« Le jour des caméléons » sonne l’apocalypse sur l’Île Maurice

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  • Aujourd’hui, « Le jour des caméléons » de Ananda Devi paru le 16 août 2023 aux Éditions Grasset.

Alain Raimbault, auteur, blogueur et contributeur du groupe de lecture 20 Minutes Books, vous recommande « Le jour des caméléons » d’Ananda Devi, paru le 16 août 2023 aux Éditions Grasset.

Sa citation préférée :

« En ce moment précis, la galerie marchande du Caudan, ses cafés et ses fast-foods sont bondés : les gens sont abasourdis par la chaleur, le grand soleil de Port-Louis tape si fort sur leurs petites têtes qu’une sorte de paix bovine se lit sur leurs visages. Sauf bien sûr pour ceux qui y travaillent, et qui eux sont coincés là. Pris au piège par leurs salaires minables et les mesquineries de la hiérarchie qui empourprent leurs joues de honte, mais il faut sourire aux touristes, sourire aux clients, faire courbettes et galipettes pour vendre la marchandise venue de Chine, du Bangladesh ou de Madagascar (bon marché, parce que les êtres qui l’ont fabriquée sont bon marché aussi), servir les bières fraîches… »

Pourquoi ce livre ?

  • Parce que quatre destins se croisent sur une île au bord de l’explosion : Nandini, épouse-objet du juge Abhi ; Réné, homme sans volonté, sans courage qui ne désire que se cacher et sa nièce Sara, unique rayon de soleil dans sa vie ; Zigzig, chef de bande. Quatre solitudes qui vont se retrouver annihilées par un bien malheureux hasard. À Maurice, des siècles de colonisation, de destruction, d’esclavage, de racisme, d’injustice, de corruption et d’exploitation des pauvres au profit des riches, rien de neuf sous le soleil, ont laissé des blessures à vif. La révolte gronde.
  • Parce que l’auteure met en évidence les racines du mal qui gangrène Maurice, symbole de toute société post-coloniale, et même de toute société tout court. Le mal est à la fois individuel, femme délaissée, maltraitée, humiliée, violée, homme également traumatisé dès l’enfance, et systémique. Une société clairement à deux vitesses entre la masse qui travaille pour un salaire de misère et ceux qui possèdent la richesse. De plus, la différence de classe sociale se lit immédiatement dans la couleur de peau des habitants.
  • Parce que ce roman écrit au présent, écrasé de chaleur, est à glacer le sang tant les descriptions des lieux qui, contrairement aux publicités touristiques, n’ont rien de paradisiaques, et les tourments des personnages plongent le lecteur dans un abîme sans fond. Si le roman de Nathacha Appanah intitulé Tropique de la violence abordait entre autres le thème des gangs de rue à Mayotte, Ananda Devi, un peu dans la même veine, va plus loin, plus en profondeur et tire les conséquences de cette situation à Maurice dans une fin apocalyptique.
  • Parce que la langue de l’autrice est à la fois poétique, tendre, acerbe et troublante. Très vite les quatre personnages principaux sont réunis et leur rencontre, redoutée, inéluctable entraîne le lecteur dans une fresque de fin du monde. Et les caméléons dans l’histoire ? Ce sont les êtres humains qui changent de visage au gré des événements ; ce sont les témoins, parfois malheureux, des actions humaines ; et ce seront les derniers habitants d’une île tourmentée, désolée.

L’essentiel en 2 minutes

L’intrigue. Quatre personnages désespérés vont quitter leur lieu de résidence, se rencontrer malencontreusement et en arriver à la destruction explosive de leur vie.

Les personnages. Nandini, femme du juge Abhi ; Réné, oncle de Sara ; Zigzig, chef de gang.

Les lieux. Île Maurice.

L’époque. Aujourd’hui.

L’auteur. Ethnologue et traductrice, Ananda Devi est née à l’île Maurice. Elle écrit des poèmes, des nouvelles et des romans, et a reçu de nombreux prix littéraires.

Ce livre a été lu surpris par le caractère désespéré de presque tous les personnages ; l’analyse des raisons du désespoir est frappante et je dirais universelle, ce roman est un peu une métaphore de la vie actuelle dans nos sociétés et donc, il parle aussi de moi, ce qui est saisissant. Un roman volcanique.

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