Julia Roberts, pieds nus sur le tapis rouge azuréen. Voilà une image marquante à jamais liée au Festival de Cannes. En 2016, lors de son premier Festival du film international sur la French Riviera, l’icône absolue d’Hollywood foule les mythiques marches du Palais des Festivals sans chaussures.
À sa manière, l’actrice proteste alors contre le dresscode de l’évènement cannois, qui, l’année précédente, aurait interdit l’accès au tapis rouge aux femmes qui ne portaient pas de chaussures à talon.
En 2015 justement, l’actrice britanno-américaine Emily Blunt, présente sur place, partageait sa consternation lors d’une conférence de presse. « Je pense que tout le monde devrait porter des chaussures plates pour être honnête. On ne devrait pas porter de talons hauts. C’est vraiment décevant, en réalité. On pense qu’il y a de nouveaux progrès concernant l’égalité, que des personnes ne considèrent plus uniquement les femmes comme des objets de fascination intéressants à regarder et bankable… », soupirait-elle.
Mais non. Depuis sept décennies, le Festival enchaîne les éditions, les sélections et les récompenses… en laissant régulièrement les femmes cinéastes sur le bord de la Croisette. Retour sur les discours forts qui ont dénoncé ce manque de représentativité, et bien d’autres formes de sexisme, dans l’industrie du septième art.
Les mots indignés de Jane Campion, unique femme à avoir reçu la Palme d’Or
Si Agnès Varda a bien été récompensée d’une Palme d’Or spéciale qui venait honorer l’ensemble de sa filmographie, une seule femme a en réalité reçu une Palme d’Or pour un film. C’était en 1993. La réalisatrice et scénariste néo-zélandaise Jane Campion gagnait cette année-là la suprême récompense pour sa romance dramatique La leçon de piano.
La cinéaste est depuis retournée sur la Croisette – elle était même présidente du jury du Festival de Cannes en 2014 – et s’est indignée, à chaque fois, du manque de représentation des femmes réalisatrices.
J’aimerais voir plus de femmes réalisatrices, parce que, vous savez, elles représentent la moitié de la population et ont donné naissance au monde entier !
« Encore et toujours, nous ne sommes pas représentées comme il le faudrait, déplorait-elle, en conférence de presse lors du Festival de Cannes en 2006. Excusez-moi Messieurs, mais les hommes prennent tout le gâteau. Je n’en veux pas aux hommes réalisateurs – je les aime tous – mais il y a des choses que les femmes aimeraient faire qui restent trop confidentielles. Et c’est toujours une surprise pour le monde quand des femmes réalisatrices sortent quelque chose… »
De retour à Cannes en 2009, elle ironisait, toujours en conférence de presse : « J’aimerai voir plus de femmes réalisatrices, parce que, vous savez, elles représentent la moitié de la population et ont donné naissance au monde entier ! » Avant de confirmer à quel point il est difficile d’être une femme réalisatrice dans cette industrie : « C’est assez dur la première fois que l’on découvre le monde de la réalisation, il faut se construire une carapace. »
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"Cannes est à nous" : le divin discours d’Houda Benyamina
2016. Explosion de joie de la réalisatrice du drame Divines, Houda Benyamina, lorsqu’elle remporte pour ce premier long-métrage la Caméra d’Or du Festival de Cannes. Sur scène aux côtés de son casting d’héroïnes féminines, elle se lance, émue : « En fait, je n’arrête pas de dire à mon producteur que je n’en ai rien à foutre de Cannes, que je ne fais pas un film pour Cannes. Mais aujourd’hui, je suis contente d’être là, car c’est aussi notre place à nous (les femmes, ndlr). Cannes est à nous, Cannes nous appartient. On est là, c’est possible », s’écrie-t-elle, le poing levé, et applaudie par le public et les artistes féminines dans la salle.
Pour que les choses changent, il faut que beaucoup plus de décisionnaires soient des femmes. Que les comités de sélection soient composés d’autant d’hommes que de femmes.
Les applaudissements d’approbations se poursuivent quand elle affirme : « Pour que les choses changent, il faut que beaucoup plus de décisionnaires soient des femmes. Que les comités de sélection soient composés d’autant d’hommes que de femmes ».
Son discours s’achève par un « Tu as du clito ! « , réplique culte du film récompensé.
L’allocution choc d’Asia Argento contre Harvey Weinstein et les autres prédateurs de l’industrie du cinéma
« En 1997, j’ai été violée par Harvey Weinstein, ici-même à Cannes. J’avais 21 ans. Ce festival était sa chasse gardée », lâche Asia Argento, devant une assemblée muette. Par ces mots forts, l’actrice et réalisatrice italienne débute son discours lors de la cérémonie de clôture de l’édition 2018 du Festival, juste avant l’annonce du prix d’interprétation féminine.
J’ai été violée par Harvey Weinstein, ici-même à Cannes. J’avais 21 ans.
« Je souhaite prédire quelque chose : Harvey Weinstein ne sera plus jamais le bienvenu ici. C’est une disgrâce. Toute une communauté lui a tourné le dos, même ceux qui n’ont jamais dénoncé ces faits », dit-elle, le regard concentré et le ton grave, durant ce premier évènement cannois post-#MeToo.
« Et parmi vous, poursuit-elle, dans le public il y a ceux que l’on devrait pointer du doigt à cause de votre comportement envers les femmes, un comportement indigne de cette industrie, indigne de n’importe quelle industrie. Vous savez qui vous êtes. Plus important encore, nous, nous savons qui vous êtes et nous n’allons pas vous permettre de vivre dans l’impunité. » Standing ovation.
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