Qui est Hatsune Miku, la popstar virtuelle en concert au Zénith de Paris ?

« Malheureusement Miku ne fait pas « directement » d’interviews, mais nous avons la possibilité d’organiser des interviews avec ses créateurs. » Voilà la réponse de l’attachée de presse suite à notre demande d’interview d’Hatsune Miku, la popstar holographique japonaise, qui après la première partie de Lady Gaga et avant
le festival de Coachella, se produit jeudi soir au Zénith de Paris dans le cadre d’une tournée européenne. C’était prévisible, mais il fallait le tenter. Avec ses couettes bleu turquoise et son look de personnage d’animé, Hatsune Miku est devenue en dix ans une icône de la pop culture, qui, si on y prête un peu d’attention, s’invite partout, sur la devanture des supérettes, dans les jeux vidéo et sur les plus grandes scènes du monde.

Il était une voix

Mais à l’origine, il s’agit d’une voix, d’un logiciel. « Un logiciel vocal sorti en 2007, basé sur une technologie créée par Yamaha et appelée Vocaloid, précise Guillaume Devigne, responsable marketing et communication à l’international chez Crypton Future Media. D’ailleurs, tous les artistes virtuels basés sur cette technologie, et même parfois de technologies similaires, sont appelés des Vocaloid. » Pour la faire courte, le logiciel permet d’utiliser la voix humaine (la voix de l’actrice Saki Fujita pour Hatsune Miku) comme n’importe quel instrument, comme un piano ou une guitare numérisées, et ainsi créer des lignes mélodiques, des paroles, des chansons. Vocaloid est ainsi commercialisé au début à destination des professionnels, pour des démos ou des back singers, et sans se focaliser forcément sur l’identité visuelle.

« Dès la première version japonaise de Voicaloid, Crypton Future Media met un personnage schématique sur la boîte [il s’appelle Meiko], commente le responsable marketing et communication, et voit ses ventes surpasser celle des Anglais [et leur personnage Leon] qui ne montrait qu’une bouche. C’était clairement une piste à suivre, et pour Vocaloid 2, il a été décidé de penser beaucoup plus le visuel, d’adopter des éléments de pop culture, et de viser les jeunes. » Et Hatsune Miku fut. Mais Crypton Future Media n’avait pas prévu que les utilisateurs, et bientôt fans, se la réapproprient si vite à cette époque des premiers sites d’échanges audio et vidéo. Coucou YouTube.

Un phénomène viral, une création des fans

« Hatsune Miku a permis de vendre dix fois plus de logiciels, et les gens se sont mis à créer des chansons, certaines très élaborées, d’autres plus proches du mème, raconte Guillaume Devigne, et il y a eu un phénomène viral avec des milliers et des milliers de chansons, dont les plus connues sont encore jouées aujourd’hui en concert. » Crypton ne compose pas directement ces chansons, ni n’en détient les droits : « Elles sont créées par les fans, dont quelques-uns sont devenus pros, ont créé leur label, écrivent pour d’autres artistes. Une grosse partie de notre travail est donc la gestion des contrats et des royalties, car, par exemple, sur un concert, il n’y a pas qu’un compositeur, mais plusieurs. » Et il en va de même pour toute l’exploitation de la licence Hatsune Miku : « Nous essayons de faire intervenir des artistes différents à chaque fois, même pour, je ne sais pas, l’illustration d’une ligne de produits de beauté. Cela permet un foisonnement créatif, et n’impose pas de version officielle. Hatsune Miku n’est pas Hello Kitty. »

Hastune Miku est partout

La popstar n’en est pas moins partout, surtout au Japon : voiture customisée, campagne dédiée pour des konbini, des boissons, toutes sortes de produits dérivés… Guillaume Devigne a du mal à voir une catégorie qui ne serait pas touchée par Hastune Miku. Il n’y a pas de limite. Un Japonais de 35 ans s’est même marié avec elle. « Nous sommes au courant, mais nous ne sommes pas impliqués, précise-t-il. Nous ne l’avons pas interdit, mais ce n’est pas un vrai mariage, et parce que contrairement à la France ou l’étranger où on en a beaucoup parlé, il n’y a eu aucun écho de cette affaire au Japon. »

En fait, chacun peut projeter ce qu’il veut dans le personnage d’Hatsune Miku, une belle voix mais aussi une belle coquille. « Elle n’a pas de biographie ou d’histoire officielle, commente le responsable marketing et communication. Elle n’existe qu’à travers les fan arts, les créations alternatives. Il n’y a pas de canon, à part quelques caractéristiques [âge, taille, poids, look] mais qui laissent une grande liberté aux créateurs. »

Le premier son du futur

Pour le concert de jeudi au Zénith, Hatsune Miku est ainsi accompagnée par des musiciens sur scène, par un lourd dispositif son et image et par d’autres personnages, d’autres Vocaloid. « Ils ont aussi leurs fans, mais on est dans un ordre d’un à dix par rapport à Miku. » Car le succès de la popstar s’inscrit dans la durée, avec des fans à travers le monde, composés à 60 % d’hommes au Japon et d’un public plus équilibré, transgénérationnel voire familial en Europe et en France. Ah, et en japonais, Hatsune Miku signifie « premier son du futur ».

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