“Trop jeune”. “Pistonnée”. “Un cas flagrant de népotisme”. En 2023, quand une jeune femme brille par ses réalisations professionnelles, on n’arrive toujours pas à se réjouir en saluant simplement son parcours.
Alors, forcément, quand le groupe Adeo (fédération de 15 entreprises spécialisées dans l’Habitat) annonce via un communiqué publié le 9 mai 2023, qu’Agathe Monpays, 28 ans, va devenir la nouvelle directrice générale de Leroy Merlin en septembre prochain, les réactions pullulent, de Twitter à Linkedin. Si la jeune maman en est arrivée là, c’est sûrement parce qu’elle fait partie de la famille Mulliez (la maison-mère est majoritairement détenue par l’Association familiale Mulliez). “N’oubliez pas le Mulliez dans son nom, ça aide à écraser les autres postulants”, peut-on lire sur le réseau à l’oiseau bleu.
Voilà donc plusieurs jours qu’au lieu de relayer cette promotion prestigieuse, les articles de presse sont consacrés à la composition familiale de la cheffe d’entreprise, afin de « prouver » qu’elle est surtout la victime d’une vague de fake news nourrie par la “jalousie” et la misogynie. Des commentaires qui contribuent à épaissir le plafond de verre.
Aucun lien de parenté entre Agathe Monpays et la famille Mulliez
“Selon nos informations, ni les parents ni le compagnon de la future DG France de Leroy Merlin ne s’appellent Mulliez, ou n’ont de lien avec la famille. Leurs professions, qui les situent plutôt dans la classe moyenne que comme des membres d’une des familles les plus fortunées de France, n’ont également aucun rapport avec les entreprises de la galaxie Mulliez”, clarifie Check News, cellule fact-checking de Libération.
De son côté, le groupe Adeo a même dû « démentir formellement cette rumeur », précisant qu’il n’y a « strictement aucun lien », rapporte le quotidien.
L’éternelle remise en question de la réussite des femmes au travail
Mais pendant plusieurs jours, la bonne nouvelle a attisé les critiques, mettant encore une fois en lumière la non-reconnaissance des compétences des femmes au travail.
Pour Alba Ventura, réagissant à l’affaire dans un édito pour RTL, “certains ne peuvent pas supporter la réussite”. Mais il semblerait que ce soit surtout celle des femmes qui pose problème. “Je ne sais pas si on aurait autant questionné cette ‘ascension fulgurante’ si Agathe Monpays avait été un homme”, commente justement une internaute.
“Elle ne peut pas seulement être compétente à 28 ans. Elle ne peut pas être douée ni passionnée par son travail”, appuie Alba Ventura
« À une époque où l’on parle si souvent ici de parité, de diversité, de plafond de verre ou de promotion interne, pour se plaindre de leur absence ou de la persistance de vieux réflexes, reconnaissons ensemble que le signal est fort et clair », écrit sur son compte Linkedin le fondateur de Cause Toujours, Laurent Bazin.
Une ascension éclair et inspirante
Pourtant, son parcours est admirable. Employée du groupe depuis sa sortie d’école en 2016, la jeune femme qui est maman d’une petite fille a gravi les échelons à une vitesse record.
“D’abord alternante pendant deux ans en tant que chargée de projet marketing au sein du groupe textile Happychic (Bizzbee, Brice, Jules), Agathe Monpays a ensuite fait ses armes chez Leroy Merlin dès 2016 en tant que cheffe de secteur à Valenciennes (Nord), puis directrice de magasin à Tourcoing. En 2022, la jeune femme a bénéficié d’une belle promotion en devenant la directrice générale de l’enseigne Leroy Merlin en Grèce et en Chypre”, résume Le Parisien.
« Le sens du commerce et du management d’Agathe, sa force de conviction, sa capacité d’adaptation et ses qualités relationnelles seront de précieux atouts pour conduire l’entreprise vers son ambition », sont également vantés par la direction dans un communiqué relayé par France 3 Hauts-de-France.
Au 1er septembre prochain, Agathe Monpays dirigera 144 magasins (9,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires) et succèdera à Thomas Bouret, « que » 41 ans à sa nomination, comme le fait remarquer La Voix du Nord. Pourtant, en 2014, la nouvelle n’avait pas fait couler autant d’encre.
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