« De plus en plus d’auteurs de mangas français vont être édités »

  • Du jeudi 13 au dimanche 16 juillet se tient la Japan Expo, au Parc des expos Paris-Nord, rassemblement annuel des fans de mangas (entre autres…)
  • 20 Minutes accompagne cet événement en explorant chaque jour l’actualité de la culture manga en France.
  • Aujourd’hui, Tony Valente, qui fête les dix ans de son manga Radiant, revient sur le succès de sa saga et la place du manga français.

Tony Valente est l’auteur du manga Radiant. Un succès à la française – traduit en 22 langues – qui fête ses dix ans à l’occasion de la Japan Expo, où l’auteur – aujourd’hui installé au Canada – ira à la rencontre de ses fans, et où une exposition lui est consacrée. Une foule d’événements éditoriaux (un coffret, des goodies, un pop-up store…) viendront célébrer cet anniversaire pendant plusieurs mois en attendant la sortie du volume 18 et du premier spin-off.

Il y a quelques années, le succès de Tony Valente devait signer l’avènement du manfra, le manga à la française. Les observateurs en voulaient pour preuve le fait que les Japonais eux-mêmes avaient été conquis par Radiant, adapté en animé dans le pays d’origine du manga.

Pourtant, aujourd’hui encore, Tony Valente est presque seul sur son créneau. 20 Minutes l’a interrogé sur le passé et l’avenir de Radiant, et sur sa vision de la situation du manga français.

Le succès et le temps – dix ans ! – ont-ils changé votre manière de travailler sur Radiant ?

J’espère que je me suis amélioré mais je n’ai pas changé la méthode. Je travaille absolument toujours de la même manière, avec les mêmes étapes… Je ressens une liberté totale et ça aussi, je l’avais dès le début, parce que c’était ça le point de départ, l’envie de faire mon truc à ma manière. Ce qui a changé en revanche, c’est mon rapport aux lecteurs. Je me suis rendu compte de l’impact que cette œuvre avait sur plein de gens.

Et cela se traduit comment ? Une autocensure ?

Ho non, bien au contraire ! Je ne m’interdis absolument rien. Mais aujourd’hui, quand j’écris un arc narratif ou une scène, je sais que ça va résonner chez plein de sensibilités. Et j’ai compris que plus j’allais vers un récit intime, vers des choses qui me sont proches, plus ces récits résonnaient chez les lecteurs. J’ai pu en parler avec des gens chez Pixar qui ont eu la même sensation. Avec le succès des films ils ont compris que plus leurs films parlaient de l’intimité et de la vie des créateurs, plus le public appréciait.

Cela a orienté Radiant dans une direction que vous n’aviez pas envisagé ?

Pas vraiment. Pour moi, Radiant a toujours été une histoire d’aventure avec de l’humour. Mais en relisant les premiers tomes, je réalise que dès le début, ça parlait de moi, de mon enfance.

Après dix ans, envisagez-vous la fin de Radiant ? L’avez-vous en tête ?

L’objectif est de la terminer sans rusher. J’ai la fin. Il reste pas mal de chemin pour boucler l’intrigue et je cherche encore la façon de m’y prendre. Je connais la destination mais pas encore les pistes qui vont y mener, et si je lance encore un arc scénaristique. Ou deux…

Deux arcs scénaristiques, ça veut dire encore six ou sept tomes de plus alors ?

Je ne sais pas. Là on fête les 10 ans et le succès est là, tout le monde est content. Ce que je ne veux surtout pas, c’est qu’on fête les 20 ans et que plus personne n’ait envie de lire la suite…

Vous voulez donc finir Radiant au sommet de son succès. Mais au Japon, les mangas meurent quand le public se détourne, rarement avant.

J’ai la chance de ne pas être dans ce système-là. J’ai longtemps eu le fantasme d’être édité au Japon et d’entrer dans le système de production japonais. Mais je crois que c’est difficile d’être un auteur épanoui dans ce système. Moi aujourd’hui je suis heureux de ma liberté et d’avoir la confiance de mon éditeur français.

Il y a dix ans, on disait que vous étiez le précurseur d’une vague d’auteurs français de manga. Mais aujourd’hui encore, vous êtes plutôt seul sur le créneau…

Oui, on me présentait comme une exception qui allait devenir la règle et finalement, en dix ans, il n’y a pas eu beaucoup d’autres exceptions comme moi. Il y a des auteurs français de manga, mais pas assez qui soient bien édités. Mais, c’est parti là maintenant, il va y avoir de plus en plus d’auteurs de mangas français qui vont être édités. C’est obligatoire… Il y a beaucoup trop de projets qui arrivent qui sont sous forme de mangas pour qu’on ne voie pas une vague de publications manga françaises. Les éditeurs n’auront pas le choix.

Pensez-vous que votre succès a changé les choses ?

Je crois que mon succès, entre autres choses, a donné du courage à certains éditeurs – qui avaient refusé d’éditer Radiant d’ailleurs…- pour lancer leurs mangas français. Et surtout, il y a toute une génération d’auteurs mangas qui proposent ça. Moi je suis arrivé après la première vague du succès de mangas en France. A cette époque, les auteurs français de mangas étaient édités dans des fanzines. Aujourd’hui, tous les éditeurs de BD français ont leur section Manga. Ça s’est professionnalisé en dix ans.

Des auteurs français vous demandent-ils des conseils ?

Oui beaucoup, tous les jours sur les réseaux sociaux.

Vous leur en donnez ?

Pas trop. Moi je déteste quand on me dit ce qu’on pense de mon travail, ça ne m’intéresse pas. Je n’accepte pas les avis critiques. Quand je croise des professionnels qui me parlent de mon travail, j’écoute, par politesse, mais en vrai je m’en fous totalement. Je travaille pour les lecteurs. En festival par exemple, ce sont les lecteurs qui viennent aux dédicaces qui m’intéresse, pas les discussions sur le boulot. Donc je ne me vois pas dire à des auteurs « dessine comme ci, raconte comme ça… »

Mais vous pourriez donner des conseils sur la manière de trouver un éditeur, sur le système manga français…

Mais le manga français n’est pas un système, comme au Japon. On partage juste le même format. Donner des conseils de carrière, mettre en relation, expliquer un peu qui est qui, je peux le faire, mais je ne pense pas que le chemin que j’ai suivi existe encore aujourd’hui. Chaque parcours est unique. Je sais que les éditeurs disent parfois à leurs auteurs manga « fais comme Tony Valente ». Moi je leur conseille de ne pas écouter les conseils. Quand j’ai commencé Radiant, tout le monde me disait de ne pas le faire, que j’allais me planter…

Pensez-vous, parfois, à l’après-Radiant ?

Oui, parfois.

Vous pensez continué au format Manga ?

Oui, c’est le format qui convient pour mes BD, c’est le format pour moi, c’est mon type d’histoire. C’est ce que j’aime faire.

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