Il y a 10 ans de cela, l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh causait la mort de 1138 personnes. Dans cet immeuble haut de huit étages étaient nichés des ateliers de confection au sein desquels les travailleu.r.euse.s textiles fabriquaient des vêtements pour de grandes marques de mode occidentales dont H&M et Mango.
Au lendemain de ce drame, le monde entier prenait conscience des conditions de travail imposées à celles que l’on peut appeler les « petites mains invisibles » de la mode. Une prise de conscience tardive qui a amené certains d’entre nous à essayer de faire correspondre nos achats mode à nos valeurs.
Une décennie plus tard, on remarque pourtant que nombreuses sont les marques à prospérer alors qu’elles sont pointées du doigt pour le traitement de leurs travailleurs autant que leur impact sur l’environnement.
C’est le cas de Shein, marque aujourd’hui épinglée par la Commission d’examen de l’économie et de la sécurité des États-Unis et de la Chine (USCC) pour son manque d’éthique et ses procédés dangereux.
Shein accusé de participer à l’esclavage moderne
C’est en 2000, aux États-Unis, qu’a été créé l’USCC un organisme chargé d’analyser et établir des recommandations pour la sécurité nationale des relations commerciales et économiques bilatérales entre les États-Unis et la République Populaire de Chine.
Chaque fin d’année l’organisation rend un rapport global et, ce vendredi 14 avril, elle a publié une note d’information dans laquelle elle accuse des plateformes de e-commerce chinoises d’être responsables d’exploitation, de risques liés aux données et de violations des droits de propriété intellectuelle.
Parmi les sociétés mentionnées : le leader mondial de l’ultra fast-fashion Shein est pointé du doigt tout au long du document.
En cause premièrement, sa participation à « l’esclavage moderne » qui de nos jours peut englober autant un travail indigne et/ou forcé.
Des suites de son enquête l’USCC rapporte que Shein aurait « omis de déclarer qu’elle s’était approvisionnée en coton du Xinjiang pour ses produits ». Problème ? Cette région chinoise est suspectée de vivre du travail forcé des Ouïgours.
La Commission d’examen de l’économie et de la sécurité des États-Unis et de la Chine affirme ainsi qu’en s’approvisionnant au Xinjiang, l’e-shop chinois viole la loi sur la prévention du travail forcé des Ouighours promulguée par Joe Biden en 2021qui interdit l’importation de toute marchandise fabriquée dans cette région.
Pour rappel, depuis 2014, nombreuses sont les ONG et témoins à alerter sur le fait que des Ouïghours de Chine seraient torturés, tués ou forcés à travailler dans des camps de concentration. En septembre 2022, l’ONU a reconnu que ces actes commis en République de Chine « peuvent constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité ».
L’USCC alerte également sur les problématiques liées à l’environnement et à la santé des consommateurs de la boutique en ligne.
Elle mentionne notamment une enquête de la CBC Marketplace parue il y a deux ans qui informait de la présence de produits chimiques dans les vêtements Shein (dont des phtalates) et un rapport de Bloomberg signalant que les produits Shein usite de « 95,2% de nouveau plastique à la place de matériaux recyclés ».
Si la firme chinoise n’a pas encore réagit à la publication de ce rapport publié le 14 avril 2023, elle a annoncé trois jours plus tard ses ambitions durables et s’engageait à réduire son empreinte carbone globale de 25% d’ici 2030.
Des annonces qui prouvent une fois de plus à quel point le greenwashing a court dans l’industrie de la mode, bien souvent au mépris des droits humains, et sans jamais remettre en question l’hyper-production vestimentaire dont elle est responsable et qui nuit à l’environnement.
Des données mal protégées qui nuisent aux consommateurs
Le magasin en ligne créé en 2008 est aussi pointé du doigt par l’USCC concernant sa gestion de datas ou données. L’organise avance que sur son application, Shein « demande aux utilisateurs de partager leurs données et leurs activités d’autres applications, y compris les médias sociaux, en échange de remises et d’offres spéciales sur [ses] produits. »
Un problème lorsqu’on sait qu’il y a un an, le groupe Zoetop qui possède Shein a été condamné à payer une amende record d’un montant de 1,9 million de dollars pour avoir volé des données sensibles à de ses consommateurs, notamment des données bancaires.
Le groupe qui avait été victime d’une cyber-attaque n’avait même pas pris la peine d’en informer ses utilisateurs.
Outre un évident manque de transparence, l’e-commerce chinois peine à protéger les données de ses client.e.s comme l’indique le rapport de l’USCC.
Pour résumer, la marque chinoise a bâti son empire grâce à un combo gagnant : la collecte de données additionnée à l’intelligence artificielle. Elle se renseigne ainsi sur les goûts de ses aficionados, les tendances qu’ils suivent, et se faufile dans leur algorithme.
Le but ? Répondre rapidement à leurs envies. Ce qui donne à Shein un temps d’avance sur ses concurrents de l’industrie, d’autant que le chinois produit à toute vitesse.
Shein : une firme controversée, en plein conflit avec les États-Unis
L’USCC se montre inquiète face au mode de fonctionnement de Shein. Car grâce à ses pratiques frauduleuses mais efficaces pour son économie, l’enseigne contribuerait à « encourager à la fois des e-shops chinois bien installés et des start-ups montantes à copier son modèle, causant des risques et des défis aux régulations, aux lois et aux principes de marché des États-Unis. »
Dans l’épilogue de son rapport, la Commission d’examen de l’économie et de la sécurité des États-Unis et de la Chine avertit le Congrès de la difficulté pour l’État américain d’intercepter les produits violant la loi établit en 2021 qui entrent sur son sol.
À noter tout de même que le rapport de la Commission est publié alors que la relation entre la Chine et les États-Unis n’est pas au bon fixe.
Alors que le pays gouverné par Joe Biden a longtemps menacé de bannir l’application chinoise Tik Tok, le 14 avril 2023, l’État du Montana a officiellement adopté une loi pour interdire Tik Tok. Apple et Google ont ainsi ordre de ne plus distribuer le réseau social que les États-Unis soupçonne d’espionnage.
Reste à savoir les États-Unis seraient prêts à limiter ou à bannir Shein de leur territoire.
De l’autre côté de l’Atlantique, en France, l’Assemblée nationale a adopté l’an dernier un texte qui reconnaît et « condamne » les « violences perpétrées par les autorités de la République populaire de Chine à l’encontre des Ouïghours ».
Pour autant, des boutiques Shein éphémères fleurissent dans tout le pays alors même que sont commémorés les 10 ans du Rana Plaza.
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