Une série TV dévoile la face sombre du célèbre magazine de “charme” et se demande s’il existe une malédiction sataniste des playmates.
Le magazine Playboy, créé en 1953 par Hugh Hefner, fut une véritable institution américaine, avant de quasiment disparaître en 2020. La première playmate affichée en couverture ? Marilyn Monroe, excusez du peu. Dès lors, les grandes plumes du moment se pressent afin d’être publiées, dont Ian Fleming – le père de l’agent 007 –, Arthur C. Clarke – dont le 2001, l’Odyssée de l’espace sera bientôt adapté sur grand écran par Stanley Kubrick. Sans oublier Vladimir Nabokov et son sulfureux roman, Lolita.
Dans le même temps, les célébrités du showbiz et de la politique font le siège de ce mensuel coquin afin que leurs propos soient couchés sur papier. Clint Eastwood et Marcello Mastroianni, Jimmy Carter et Donald Trump en font partie et sont photographiés avec des nymphettes.
Hédonisme
Le royaume magique de Hugh Hefner est une sorte de Disneyland interdit aux moins de 18 ans. Seulement voilà, derrière ce conte de fées, il y a l’envers du décor. Lequel est en train d’être révélé dans une série télévisée de six épisodes, Empire Playboy, les dessous meurtriers, produite par la chaîne américaine Investigation Discovery, propriété du groupe à la souris aux grandes oreilles.
Certes, tout y est romancé et remis en scène. Mais la série relate les meurtres et mystères qui se croisent dans le célèbre monde de Playboy. Telle cette playmate, retrouvée démembrée dans une benne à ordures, ou une autre de ses consœurs, dont le mari a été assassiné par un fan éperdu d’amour, qui s’est ensuite tiré une balle dans la tête. Voilà qui ne concerne que les affaires les plus récentes, tant le nombre de femmes ayant eu les honneurs de Playboy et de son fameux dépliant central a tout d’un cortège funèbre. Y a-t-il pour autant de quoi soupçonner une malédiction des playmates ?
La thèse peut se défendre. Bien sûr, il y a Marilyn Monroe, qui a fini par mettre fin à ses jours – à moins qu’elle n’ait été « suicidée ». On ne le saura jamais. Puis Jayne Mansfield, à l’imposante carrière, sex-symbol à l’instar de Marilyn, morte la boîte crânienne écrasée dans un accident de voiture, drame qui met illico en lumière ses liens avec l’église de Satan, fondée par Anton LaVey, alors très en cours à Hollywood.
À en croire Libération du 17 octobre 2018 : « Le matin de la mort de Jayne Mansfield, Anton Lavey est seul, et découpe dans un journal allemand des photos de lui en train de fleurir la tombe de Marilyn Monroe. Et tandis qu’il découpe, quelque chose en lui, dans son être, se passe, lors d’un coup de ciseaux précis. Quand il a fini, il tourne la page et se rend compte que sur l’autre face, il y a une photo de Jayne Mansfield et que ses ciseaux lui ont coupé le cou. Puis, juste après, on l’appelle au téléphone, car bien sûr, il est la première personne qu’on appelle. On lui annonce donc sa mort, et il se rend compte qu’il en est la cause. » Troublant.
Jayne Mansfield – ©DC
Puis, il y a Dorothy Stratten, élue playmate 1980, assassinée par Paul Snider, son mari et manager, au moment où sa carrière d’actrice commençait à décoller. Ce fait divers ignoble donne d’ailleurs lieu à un film, Star 80 (1983), de Bob Fosse, avec Mariel Hemingway – petite-fille de l’écrivain Ernest Hemingway – dans le rôle-titre. Et là, plus troublant encore, sa sœur Margaux ayant eu droit au dépliant central de Playboy, meurt à son tour d’une overdose dans des circonstances nébuleuses, le 1er juillet 1996, un jour avant la date anniversaire du suicide de son célèbre grand-père, le 2 juillet 1961.
Margaux Hemingway – ©DC
Durant ces décennies « dorées », Hugh Hefner reçoit régulièrement à la Playboy Mansion, son manoir personnel où affluent les célébrités de l’époque, attirées par les effluves de bacchanales. Les filles, les “bunnies” (lapines), sont – à peine – vêtues d’un costume ridicule. Les drogues et les alcools forts y circulent à tout va. C’est l’hédonisme californien dans toute sa splendeur. Mais, derrière le miroir aux alouettes se niche la terrible réalité : celle du manoir de l’épouvante.
Les apprenties actrices s’agglutinent auprès de producteurs, tous plus véreux les uns que les autres, qui abusent d’elles. Fatalement, ce cirque morbide finit par mal tourner. La preuve par Star Stowe, connue en tant que playmate de Playboy : Miss février 1977. Elle est assassinée en 1997 et à ce jour, son meurtrier n’est toujours pas identifié.
Le destin d’Anna Nicole Smith n’a guère été plus glorieux : carrière d’actrice tôt avortée, mariage avec un barbon de 89 ans en fauteuil roulant et mort d’une probable overdose le 9 février 2007. Quant à Angela Dorian, Victoria Vetri de son vrai nom, playmate en 1967 et en 1968, la suite de sa vie n’est guère plus reluisante. Après avoir tenu un petit rôle dans le Rosemary’s Baby (1968), de Roman Polanski, dont le conseiller en satanisme n’aurait été autre que le même Anton LaVey, elle a purgé une longue peine de prison pour tentative de meurtre sur son mari.
Anna Nicole Smith – ©AGENCE / BESTIMAGE
Puis, Stephanie Adams, autre star du magazine décidément plus que mortifère, se jette du 25e étage d’un hôtel new-yorkais, tenant, serré dans ses bras, son fils Vincent âgé de 7 ans, un funeste 18 mai 2018…
Prédateur
Aujourd’hui, avec la sortie de cette minisérie, le voile se lève enfin sur l’un des piliers de la culture américaine du siècle dernier, époque durant laquelle tout paraissait possible et permis. Mais celle-ci s’est évanouie.
Pour la justice des États-Unis, Roman Polanski demeure à jamais prisonnier de son statut de satyre ayant échappé à ses griffes. Et des lascars tels que Jack Nicholson et autre Robert De Niro s’efforcent aujourd’hui de voiler d’un pudique rideau leurs frasques de jadis. À sa manière, en bon libertarien qu’il était, Hugh Hefner entendait probablement « libérer » les femmes, en même temps que les drogues, douces ou dures.
Mais les féministes du mouvement #MeToo sont passées par là, tel qu’en témoigne ce documentaire en six épisodes, Secrets of Playboy, sorti après la mort de Hugh Hefner, le 27 septembre 2017. Là, deux anciennes playmates, dont Miki Garcia et Sondra Theodore – qui, cinq années durant, fut la maîtresse attitrée de ce nabab de la presse – dénoncèrent un « prédateur et un maniaque sexuel amateur d’orgies, un manipulateur capable de droguer les filles pour arriver à ses fins ». Certes, mais il peut parfois paraître incongru de pleurer sur le lait qu’on a largement contribué à renverser.
Car, de ce système, tout ce joli petit monde a peu ou prou profité des décennies durant. Aujourd’hui, la Playboy Mansion n’est plus qu’un lointain souvenir, même si les fantômes du passé doivent encore y errer, entre piscines vides et chambres abandonnées. Ainsi les âmes égarées de toutes celles qui s’y sont perdues, espérant trouver là le sens à une vie pour n’accéder qu’à une vaine et fugace notoriété. Tant d’espoirs déçus pour en arriver au désespoir, c’est très cher payé le prix de cette éphémère gloriole.
Playboy existe toujours dans sa version française. Marlène Schiappa, secrétaire d’État de l’Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, vient même d’y figurer en “une”. Autant dire que le compte n’y est pas et que stupre et aura macabre ne sont plus tout à fait au rendez-vous.
Nicolas GAUTHIER
A voir…
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