Que peuvent les séries pour l’écologie ?

  • De Years and Years à Extrapolations en passant par The Days, les séries qui abordent des thèmes plus ou moins écologiques se multiplient.
  • L’écologie fait partie des trois grandes tendances repérées en 2023 par le festival Séries Mania.
  • À l’occasion de la journée mondiale de l’océan et de la diffusion depuis le 5 juin de la série Abysses, 20 Minutes se demande ce que peuvent les séries pour l’écologie.

De Years and Years à Extrapolations en passant par Fortitude, les séries qui abordent des thèmes plus ou moins écologiques sont désormais légion. Une tendance qui va se confirmer dans les mois à venir puisque, par exemple, pas moins de quatre séries s’emparant de la question du réchauffement climatique figuraient dans la sélection de l’édition 2023 du festival Séries Mania : la coproduction internationale Abysses, actuellement diffusée chaque lundi sur France 2, la série espagnole Apagón, la fiction allemande A Thin Line et la dystopie norvégienne The Fortress. A l’occasion de la Journée mondiale de l’océan ce jeudi, 20 Minutes se demande ce que peuvent les séries pour l’écologie ?

Pourquoi les scénaristes s’emparent-ils de la question du réchauffement climatique ? « C’est le problème majeur de notre époque », lance Jonas Weydemann, co-créateur de A Thin Line, qui met en scène des jumelles, activistes écologistes, « qui ont le même but, mais pas la même opinion sur les moyens d’y parvenir. »

« La fiction a un pouvoir émotionnel très fort »

La fiction est-elle le meilleur moyen d’éveiller les consciences ? « La force de la série, c’est l’incarnation », estime Cyril Dion, écrivain, réalisateur, poète et militant écologiste français, lors d’une conférence à Séries Mania. Après avoir coécrit et coréalisé le documentaire Demain avec Mélanie Laurent, Cyril Dion développe actuellement la minisérie d’anticipation We Can Be Heroes, qui met en scène la Terre alors qu’elle vient de dépasser 1,5 °C de réchauffement et que d’immenses incendies et une canicule historique sévissent en Europe.

« Quand je ressens les choses et le cœur des personnages dans une série, c’est un formidable outil pour que les mentalités changent et pour changer de perspective », abonde Cecilie Mosli, qui a réalisé quelques épisodes de Fortress, dystopie norvégienne qui imagine une Norvège en autarcie, totalement séparée du reste du monde par un grand mur, en raison des vagues de réfugiés climatiques. Même son de cloche du côté de Cécile de France, à l’affiche du thriller écologique Abysses, qui met en scène l’idée angoissante que les profondeurs décident d’attaquer l’humanité à la suite du réchauffement climatique : « La fiction a un pouvoir émotionnel très fort ».

Évoquant la série Chernobyl, Cyril Dion ajoute : « On est plongé au cœur même de l’événement, cela a une vertu qui est de rendre les choses tangibles. On a besoin de cela, nous, les humains, on a besoin que cela traverse notre sensibilité ».

« La série nous amène à nous poser des questions »

Autre vertu des séries, elles peuvent nous amener à nous poser des questions. « Il y a actuellement une sorte de réhabilitation du nucléaire, comme une énergie décarbonée et pilotable, contrairement aux énergies renouvelables, intermittentes. Ce serait une réponse indispensable au réchauffement climatique », constate par exemple Cyril Dion.

À l’heure où l’Europe craint un accident nucléaire à Zaporijia, des séries comme Chernobyl ou The Days posent la question. « Est-ce bien raisonnable d’avoir une planète truffée de centrales nucléaires ? », poursuit le réalisateur, notamment dans un contexte, où la pénurie de ressources naturelles peut conduire à des « conflits ». Et de préciser : « Ce qui est intéressant, c’est que la série nous amène à nous poser des questions, pas à nous amener des réponses. La réponse sur l’énergie nucléaire n’est pas manichéenne. »

L’idée de Fortress, qui imagine une Norvège entièrement barricadée, est née au moment de la crise des réfugiés en Grèce. « J’espère que la série va provoquer des discussions sur comment nous sommes liés à ce problème, et comment nous pouvons nous entraider, nous réunir… Il a fallu une guerre pour que l’Europe existe. Nous avons créé une série high concept, mais ce mur invisible existe déjà en Norvège », confie John Kare Raake, le créateur de Fortress, qui permet de réfléchir sur la crise migratoire et comment gérer les futures vagues de réfugiés climatiques.

« La fiction peut nous aider à vivre des situations inédites »

Présentée dans la sélection Panorama international à Séries Mania, la série espagnole Apagón imagine un monde dans lequel nous serions privés d’électricité. « La trajectoire du monde, telle qu’elle est en train de se dessiner, pourrait nous conduire à des situations dans lesquelles on vit cela. Cette série fait prendre conscience de notre immense dépendance énergétique, de la fragilité du système dans lequel on vit », salue Cyril Dion.

En 2021, une étude menée par des chercheurs américains et danois avait révélé que les fans de fictions apocalyptiques et de zombies étaient mieux préparés psychologiquement pour affronter la crise sanitaire. « Les fictions peuvent nous permettre d’anticiper un certain nombre de situations, mais aussi la façon dont nous pourrions réagir », considère également Cyril Dion. 

« S’identifier et comprendre le point de vue »

Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour sauver la planète ? Telle est la question que pose A Thin Line. « Une des forces de la fiction, c’est que vous pouvez présenter différents points de vue », souligne Jakob D. Weydemann. A Thin Line retrace le parcours de jumelles activistes écologistes, prônant la désobéissance civile, et dont l’union va être mise à mal face à leurs choix éthiques respectifs et la tentation du radicalisme.

« Notre série n’est pas une série sur la catastrophe écologique, mais sur l’activisme. Nous attaquons ce sujet du point de vue de la frustration. Pour les activistes, les choses n’avancent et ne changent pas suffisamment vite », explique Jonas Weydemann, qui espère que les spectateurs pourront s’« identifier aux deux côtés des sœurs, et comprendre le point de vue de chacune. »

« On a besoin d’entendre une forme de réalité scientifique »

Aux activistes répondent les scientifiques. Dans Abysses, Cécile de France incarne Cécile Roche, une chercheuse en biologie moléculaire dans un hôpital du sud de la France. « J’ai trouvé excitant d’incarner une scientifique. Ils ne sauveront peut-être pas la planète, mais ils nous apportent des solutions pour le faire », estime l’actrice belge.

Les séries qui traitent d’écologie font souvent des scientifiques les héros de l’histoire. Dans Chernobyl, le personnage principal campé par Jared Harris est un scientifique, directeur adjoint de l’Institut d’énergie atomique de Kourchatov, qui fait figure de « lanceur d’alerte ».

Dans un monde qui met de plus en plus en doute la parole des scientifiques, « on a besoin d’entendre une forme de réalité scientifique », rappelle Cyril Dion. La série Extrapolations se base ainsi sur les prédictions du GIEC, ce qui permet de « matérialiser des chiffres à travers des trajectoires d’êtres humains », concède-t-il, déplorant cependant une vision parfois trop catastrophiste du futur dans les séries.

« Créer des fictions où l’on voit des gens coopérer »

« Les scénaristes ont une responsabilité considérable lorsqu’ils écrivent une série. Parce que si on montre uniquement des situations catastrophiques avec des gens animés par des pulsions violentes, des conflits, si on montre un horizon sans cesse bouché et dystopique, on s’installe alors dans une prophétie autoréalisatrice », alerte Cyril Dion.

Un point de vue partagé par Guillaume Desjardins, auteur et réalisateur de L’Effondrement, lors d’une table ronde organisée par le CNC au Festival de la fiction TV de La Rochelle : « Comment on raconte une histoire qui parle d’entraide, alors qu’on a appris à écrire en mettant en scène du conflit ? ». « Si on est capable de créer des fictions où l’on voit des gens coopérer, s’entraider et trouver des solutions, peut-être que cela peut nous aider le jour où cela arrivera », approuve Cyril Dion.

C’est le cas de la série Call Me Dead, qui à la place des tsunamis créés en CGI, met en avant un mode de vie vertueux à base de tri sélectif. Mais aussi celui d’Abysses, qui montre des scientifiques collaborer.

Et Carole Scotta, Productrice Haut et Court TV de conclure lors de la table ronde du CNC : « C’est vraiment notre responsabilité en tant qu’auteurs et producteurs de trouver les formes pour des récits qui ont du sens. On a tous besoin de réfléchir à ce qu’on raconte, à ce qu’on fait et à comment on le fait. » Une maxime valable pour tous les Terriens !

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