À l’occasion de la sortie du dernier volet de la saga “Indiana Jones”, le héros américain revient avec nous sur sa carrière riche et palpitante…
En un demi-siècle, cet artisan de la pellicule aura été pourfendeur d’aliens dans La Guerre des étoiles, businessman transi d’amour dans Working Girl, avocat perturbé du cerveau (À propos d’Henry), policier techno-futuriste avec Blade Runner, toubib en quête d’un criminel manchot (Le Fugitif), etc. Harrison Ford est le porte-étendard du héros malgré lui, celui qui, par maladresse, par naïveté ou tout simplement pour se “challenger”, choisit souvent d’emprunter les chemins les plus escarpés. Sauf au box-office où l’acteur mastodonte compte à son palmarès sept des trente plus gros succès de tous les temps ! Peut-être bientôt huit avec Indiana Jones et le Cadran de la destinée… ?
France Dimanche : Quand vous regardez dans le rétroviseur, qu’est-ce qui vous revient à l’esprit concernant votre jeunesse ?
©Getty Images for Disney
Harrison Ford : Le sentiment d’avoir été un sacré glandeur ! J’essayais de suivre des études à l’université [le Ripon College au Wisconsin, ndlr] . Mon problème, c’est que j’étais un fêtard patenté. Du coup, il fallait toujours que je pique un roupillon ici et là afin de récupérer. Cela m’a valu quelques déboires. Je n’avais pour ainsi dire pas d’amis et ce côté rustre, ce côté « réservé » fit de moi la cible favorite des étudiants de mon école qui me prenaient pour un sac de couchage sur deux pattes !
“Je suis comme vous, je dois me rendre au supermarché pour remplir mon frigo.”
FD : À quel moment l’envie du cinéma vous a titillé ?
HF : Un jour, le proviseur m’a demandé, malgré mes piètres résultats, si je voulais être « assistant » au service audiovisuel de ma fac. Je me voyais déjà tripatouiller des caméras ou me familiariser avec une table de montage. En fait, mon job se limitait à pousser des chariots d’une classe à l’autre ! Avant de passer mes examens, le directeur m’a viré à coups de pieds au cul. J’ai compris à ce moment-là qu’il fallait me bouger. Les hivers étant trop longs, je me suis donc mis à rêver de soleil. La suite, vous la connaissez. Direction Hollywood…
FD : Quand on parle de vous, on songe aux blockbusters et aux milliards de dollars que vous avez pu faire gagner au box-office ! Le succès n’est pourtant pas venu tout de suite.
HF : Pour American Graffiti, j’ai l’impression, encore aujourd’hui, d’avoir été plus payé en hamburgers qu’en argent sonnant et trébuchant.
George Lucas a toujours eu la réputation d’être dur en affaires. Pour jouer Han Solo dans La Guerre des étoiles, je n’ai touché que 1 000 dollars par semaine ! Avec cette somme, je me suis payé une Volkswagen d’occase et je me suis fait refaire en partie les dents ! À l’époque, il est vrai que j’avais une dentition aussi désastreuse que celle de Chewbacca !
FD : Y a-t-il un moment où vous avez compris qu’il y avait un gros décalage entre ce que vous étiez et l’image que vous représentez ?
HF : Jouer dans des films, cela consiste à faire croire au public que vous avez des qualités. C’est feindre. Les gens pensent que ce que vous montrez dans un film, vous êtes capable de le reproduire au quotidien. Le cinéma est un miroir déformant !
FD : Vous comprenez l’incroyable engouement que le public a pu avoir pour tous ces héros que vous avez incarnés ?
HF : Oui et je l’en remercie ! Maintenant, on me demande souvent pourquoi j’ai l’air un peu déconnecté quand on me parle de mes films dit « cultes » ou quand on dit de moi que je suis une légende ! La réponse est simple. Je connais trop les ficelles. Il n’y a pas de magie pour moi ! Il s’agit d’un boulot, rien de plus !
FD : Quand un de vos films est diffusé à la télé, vous regardez ou vous zappez ?
HF : J’ai un principe dans la vie : je ne regarde jamais mes films. Je ne me rends pas non plus très souvent au cinéma. Je n’ai pas le temps. Vous croyez que le mec qui conduit son bus tous les jours va refaire le même trajet pendant le week-end ? Moi, c’est pareil. La seule chose qui me motive, c’est mon prochain challenge !
FD : Quelle est votre définition du mot « star » ?
HF : C’est une personne qui exerce un job qui fascine des millions de gens. Rien de plus ! Un job qui me permet de nourrir ma famille et d’obtenir certains avantages matériels dans la vie. Pour autant, je ne me trouve pas fascinant et je n’ai pas la personnalité d’une star. En outre, je ne me vois pas comme quelqu’un d’unique. Je travaille dans le cinéma, c’est tout. Je suis un mec normal. Désespérément normal. Je suis comme vous, je dois me rendre au supermarché pour remplir mon frigo. La seule différence, peut-être, c’est que moi, on fouille mes poubelles pour savoir ce que je bouffe et si je n’ai rien à planquer !
FD : Quelle est la chose dont vous êtes le plus fier ?
HF : Cette carrière m’a permis de rencontrer ma femme [l’actrice Calista Flockhart, ndlr] et ça, c’est important ! Grâce à mon métier, j’ai pu travailler avec des gens extraordinaires. Des gens qui m’ont donné des opportunités fantastiques. Des gens qui m’ont permis d’aller bien plus loin que mon imagination. Des gens qui ont repoussé mes limites.
FD : Comment avez-vous rencontré votre épouse ?
HF : C’était au Golden Globe Awards 2002. Je venais de recevoir le prestigieux prix Cecil B. DeMille pour l’ensemble de ma carrière. C’est là que j’ai rencontré Calista. J’avais participé à bon nombre de cérémonies dans ma vie, mais ce soir-là était très spécial pour moi ! Nous avons vécu ensemble pendant huit ans avant de nous marier en juin 2009 à Santa Fe, au Nouveau-Mexique. Je tournais Cowboys & envahisseurs.
“Avec mon premier cachet de Star Wars, 1 000 dollars par semaine, je me suis payé une Volkswagen d’occase et me suis fait refaire les dents !”
FD : Et pour que l’amour rime toujours, vous vous y prenez comment ?
HF : L’amour, c’est comme un jardin ! Soit vous l’entretenez et pouvez récolter et savourer les fruits de ce que vous avez semé ! Soit vous vous laissez aller, vous aurez alors des mauvaises herbes qui vous montent jusqu’au cou et qui vous envahissent. Fatalement, vous aurez du mal à avancer, à vous frayer un chemin. Généralement, cela se solde par un divorce. Je sais de quoi je parle. Hors de question que je revive la même chose !
FD : Vous avez tourné beaucoup de scènes d’action « viriles »… Si vous deviez faire un petit bilan de vos blessures ?
HF : Je me suis foulé le poignet dans Air Force One. Auparavant, j’avais déjà perdu des ligaments antérieurs au niveau des genoux dans deux films. La première fois, sur le tournage d’un Indiana Jones, je suis tombé lourdement d’une aile volante ; la seconde fois, sur le plateau du Fugitif. J’étais tellement pris dans le feu de l’action que je me suis « mangé » une caméra !
Les scènes tournées au Sri Lanka, à Macao et en Grande-Bretagne pour le premier « Indy » réveillèrent une vieille blessure au dos. Quand vous chevauchez un éléphant, vos jambes sont en extension pour s’adapter aux rondeurs de l’animal. C’est comme si on vous écartelait. À l’époque, j’ai dû rentrer à Los Angeles pour me faire opérer d’une hernie discale. Et six semaines après l’opération, je suis revenu sur le plateau et on a tourné les cascades les plus éreintantes !
“Je suis horrifié par ce que nous infligeons à la nature.”
FD : Et si vous deviez vous réincarner en un animal ?
HF : Je me verrais bien en perroquet, un animal qui est à l’opposé de ce que je suis depuis quatre-vingts ans ! Je ne suis pas quelqu’un qui aime parler ! Même quand j’ai des choses à dire intéressantes. Je suis quelqu’un qui préfère rester en retrait. Observer.
FD : Comme Indiana Jones, un expert dans le maniement du fouet, vous n’avez pas envie de vous en servir parfois, pour réveiller les consciences de ceux qui ne font rien pour sauvegarder la planète ?
HF : [Rires] Il y a d’autres moyens – moins violents – tout aussi efficaces pour marquer les esprits. On appelle cela la pédagogie. Mais vous avez raison. Parfois, on aurait envie de botter quelques culs pour que les choses avancent dans le bon sens et surtout plus rapidement. D’autant qu’on va droit dans le mur.
FD : De tous les combats écolos que vous avez engagés, quel est celui qui vous a demandé la plus grosse implication ?
HF : La sauvegarde des récifs de corail au Brésil ! La pêche intensive a connu un essor considérable dans ce pays et a déjà sérieusement ravagé des fonds marins d’une grande beauté. Accusés : le mazout lâché par les chalutiers et l’utilisation de filets qui « raclent » sans se soucier de l’écosystème. Ce qui me rend triste, c’est que les Brésiliens continuent à fertiliser leurs champs avec des engrais chimiques qui, une fois répandus, s’infiltrent dans la terre, puis se retrouvent dans la mer. Je suis horrifié par ce que nous infligeons à la nature.
Pour autant, je ne suis pas réfractaire à la technologie, car je pense que, bien utilisée, elle peut nous servir. Mais nous devons aussi comprendre qu’elle ne peut en aucun cas remplacer l’ambition humaine. Et cette ambition, c’est de faire en sorte que le monde redevienne un endroit pour toutes les personnes. Qu’importe la couleur de leur peau, leurs religions ou leurs orientations sexuelles !
FD : Contrairement à beaucoup de vos collègues acteurs impliqués dans diverses causes, vous n’avez jamais rêvé de briguer un poste dans la politique.
HF : Je n’en ai jamais eu l’envie ! Faire de la politique, c’est certainement le travail le plus difficile au monde et, qui plus est, le moins bien payé ! [Rires.]
FD : Si vous deviez imaginer le scénario d’un prochain Indiana Jones ?
HF : Je verrais bien Indy partir à la recherche d’un spécimen rare. Un Harrison Ford fossilisé ! Next question… [rires]
De notre envoyé spécial à Los Angeles, Frank ROUSSEAU
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