Lorsque les Beatles se sont séparés, il y a plus de cinquante ans, le groupe légendaire a laissé ses fans sur leur faim. Mais de nombreuses vidéos fleurissent çà et là, réunissant les membres du groupe grâce à l’intelligence artificielle, au grand bonheur de bon nombre de fans. Mais comment ça fonctionne ? Et comment calculer les droits d’auteur ? 20 Minutes fait le point pour vous.
De quoi parle-t-on ?
De « nouvelles » chansons du groupe légendaire des Beatles ont été mises en ligne récemment. La vidéo du single « New » (2013) de Paul McCartney a par exemple été modifiée par un fan à l’aide de l’intelligence artificielle (IA). Sa voix est rajeunie, et le morceau comporte une partie chantée par son ami et partenaire défunt John Lennon.
Toute aussi impressionnante : une version de « Grow Old With Me », l’une des dernières chansons écrites par John Lennon, sortie après son assassinat et recréée par un amateur d’intelligence artificielle se faisant appeler « Dae Lims ». Avec une qualité audio améliorée, et des chœurs qui évoquent la grande époque du groupe de Liverpool, le moment le plus émouvant de la chanson arrive lorsque Paul McCartney se met à chanter sur la mélodie.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Le morceau « Heart on a Sleeve », réunissant les artistes Drake et The Weeknd, avait lui récolté des millions de clics sur TikTok et d’autres plateformes. La technologie utilisée analyse et capture les nuances d’une voix. Les créateurs chantent probablement les paroles eux-mêmes, avant d’y appliquer un « clone » de la voix désirée, comme on applique un filtre sur une photographie.
Y arriver n’est pas simple et requiert des humains sachant manier l’IA, avec une réelle connaissance des logiciels de musique, selon Zohaib Ahmed, PDG de Resemble AI, une entreprise de Toronto spécialisée dans ce domaine. « Je pense qu’il n’y a encore qu’une très petite partie de la population qui peut accéder à ces outils », dit-il. Il faut « lire dessus, avoir le bon ordinateur, et tout assembler. »
Pour Patricia Alessandrini, compositrice et enseignante à Stanford, le nombre croissant de morceaux générés par l’IA représentent l’arrivée à maturité d’une technologie qui s’est développée de façon exponentielle – tout en restant assez éloignée du grand public durant la dernière décennie. « C’est un bon exemple de ce que l’IA fait très bien, c’est-à-dire tout ce qui à trait à la ressemblance », dit-elle. Mais « il n’y a vraiment aucun risque que cela remplace la riche histoire de l’art et de la culture créée par des humains ».
Comment appliquer les droits d’auteur ?
Pour l’industrie musicale, les implications sont énormes. La technologie permettant aux gens de facilement transformer leur voix en celle de leur chanteur favori ne se fera probablement pas attendre très longtemps. Si les artistes « sont payés pour une licence de leur voix, alors tout le monde est content », estime Steve Onotera. « Mais que se passe-t-il pour ceux qui sont morts depuis longtemps ? »
La question des droits d’auteur est en effet centrale. Dans le cas de « Heart on a Sleeve », le groupe Universal a fait retirer le morceau des plateformes de streaming – sans que cela n’empêche qu’il réapparaisse en ligne çà et là. Selon Marc Ostrow, un avocat spécialiste de ces questions, la musique générée par l’IA est une « zone grise ». Des droits peuvent être réclamés à la fois par les artistes, et les labels de musique. Mais les créateurs de contenus utilisant l’IA peuvent se réclamer du concept juridique de « fair use » (« usage raisonnable »), une sorte de clause d’exception.
La Cour suprême américaine a, elle, penché en sens inverse le mois dernier, en estimant qu’une photographe, dont un cliché du musicien Prince a été utilisé par le peintre Andy Warhol, aurait dû recevoir des droits d’auteur. En définitive, « je pense que les normes seront fixées par l’industrie de façon délibérée (…) ou cela se finira en procès », a jugé Marc Ostrow. Les labels devront en effet composer avec la mauvaise publicité entraînée par un procès contre le travail d’un fan, vu comme un hommage et non une source d’argent.
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