Pénurie de pilule abortive en France : "Les femmes vont devoir se déplacer encore et encore pour avorter"

Devenue quasiment interdite aux États-Unis – où les conservateurs cherchent à la rendre illégale -, la pilule abortive fait actuellement face à des tensions d’approvisionnement en France.

L’un des médicaments les plus prescrits dans le cadre des IVG médicamenteuses – le misoprostol – serait actuellement « difficile, voire impossible à trouver », alerte l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTDMeds), dans un communiqué du 18 avril 2023. 

Auprès de Marie Claire, la présidente du Planning Familial, Sarah Durocher, ne cache pas son inquiétude sur les conséquences d’une telle pénurie. 

Marie Claire : Au Planning Familial, vous avez été alerté de cette pénurie de pilule abortive par l’OTDMeds. Toute la France est-elle concernée ?

Sarah Durocher : « Nous avons aussi été interpellé.e.s grâce au numéro vert « IVG contraception sexualité ». Des militantes du Planning Familial ont fait remonter des cas de femmes qui assurent qu’on leur a refusé un acte (d’avortement, ndlr) parce que l’approvisionnement manquait.

Pour le moment, on sait que le Nord de la France et le sud de Paris sont touchés. On ne peut pas parler de pénurie nationale, mais à partir du moment où une situation est rapportée, c’est qu’il peut y en avoir d’autres. On invite actuellement nos écoutantes à faire remonter ces informations, car on imagine que d’autres régions peuvent être touchées par cette pénurie. » 

On sait que les tensions d’approvisionnement des médicaments représentent un problème global depuis la fin de l’année 2022. En quoi les enjeux sont-ils différents concernant le misoprostol ?

« Effectivement, des ruptures de médicaments, il y en a pleins. Mais pour nous, la pénurie de pilules abortives s’inscrit dans un continuum en faveur des anti-choix et de stratégies allant à l’encontre de l’accès à l’avortement. Au vu de ce qui se passe aux États-Unis, on ne peut pas faire comme si nous n’étions pas dans un contexte international.

C’est pourquoi, avec l’OTDmeds, nous avons interpellé les deux ministres de la Santé afin de savoir quelle sera la parole politique à quelques mois, on l’espère, de la Constitutionnalisation de l’avortement. On peut penser à la nationalisation du médicament ou réfléchir à la façon dont cette molécule pourrait être à nouveau fabriquée en France. »

Si cette pénurie venait à durer, quelles seraient les conséquences pour les femmes ?

« Cela va encore entraver l’accès facile à l’avortement. D’abord, parce que les femmes vont devoir se déplacer encore et encore pour avorter. On voit déjà des femmes contraintes de sauter de département en département pour y parvenir. Aussi, parce qu’elles vont essayer de trouver des médicaments sur Internet.

Cela pourrait être très dangereux car, encore une fois : une femme qui voudra avorter, avortera. La seule alternative reste l’aspiration, mais on sait que l’IVG médicamenteuse fait partie de plus de 70 % des avortements aujourd’hui. Ces alertes sont donc à prendre sérieusement en compte. »

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