Guy Marchand : triste destinée !

L’acteur crooner s’est éteint le 15 décembre après une vie de passionné. Les femmes, les chevaux, la musique, le cinéma… Guy a tout aimé sans mesure et sans compter. Son talent va nous manquer…

« Il n’y a rien de plus chiant que l’immortalité » avait déclaré l’acteur l’année dernière. Immortel, Guy Marchand ne l’était pas plus qu’un autre et sa vie, l’artiste avait justement fait en sorte qu’elle soit riche et trépidante. Ces derniers mois, sa volonté et son énergie l’avaient toutefois quitté et l’acteur crooner avait lentement décliné et perdu le goût de l’effort.

Ancien parachutiste, il s’entretenait encore comme un militaire à 80 ans passés : « Je lutte contre le temps qui passe. Je fais environ 250 pompes par jour, des abdominaux, et je cours une demi-heure. Je n’ai pas peur de mourir, hein, je peux mourir quand vous voulez ! Mais j’ai peur de vieillir », expliquait-il. Sa force de caractère lui avait permis de sortir vainqueur en 2002 de son cancer de la prostate. Depuis 2021, il souffrait de la vésicule biliaire et d’essoufflements.

« Papa s’est éteint paisiblement le 15 décembre à l’hôpital de Cavaillon dans le Vaucluse » ont annoncé ses enfants Jules et Ludivine nés de sa relation avec la comédienne Béatrice Chatelier que Guy Marchand avait rencontrée sur le tournage des Sous-doués en vacances.

Né le 22 mai 1937 à Belleville d’un père garagiste et d’une mère « fantastiquement belle« , selon ses termes, Guy Marchand a gardé toute sa vie sa gouaille de titi parisien : « Je ne suis qu’un petit voyou du XIXe. J’y tiens à ça, à ces origines. Dans mon quartier, on disait plus facilement “enculé” que “comment tu vas ?” J’appelais le prince de Belgique “Gros Cul” et Deneuve “Catherine d’occase”, un blase donné par Depardieu », s’amusait-il.

Enfant, Guy fait partie de la bande d’un certain Claude Moine, alias Eddy Mitchell, avec qui il découvre les films américains et les clubs de jazz. Quelques années plus tôt à 10 ans, le garçon avait frôlé la mort en contractant la tuberculose. « À cette époque, les enfants malades issus de familles riches étaient envoyés dans des dispensaires, mais les pauvres, comme nous, étaient confiés à des fermiers loin de Paris… » se souvenait-il. « Mes parents ont donc pris la décision de m’envoyer dans une ferme dans la Sarthe ». Là-bas, Guy se soigne en montant à cheval. « À chaque fois, j’avais le sentiment que mes poumons se rafraîchissaient, ingurgitaient l’air salvateur de la campagne, se soignaient tout seuls ». Son amour des chevaux et sa passion pour l’équitation ne le quitteront plus.

En 1962, en tant qu’ancien officier parachutiste et ancien membre de la légion étrangère, il décroche un poste de conseiller technique dans l’équipe du film Le Jour le plus long. Cette première expérience lui donne envie de jouer la comédie.

Il commence à tourner au début des années 70. Il apparaît pour la première fois à l’écran dans Boulevard du rhum de Robert Enrico aux côtés de Lino Ventura et d’une certaine Brigitte Bardot. Puis, il enchaîne les rôles avec Une belle fille comme moi de François Truffaut en 1972, Loulou de Maurice Pialat en 1979, Coup de torchon de Bertrand Tavernier en 1981 et, bien sûr, Garde à vue de Claude Miller dans lequel il partage l’affiche avec Lino Ventura et Michel Serrault. Un film grâce auquel Guy obtient en 1982 le César du meilleur acteur dans un second rôle.

Surpris d’être récompensé, Guy Marchand savoure, même s’il continue à se considérer comme un éternel second : « Je suis le Poulidor du cinéma français » assure-t-il. En 50 ans de carrière, il totalisera près de 150 films.

Dans les années 90, c’est à la télé qu’il s’illustre avec le personnage de Nestor Burma dans la série éponyme sur France 2. Ce rôle de détective privé lui collera à la peau de 1991 à 2003 et sera sa consécration auprès du grand public. Mais à la casquette d’acteur, Guy préférait celle du crooner, parfois au second degré, comme avec le titre Destinée, chanson culte du Père Noël est une ordure et des Sous-doués en vacances. « C’était une blague, une connerie pour l’été, et on en a vendu 250 000 exemplaires. J’étais vexé, humilié. Je me considère plus chanteur, qu’acteur, militaire ou boxeur », déclarait-il.

La Passionata, sortie en 1965 est l’un de ses plus grands succès. Le single se vend à 300 000 exemplaires. Chanteur à la voix de velours, Guy Marchand pouvait aussi jouer du piano, du saxophone et de la clarinette. Son dernier album, Né à Belleville, dans lequel il chante son amour pour son quartier populaire, était sorti en 2020. Ce grand séducteur avait craqué en 2000 pour Adelina, un joli top russe de quarante ans sa cadette. Le couple vivait séparément ces dernières années puisque la jeune femme s’était installée à Berlin.

Un départ qui s’explique peut-être par la situation financière de Guy qui s’était dégradée depuis une dizaine d’années. L’artiste ne cachait pas ses problèmes d’argent : « J’ai gagné beaucoup avec Nestor Burma mais j’ai tout dépensé. Les chevaux, les voitures, les femmes… J’ai aimé vivre largement », reconnaissait-il. « Je suis dans le rouge avec ma retraite, les impôts à la source, la façon dont je dépense mon argent et ma passion pour les voitures américaines ! Ils sont vraiment sympas mes banquiers, je leur dis de me faire confiance, qu’on n’est jamais à l’abri d’un triomphe », souriait-il, malgré tout.

Quelques heures après l’annonce de sa disparition, la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak lui a rendu hommage sur les réseaux sociaux : « Guy Marchand a croqué la vie impatiemment, éperdument, passionnément ». Le titi charmeur a eu une belle destinée en somme…

PIERRE RUN

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