L’industrie de la mode compte plus de directrices artistiques – parmi lesquelles Maria Grazia Chiuri chez Dior et Clare Waight Keller chez Givenchy – que jamais auparavant. Reste que plus de la moitié des grandes marques de vêtements pour femmes sont encore aujourd’hui dirigées par des hommes.
On assume volontiers que la mode est dominée par des femmes, alors qu’en réalité nombreuses sont les maisons parmi les plus réputées à avoir historiquement été pilotées par des hommes. Un palmarès des plus grands créateurs de tous les temps ne manquera pas de faire figurer Coco Chanel, Elsa Schiaparelli et Madeleine Vionnet, dont l’influence n’est pas sans rappeler celle des références féminines d’aujourd’hui, parmi lesquelles Miuccia Prada et Rei Kawakubo – mais s’agissant du poste si convoité de directeur de la création, les femmes n’ont jamais eu la main haute, aussi loin qu’on s’en souvienne.
Une étude de 2018 réalisée par McKinsey & Company a montré que plus de la moitié des grandes maisons de pièces pour femmes ne sont pas conçues par des femmes, et que seulement 14 % sont dirigées par celles-ci. Ceci étant, des indices nous prouvent que le vent commence à tourner. La décennie des années 2010 s’achève avec le plus haut niveau historique de femmes à la tête des maisons de mode et une influence croissante du discours politique sur les décisions prises dans les coulisses des podiums.
Kate Middleton
© Samir Hussein
Les principales conquêtes féminines des années 2010
La décennie s’est ouverte avec la disparition tragique d’Alexander McQueen en février 2010, remplacé au pied levé par son amie Sarah Burton. Il va sans dire que le défi était de taille pour Sarah Burton. À l’époque, l’industrie tentait encore de se remettre de cette inestimable perte, ce qui ne l’empêcha pas de s’affirmer discrètement comme une puissance créatrice, allant jusqu’à dessiner la robe de mariée de Kate Middleton en avril 2011. L’année d’après, le Time la désignait comme l’une des personnalités les plus influentes au monde.
La prochaine étape dans l’ascension des directrices de mode devait être franchie en juillet 2016 avec l’annonce de l’arrivée de Maria Grazia Chiuri, succédant à Raf Simons comme directrice de la création chez Dior, faisant d’elle la première femme à occuper ce poste en 70 ans d’existence de la maison. En septembre de la même année, elle lança une « Dio(r)evolution », suivant les termes de sa campagne, trouvant dans le féminisme une source d’inspiration pour son défilé printemps-été 2017, avec ses inoubliables t-shirts estampillés « We Should all Be Feminists », reprenant ainsi le titre du livre de la nigériane Chimamanda Ngozi Adichie.
Meghan Markle et Clare Waight Keller
© Joe Maher/BFC
Dior s’est hissé parmi les marques qui ont fait le plus gros buzz sur Instagram en 2017, générant le plus grand nombre de commentaires et de prises de position. 2017 signe une année charnière pour d’autres créatrices de mode. Alors que des millions de gens prenaient part aux différentes Marches des Femmes partout dans le monde, la créatrice Clare Waight Keller devenait la première directrice artistique femme à occuper ce poste chez Givenchy. En 2018, elle était retenue pour créer la robe de mariée de Meghan Markle, qui devait s’exprimer sur le regard féminin dans la mode lors de son discours à l’occasion des Fashion Awards.
Givenchy Couture automne-hiver 2019
© Jamie Stoker
Mode : la nouvelle ère du pouvoir féminin auto-désigné
Les traditionnels prés carrés sont contournés, tout comme les voies toutes tracées vers la notoriété. En 2019, Rihanna est devenue la première femme à avoir créé une griffe originale chez LVMH, en même temps que la première femme noire à la tête d’une enseigne de la marque. Des noms comme Stella McCartney, relativement récents si on les compare aux Louis Vuitton et autres, ont également lancé avec succès leur propre maison à partir de rien, jusqu’à devenir suffisamment important pour s’assurer le soutien de bailleurs, à l’image des grands groupes de mode.
Dior prêt-à-porter printemps-été 2020
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L’agenda de la mode peut de prévaloir d’un nombre grandissant de marques indépendantes fondées par des femmes, telles que la styliste britannico-jamaïcaine Grace Wales Bonner qui a collaboré avec Maria Grazia Chiuri lors de la collection Dior croisière 2020 ; la star de 28 ans de la Fashion Week de Paris, Marine Serre ; ou encore la lauréate du prix CFDA au meilleur espoir, Emily Adams Bode, la première femme à faire figurer son nom à la Fashion Week masculine de New York. Dans les années à venir, ces nouvelles forces créatrices pourront choisir de se hisser jusqu’aux plus hauts postes des grandes maisons historiques, prouvant ainsi que les règles du passé ne conviennent pas forcément à cette nouvelle vague de stylistes.
À l’orée d’une nouvelle décennie, l’Industrie de la mode a encore du chemin à faire en terme d’égalité des sexes, mais le changement est amorcé, à n’en pas douter.
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