Complice des femmes depuis 160 ans, la marque sérieuse qui ne se prend jamais au sérieux traverse tranquillement les générations depuis 1963 avec pour objectif d’instiller joie et bonne humeur. Retour sur une success-story « made in Paris ».
Naissance d’une star
C’est sur les planches des théâtres des Grands Boulevards parisiens que la future marque de cosmétiques voit le jour en 1862. Piètre comédien mais excellent cosmétologue, cette année-là, Joseph-Albert Ponsin élabore une pommade destinée à blanchir le visage des artistes de théâtre, le Blanc de Perles. Une découverte lumineuse qu’il fait breveter et le conduit, l’année suivante, à mettre au point des fards gras présentés sous la forme de sticks.
Ces bâtons de grime proposaient à l’époque des teintes variées portant chacune un nom évocateur de personnage de théâtre ou d’opéra (Jaloux, Vieillard, Amoureux, Roméo…). Un univers ludique qui va aussitôt séduire le monde artistique avant d’être sollicité par les élégantes Parisiennes qui Bâtons de grime Étui de maquillage souhaitent affcher un teint frais. À commencer par Sarah Bernhardt, sa première célèbre cliente…
Sarah Bernhardt
Débuts prometteurs
En 1868, Ponsin, qui s’avère un mauvais financier, s’endette au point de devoir céder son fonds de commerce à son associé et principal créancier Alexandre-Napoléon Bourjois. Ce dernier donnera par la suite un formidable essor à l’entreprise en investissant dans la recherche. La réussite démarre en 1879 avec la création de la poudre de riz de Java dont la recette est aujourd’hui encore jalousement gardée. Ultra-fine et translucide, elle fait fureur auprès des dames qui affichent alors un teint diaphane, matifié et lumineux : les peaux hâlées étant à l’époque réservées au milieu paysan. Les Parisiennes, et bientôt le monde entier, s’arrachent cette poudre magique qui trône au premier plan sur les comptoirs des grands magasins.
Fort de son succès, Bourjois enchaîne en 1881 la production de fards à joues, les fameux Pastels, issus d’un procédé unique consistant à mélanger de la poudre et de l’eau et à les mettre en forme dans des moules bombés avant de les passer au four. Commercialisés ensuite dans de jolies petites boîtes rondes en carton à l’imprimé fleuri, ces fards secs remportent un franc succès et font le bonheur des collectionneurs. En 1891, sous l’ère industrielle, l’usine Bourjois & Cie située à Pantin en profite pour développer son catalogue et propose plus de 700 références : extrait pour mouchoir, savons, poudre de riz, brillantine, fards, lotion pour cheveux… Mais c’est en 1898 que l’entreprise, rachetée par la famille suisse Wertheimer, va se spécialiser et se révéler dans le domaine du parfum et du maquillage avec la première poudre compacte Manon Lescaut, suivie en 1907 du parfum éponyme, puis, quelques années plus tard, en 1924, Mon Parfum, représenté par le personnage de Babette, une séduisante égérie imaginaire, qui respire la joie de vivre à travers des aventures illustrées.
Sa mission ?
Initier les femmes à la beauté et les accompagner dans leur émancipation. Présentée avec la coupe garçonne des Années folles, du make-up sur les yeux, les lèvres et les pommettes, Babette assume sa personnalité, incarne la liberté, fait preuve d’humour et revendique son indépendance. Mais c’est en 1929, un an après la sortie d’Evening in Paris aux États-Unis, que Bourjois va asseoir sa notoriété en lançant en France un parfum de qualité accessible à toutes, rebaptisé pour l’occasion dans la langue de Molière : Soir de Paris. Créée par Ernest Beaux (le parfumeur à l’origine de Chanel n° 5), cette fragrance connaît un succès fulgurant avec son joli flacon bleu, appuyé par le slogan attractif : « Un parfum de luxe pour 9 francs seulement ! »
Communiquer… la joie !
Dans les années 1930, Bourjois s’attelle à la communication et parraine les premiers concerts radiophoniques de Maurice Chevalier et d’Yvonne Printemps. Plus tard, en 1936, la marque soutient l’émancipation des femmes à travers une publicité représentant une femme coiffée d’un bonnet phrygien et déposant un bulletin de vote dans l’urne.
Le slogan militant « La femme votera » sera exaucé en 1945.
L’importance du slogan est d’ailleurs le fer de lance de la marque, qui se distingue par l’humour, les jeux de mots (Abracadabeige !, Mauve-Martre, Coquelic’hot…), les phrases décalées ou encore des noms évocateurs. Parmi les slogans qui ont marqué les esprits : « Belle de haut en bas », « Chez nous, la Journée de la femme, c’est tous les jours », « La vie est belle et vous êtes comme elle », « Le rouge à lèvres qui résiste à la pluie, au vent et au baiser », « Bourjois, la marque à l’accent français depuis 1863 »… Ludique, joyeuse et dynamique, telle est la devise de la maison qui, en 1950, à l’occasion d’une émission de radio animée par Charles Trenet, s’approprie la phrase du fou chantant qui clame alors : « Bourjois, avec un J comme joie ! » Une formule qui convient à la toute nouvelle force de vente de la marque qui élargit sa clientèle aux demoiselles, avec l’arrivée sur le marché d’un mascara waterproof, des ombres à paupières Jolicils et du premier rouge à lèvres longue tenue Rouge fidèle.
Visionnaire
Dès lors, l’entreprise ne cesse de se réinventer et de se moderniser avec, notamment, dans les années 80, une nouvelle offre : le make-up nomade avec d’élégants petits boîtiers qui renferment, au choix, un fard à joues ou à paupières et que l’on emporte partout. En 1990, le rayon maquillage accueille fièrement Coup de Théâtre, le premier mascara double embout (un côté pour densifier, l’autre pour colorer) et, cinq ans plus tard, les Pastels joues changent de garde-robe et troquent leur houppette contre un joli pinceau ainsi qu’un miroir intégré. 1995 signe aussi la naissance de Grains de Beauté, une gamme de produits dédiés à la toilette, au design soigné et glamour à souhait.
Et parce que la perfection commence par le choix de ses collaborateurs, au fil des années, Bourjois s’est entouré de grands illustrateurs, à l’instar de Camille Witt qui a réalisé une illustration pétillante, emplie de gaieté, à l’occasion des 160 ans de la marque. Avec, forcément, une tour Eiffel qui reflète l’héritage parisien de la maison Bourjois.
MAUREEN MARCHAL
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