Si leur date de péremption est dépassée, ce paquet de riz entamé et cette brique de jus pas encore ouverte semblent encore consommables. Vraiment ? Tour d’horizon avec des spécialistes de ces produits presque impérissables à conserver dans nos placards.
Cette boîte de biscuits en haut de l’étagère a largement dépassé la date de péremption, mais semble en parfait état. Tout comme cette bouteille de bière oubliée dans le bac à légumes. Mais voilà, au moment de l’ouvrir, un doute s’empare de nous. Vais-je m’empoisonner ? Alors, très souvent, on préfère jeter. Selon une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), la plus récente en la matière, parue en mai 2016, environ 10 millions de tonnes de nourriture consommable seraient gaspillés chaque année, soit l’équivalent de 150 kg par habitant.
Mais quels sont ces aliments et boissons encore mangeables des jours voire des mois, passée la date de péremption ? Réponses avec le chimiste Raphaël Haumont et Laurent Guillier, scientifique de l’unité d’évaluation des risques liés aux aliments à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).
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Sucre et sel, zéro risque
Certains aliments n’affichent tout bonnement pas de date limite de consommation (DLC). C’est le cas du sel et du sucre. Ces condiments présentent en effet l’avantage d’avoir une faible composition moléculaire, ce qui limite donc leur dégradation, comme le confirme le chimiste Raphaël Haumont. «Il n’y a pas du tout de vie à l’intérieur, explique le spécialiste. Le sel contient des atomes de chlore et de sodium tandis que le sucre est issu d’une molécule de saccharose.» Sans activité vivante, les bactéries ne parviennent pas à s’installer et ne trouvent pas de quoi se nourrir.
«Les bactéries ont besoin d’eau pour survivre», ajoute Laurent Guillier, scientifique de l’unité d’évaluation des risques liés aux aliments à l’Anses. Le sel et le sucre en contiennent très peu. C’est pourquoi ils sont utilisés comme méthode de conservation alimentaire afin d’allonger la durée de vie des produits périssables comme la confiture ou le jambon sec. «L’ajout d’une très grande quantité de sel ou de sucre va absorber l’eau disponible des aliments et empêcher les bactéries de se développer», détaille le chercheur.
Pâtes, riz, farines… Les aliments déshydratés
Cette méthode de conservation ancestrale a donc inspiré les industriels : il suffit de déshydrater un produit pour stopper la croissance, voire inactiver les micro-organismes. «Les produits comme de la charcuterie ou un yaourt ont une activité de l’eau supérieure à 0.9, ce qui explique leur date limite de consommation, rapporte le scientifique Laurent Guillier. Mais en dessous de ce seuil, plus le taux est faible, plus on arrive sur des produits très stables et quasiment impérissables.» Après le sel et le sucre, on retrouve ainsi les farines, la maïzena, les céréales sèches comme le riz ou les pâtes, le café, les épices et les huiles.
La plupart du temps, ces produits ont l’indication de péremption suivante : «À consommer de préférence avant le…». Elle correspond à la date de durabilité minimale (DDM). «Si on dépasse cette échéance, il n’y a pas plus de risque pour la santé», assure Laurent Guillier de l’Anses. Seul inconvénient, le produit peut perdre avec le temps ses qualités gustatives et/ou nutritionnelles en raison de l’interaction de ses multiples composants avec l’environnement extérieur. «Les matières grasses contenues dans le chocolat, les biscuits ou les huiles s’oxydent à l’air libre et finissent avec le temps par laisser un goût rance», explique Raphaël Haumont. Les épices n’y échappent pas non plus. «Si vous mangez un morceau de poivre, vous allez ingérer des centaines de molécules aromatiques. Ce sont elles qui vont donner de la rondeur en bouche et des goûts persistants, ajoute le chimiste. Mais elles sont très volatiles et peuvent être altérées par une association de chaleur et de lumière.»
Les boissons stérilisées
Qu’en est-il des boissons dont l’aspect liquide démontre une plus forte présence en eau ? Elles appartiennent aussi à la famille des DDM, à condition de les conserver à température ambiante et non au réfrigérateur. «Le lait UHT et les différents jus sont des produits généralement stérilisés, observe Laurent Guillier de l’Anses. On place le liquide alimentaire dans l’emballage après avoir détruit l’ensemble des micro-organismes qui pouvaient s’y trouver.» En pratique, si la brique ou la bouteille ne présente pas de fuite dans l’emballage, elle ne présente aucun danger pour l’organisme d’après le scientifique, et peut ainsi se conserver plusieurs mois après la date. «Les jus de fruits risquent cependant de perdre leurs vitamines quand ils sont entreposés dans de mauvaises conditions, exposés à la lumière par exemple», nuance Laurent Guillier.
L’alcool, cet « autocicatrisant »
Le bon vin se bonifie avec l’âge, nous dit-on. Raphaël Haumont le confirme. «Il contient de l’alcool, c’est donc presque un autocicatrisant : il empêche le développement des bactéries», analyse le chimiste. «Les seules levures qui résistent à l’alcool sont celles justement qui servent à fabriquer cette boisson», constate le scientifique Laurent Guillier.
Ici, conservation ne rime pas avec modération. «Plus le degré d’alcool est élevé, mieux le liquide sera conservé», signale Laurent Guillier. Le whisky de Papy, la Suze de Mamie et le rhum de votre voyage de noces en Guadeloupe ont donc encore de beaux jours devant eux.
Comment prolonger leur conservation ?
Il existe des astuces pour prolonger la durée de vie et surtout la saveur des aliments et des boissons. Le contenant alimentaire notamment ne doit pas être négligé. Exit les sachets plastiques, bonjour les boîtes hermétiques type Tupperware. «S’il est exposé à l’air libre, le sucre prend l’humidité et durcit», note Raphaël Haumont. Dans la même logique, on referme automatiquement après utilisation le pot de miel, cet autre dérivé de sucres, pour éviter de se retrouver avec un bloc cristallisé.
Les boissons pétillantes alcoolisées comme le champagne supportent également mal le contact à l’air ambiant. Pour mieux conserver ces délicieuses bulles et rallonger le plaisir de quelques jours supplémentaires, le chimiste conseille d’utiliser un bouchon spécial champagne ou de rallonger en CO2 avec une cartouche de siphon.
Enfin, comme l’inscrivent généralement les fabricants, la chaleur et la lumière font partie des pires ennemis des aliments. «Comme pour les huiles, les épices se conservent mieux dans un flacon inerte en verre fumé ou métal, de préférence au froid», informe le chimiste. Après avoir fait le tri dans le placard, vous n’échapperez pas non plus au grand ménage du réfrigérateur pour y ranger toutes ces précieuses fioles.
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