"Blagues" dégradantes, représentations stéréotypées : au travail, 80% des femmes sont victimes de sexisme ordinaire

  • Un sexisme ordinaire qui gangrène les entreprises françaises
  • Des conséquences psychologiques sous-estimées
  • Que faire face au sexisme ordinaire en entreprise ?

Blagues misogynes, comportements familiers malvenus, attitudes dévalorisantes, surnoms : le sexisme dit ordinaire, dont les femmes sont les premières victimes, prend diverses formes en entreprise. Sous couvert d’un humour bienveillant – mais revêtant une infantilisation et une délégitimation du travail de ces dernières – le sexisme ordinaire est encore banalisé dans le monde du travail.

Pourtant toxique, aussi bien pour les travailleur.euses que pour les manager.euses et même les entreprises, cette forme insidieuse de sexisme est « commune » en France. C’est ce que vient appuyer le baromètre #StOpE 2023, publié le 15 juin 2023, qui a cherché “à recueillir la perception des salarié·es et agent·es sur la prégnance du sexisme ordinaire au travail”. 

Un sexisme ordinaire qui gangrène les entreprises françaises

Le sexisme ordinaire, mal du siècle des entreprises françaises ? C’est ce que souligne le nouveau baromètre de l’association française des managers de la diversité (AFMD).

En effet, “pour 8 femmes sur 10, les attitudes et décisions sexistes sont régulières au travail. Un constat inchangé depuis deux ans et aujourd’hui partagé par toutes les générations”, détaille l’étude. Des comportements dérangeants contre lesquels 60% des salariées âgées de moins de 35 ans ont mis en place des stratégies d’évitement.

Mais ce n’est pas tout : 3/4 des femmes interrogées ont été confrontées à des « blagues » liées à leur genre au bureau, quand 1 femme manager sur 2 déclare avoir été confrontée à des attentes de qualités et comportements managériaux spécifiques du fait de son genre. De plus, 40% des femmes ont déjà entendu que leur maternité poserait problème pour leur carrière. Sans oublier que 7 femmes sur 10 ont déjà entendu “qu’on ne peut plus rien dire, plus rien faire”. 

“Le sexisme ne faiblit pas en entreprise […] Des chiffres lourds ! Et ça, ça ne bouge pas depuis 2013, où l’on avait fait une enquête avec les mêmes chiffres, alors même que depuis, il y a eu #metoo, qu’il y a eu des innovations juridiques… On a l’impression que le sexisme est profondément enkysté dans les organisations, les relations interpersonnelles”, se désole Brigitte Grésy secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, sur France Inter

Des conséquences psychologiques sous-estimées

Un sexisme de tous les jours qui a de nombreuses conséquences sur la santé physique et mentale des femmes, comme sur l’entreprise.

“93% des femmes et 89% des hommes reconnaissent les effets délétères du sexisme ordinaire au travail (déstabilisation, perte de confiance en soi, isolement, santé dégradée)”, précise le baromètre. Et face à ces comportements et propos sexistes, 1 femme sur 2 s’est dite très affectée, ressentant injustice, colère et humiliation.

Mais heureusement, “il y a aussi des notes d’espoir”, précise celle qui a participé à l’élaboration du baromètre, l’experte Brigitte Grésy. En effet, quelques améliorations ont été constatées. Par exemple, si 6 femmes sur 10 a déjà entendu des propos dénigrants s’appuyant sur des représentations stéréotypées des femmes – « les femmes sont douces, gentilles et faites pour materner » – cette situation semble avoir reculé de 8 points par rapport à 2021. 

De plus, la moitié des salarié.e intérrogé.es [parmi les organisations signataires du rapport auprès du collectif #StOpE] s’est déclarée plus attentive aux propos et comportements sexistes en entreprise. Et “globalement, le traitement du sexisme ordinaire a été renforcé, tous canaux confondus (sensibilisations, formations, communications sur l’intranet, sondages internes, campagnes d’affichage…)”, a conclu cette deuxième édition du baromètre.

Que faire face au sexisme ordinaire en entreprise ? 

“Le sexisme est une idéologie qui érige la supériorité d’un sexe par rapport à un autre : cela passe par le sexisme ordinaire, le harcèlement sexuel, l’agression sexuelle, le viol, toutes les violences sexistes et sexuelles. Le sexisme ordinaire, c’est le terreau de base : tous ces gestes, ces comportements, ces mots qui l’air de rien, de façon insidieuse, sournoise, délégitiment et disqualifient les femmes dans le monde du travail”, explique toujours Brigitte Grésy. Mais alors comment lutter contre un sexisme invisible ?

En commençant par impliquer davantage les entreprises et l’État. Car “53% des femmes et 32% des hommes considèrent que les entreprises ne s’impliquent pas suffisamment. 60% des femmes et 39% des hommes considèrent l’action de l’État insuffisante”, explique toujours le baromètre. Sans oublier que 2/3 des femmes ignorent l’existence d’un.e référent·e Harcèlement sexuel et Agissements sexistes dans l’entreprise, obligatoire dans toutes celles d’au moins 250 salarié.es. 

Pour finir, en hésitant pas à dénoncer ces agissements. L’article L.1142-2-1 du Code du travail condamne les comportements sexistes au travail : “nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant”. Une discrimination fondée sur le sexe qui peut-être punie de trois à dix ans d’emprisonnement et de 45 000 à 75 000 euros d’amende.

  • Lutte contre le sexisme dans les entreprises : Enjeux et bonnes pratiques
  • Le syndrome du grand coquelicot : ce biais sexiste qui condamne les femmes ambitieuses au travail

Source: Lire L’Article Complet