la voix soyeuse. Elle nous accueille chez elle, dans son appartement parisien, avec une chaleur et une bienveillance non feintes. Noël est passé depuis quelques jours. La maison est encore pleine de ceux qu’elle aime et qui l’aiment. Sa fille aînée, Gabrièle, 33 ans, son petit-fils, Saul, 5 mois. « Elle en est complètement gaga », se moque gentiment Thomas Stern, son mari depuis 2013. Il y a d’autres bébés en route dans cette famille recomposée. Pia, 30 ans, la cadette, est enceinte de 8 mois. La fille de Thomas attend, elle aussi, un heureux événement. « Inconsciemment, on sent, dans la famille, que la vie doit prendre le dessus », commente Catherine. C’est assez rare que tout ce petit monde soit réuni pour les fêtes. Gabrièle vit à New York. Pia est parisienne mais, comme elle est sage-femme, elle est régulièrement sur le pont pendant les fêtes. Catherine aussi a toujours travaillé les 24 et 25 décembre. Thomas, lui, œuvrait dans la pub, métier chronophage. « La retraite et les congés maternité ont du bon », plaisante Pia.
« Un diable monstrueux »
L’ancienne présentatrice météo de TF1 souffre d’un mal insidieux et incurable. Invisibles par moments, les symptômes peuvent surgir tel « un diable monstrueux ». Il lance ses assauts au détour d’une conversation où les mots s’évanouissent, à la venue subite d’un tremblement non maîtrisé. « Je suis atteinte de la démence à corps de Lewy, une maladie dégénérative du cerveau qu’on connaît très mal. C’est un domaine pratiquement inexploré, un peu comme le fond des océans. Ce mystère accentue l’aspect effrayant de la chose. Et en fait… heu… Ça y est, je ne sais plus ce que je voulais dire… ça m’est sorti de la tête, c’est très désagréable. » « Ça va revenir, ne t’inquiète pas », intervient Thomas avec douceur. Quand les mots s’échappent, Catherine baisse la tête pour masquer sa détresse. Si aujourd’hui elle témoigne, elle a longtemps tu le combat qu’elle menait.
Quand le mal est diagnostiqué, elle continue à présenter le bulletin météo. Elle y parvient pendant deux bonnes années. Ses adieux en direct, le 2 janvier 2017, durent cinquante-quatre secondes, et surprennent les téléspectateurs. Ce sont les médecins qui lui avaient conseillé le silence, pour la protéger du regard des autres et préserver son entourage. Mais ses proches s’inquiètent et il faut bien leur annoncer ce qui la ronge. Un tremblement de terre pour ses filles, comme pour ses sœurs qui ont déjà vu une grand-mère et une mère souffrir d’Alzheimer. Mais, en libérant sa parole, Catherine Laborde comprend que l’écriture sera une part de son salut. « C’est grâce à ça que je m’en sors », avoue-t-elle. Joli pied de nez au destin. En posant les mots, elle les fixe dans sa mémoire. Son livre-confidence, « Trembler », a caracolé en tête des ventes des ouvrages des personnalités de la télévision devant ceux de Marc-Olivier Fogiel, Patrick Sébastien, ou Michel Drucker. « J’ai écrit ce livre pour comprendre cette chose horrible et la faire comprendre à mon entourage. J’ai réalisé qu’en passant par les mots j’arriverais à tenir cet ennemi à distance. Appuyée sur Thomas, je ne renoncerai pas. »
On ne peut pas guérir la maladie, certes, mais si on la cerne bien on peut en atténuer les effets
Catherine Laborde évoque son mal sans tabou mais sans impudeur. « Mes symptômes sont ceux de la vieillesse : la fatigue, les gestes pas coordonnés, les chutes. Je trébuche au moins une fois par jour. Mais ce n’est pas seulement le corps qui se défait petit à petit. J’ai aussi l’impression d’être beaucoup plus émotive qu’avant. Ça m’est difficile de sortir, j’ai peur de tout. En ce moment, ce sont les escaliers. Il y a tellement de choses que je m’interdis de faire, d’abord par crainte de ne pas y arriver. En revanche, je prends des cours de gymnastique depuis un an. Je n’en avais jamais fait jusque-là. » Nous lui demandons comment elle se porte. « Je vais bien, merci. » Et ajoute en souriant : « C’est un peu la réponse de l’Anglais qui assure qu’il fait beau même quand il pleut à verse… » Ce n’est pas seulement une réponse de pure forme. « J’ai passé des moments terribles, mais depuis quelque temps ça va beaucoup mieux. » Elle a appris à anticiper. On ne peut pas guérir la maladie, certes, mais si on la cerne bien on peut en atténuer les effets.
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Je vois ma maladie comme un ennemi prêt à venir me faire plus de mal que la veille
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Ainsi, Catherine savait que nous allions arriver à 14 heures. Vers midi, elle a avalé un comprimé : « Et vous voyez, dit-elle en montrant son poignet, je ne tremble pas. Si je ne l’avais pas pris, je pense que je serais vraiment mal à l’aise. » Ce médicament contre les tremblements est utilisé dans le cadre de Parkinson. Elle a aussi un anxiolytique le matin et deux le soir, pour avoir une nuit calme. Et elle porte un patch, l’Exelon, « le seul dont on reconnaisse l’efficacité sur les états confusionnels liés à cette maladie. « Il a été “déremboursé”, ce qui est un pur scandale », s’énerve Thomas. La démence à corps de Lewy est sournoise. C’est une pathologie qui évolue en montagnes russes. « Il y a des phases douloureuses, des phases de stabilisation, ce n’est pas du tout linéaire… », explique son mari. Actuellement, Catherine est en « lune de miel » avec sa maladie, comme disent les médecins, pour parler de cette période de stabilité où les symptômes ne sont pas encore critiques. Mais elle sait que ce répit est instable et fugace. « Je vois ma maladie comme un ennemi prêt à venir me faire plus de mal que la veille. Je me bats contre elle toute la journée, avec l’aide de mon mari. »
La maladie peut détruire des vies, séparer des couples. Catherine et Thomas ont décidé de prendre les épreuves ensemble, à bras-le-corps. Le regard qu’ils portent l’un sur l’autre en a été bouleversé, leurs habitudes, changées, mais le lien qui les unit reste intact. Thomas la protège. Elle s’en remet à lui. « Nous dînions, hier, avec des amis et je me suis mêlée à la conversation, raconte l’ex-présentatrice. Je n’aurais pas dû. Quand je suis intervenue, je me suis arrêtée au milieu de ma phrase, incapable de trouver le mot suivant. Comme s’il était en moi mais que je ne savais plus l’en faire sortir. J’avais dix paires d’yeux braquées dans ma direction, attendant que je finisse mon propos… Heureusement que je suis entourée de gens généreux et bienveillants. Ce qui me permet parfois de rire de ce genre de situation plutôt que d’en pleurer. Et Thomas m’aide en traduisant ce que j’ai envie de dire. » Il a l’élégance de l’homme aimant. Leur relation est différente mais plus forte que jamais. Pour preuve, il évoque le prochain texte qu’ils écrivent ensemble. « Ce sera un livre sur “aimer et aider”. Comment on passe d’“aimer” à “aider” et ce que cela ouvre comme nouvelles perspectives dans une relation amoureuse. » Le couple salue les initiatives du gouvernement en faveur des aidants pour 2020 : « Je trouve ça très bien que le président de la République… Ça y est, je commence à trembler… », avoue Catherine. « Les aidants, c’est la grande muette, complète Thomas. Ça reste très enfermé dans l’intime. Mais je pense que ça marque le début d’une vraie prise en compte d’un grave problème social. »
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Peut-on encore vivre heureux quand survient une telle maladie ? « J’ai l’impression d’être sur un fil, comme un funambule, décrypte Catherine Laborde. D’un côté il y a le danger, de l’autre la jouissance de la vie. En frôlant le pire, on doit s’ouvrir au présent, le vivre pleinement et intensément car tout est fragile. Et c’est valable aussi bien pour les malades que pour leurs proches. » Durant les vacances, Gabrièle et Pia ont enregistré leur mère. Enfants, elle leur récitait des fables de La Fontaine, le soir au coucher. « Si maman change, sa voix, elle, n’a pas bougé, confie Gabrièle. Saul est hypnotisé quand sa grand-mère se met à parler. Grâce aux enregistrements de maman lisant les fables, il pourra s’endormir avec elle, même si nous sommes séparés par l’Atlantique. »
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