Fin de vie : romans, films, BD, quinze œuvres pour appréhender une question complexe et délicate

Après avoir planché pendant quatre mois sur la question de savoir si « le cadre actuel de l’accompagnement de la fin de vie est adapté aux différentes situations individuelles », les citoyens tirés au sort de la Convention citoyenne sur la fin de vie remettront leur avis le 2 avril.

Ce rapport devrait servir de base de réflexion à la rédaction d’un projet de loi, dont le calendrier n’est pas encore arrêté. A l’occasion d’un dîner consacré à cette question le 9 mars dernier à l’Elysée, le chef de l’Etat a affirmé « qu’il se donnerait du temps » pour se prononcer sur l’opportunité d’ouvrir le chantier d’une dépénalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté, rapporte Le Monde.   

>> Fin de vie : ce qu’il faut savoir sur la Convention citoyenne

Euthanasie, aide au suicide, soins palliatifs, « aide active à mourir »… La prise en charge de la fin de vie pose de multiples questions complexes, d’ordre éthique, médical, sociétal, philosophique, mais cette ultime période de la vie est avant tout un moment clé de l’existence, qui touche à la quintessence même de notre humanité, car comme le souligne le philosophe Jean-Michel Besnier dans un entretien à franceinfo, « chacun vit comme il peut. Mais au moment de la mort, il y a la possibilité de donner un sens à ces épisodes qui n’en avaient pas lorsqu’on les vivait ». 

Les œuvres d’art et de fiction peuvent-elles aider à réfléchir à cette question qui interroge autant l’individu que la société toute entière ? Les associations militantes sur leurs sites, comme le gouvernement dans son corpus documentaire élaboré pour « nourrir la réflexion des citoyens de la Convention Citoyenne sur la fin de vie » en sont convaincus, puisqu’ils proposent des bibliographies ou autres listes d’œuvres consacrées à ce sujet.

Romans, livres témoignages, films, bandes dessinées… Franceinfo vous propose une sélection de quinze œuvres qui par leur singularité peuvent éclairer cette délicate et complexe question.

LIVRES

 « Le goûter du lion », de Ito Ogawa 

(traduit du japonais par Deborah Pierret Watanabe)

Shizuku, la trentaine, est atteinte d’un cancer à un stade avancé. Malgré son combat acharné contre la maladie, les médecins lui annoncent qu’elle est condamnée. La jeune femme, sans famille, décide d’aller passer les derniers moments qui lui restent à vivre dans la « maison du lion », sur une petite île de la mer de Seto surnommée « l’île aux citrons ». Ce roman lumineux aborde la question de la fin de vie à travers un modèle « idéal » de centre de soins palliatifs, dans lequel tout est fait pour le confort, voire le bonheur des résidents, qui y trouvent le réconfort nécessaire pour vivre pleinement les derniers jours, semaines ou mois qui leur restent avant de quitter ce monde, en ayant fait la paix avec leur passé et leurs proches. (Picquier, 272 pages, 19 €)  

 « Une mort très douce », de Simone de Beauvoir 

Ici pas de soins palliatifs. On est en 1964, Simone de Beauvoir raconte les derniers moments de sa mère, atteinte d’un cancer. Dans ce court livre d’une grande puissance, toutes les questions qui se posent encore aujourd’hui sont abordées : souffrance physique, acharnement thérapeutique, rapport au corps, euthanasie, culpabilité des proches, question de la vérité à dire, ou ne pas dire, accompagnement… Simone de Beauvoir observe l’irrémédiable se produire, consigne sans tabou le déroulement des événements, dissèque toute la palette des émotions et des sentiments qui l’assaillent, d’une écriture sans gras. La lecture de ce livre écrit au début des années 60 marque aussi le chemin parcouru, notamment dans la prise en charge de la douleur, les soins palliatifs, l’attention au malade… (Folio, 151 p., 6,10€)

 « À prendre ou à laisser », de Lionel Shriver

traduit de l’anglais (États-Unis) par Catherine Gibert

Un couple de quinquagénaires britanniques Kay et Cyril, décident de se suicider ensemble le jour de leurs 80 ans. Ils ne veulent pas, comme le père de Kay, subir la déchéance de la vieillesse ou devenir un poids pour leurs enfants. Mettront-ils leur plan à exécution ? C’est ce qu’imagine la romancière Lionel Shriver dans les douze scénarios qui composent ce roman à la fois drôle et pertinent sur la question de la fin de vie, et toutes celles, très nombreuses, qui s’y rattachent. (Belfond, 285 p. 22 €)

« Mike », d’Emmanuel Guibert

Emmanuel Guibert, peintre et auteur de bandes dessinées, et Mike (Michael James Plautz), architecte et dessinateur américain, sont amis de longue date, liés par leur passion commune du dessin d’observation. Ils ont des projets ensemble, mais le temps passe et un jour, Mike annonce à son ami français qu’il est atteint d’un cancer du foie. Quand la maladie prend le dessus, Emmanuel Guibert propose alors à Mike de venir le voir. « Ma table est assez grande pour qu’on dessine à deux », lui répond Mike. Ce très beau livre montre à quel point la fin de vie est une question singulière, unique, propre à chacun. Ici ce dernier temps de la vie se partage autour du dessin, dans l’amitié. (Sygne / Gallimard, 272 pages, 20 €)

« Les gratitudes », de Delphine de Vigan

« Aujourd’hui, une vieille dame que j’aimais est morte ». Cette phase ouvre le récit des derniers mois de la vie d’une vieille dame, Michka, Michèle Seld, sauvée de la déportation quand elle était enfant par Nicole et Henri, qui l’ont accueillie et cachée pendant la guerre, et qu’elle n’a jamais pu remercier. Delphine De Vigan met en scène de façon très touchante cette question de la fin de vie à travers l’histoire d’une vieille dame qui perd l’usage des mots dans un moment où elle en a le plus besoin. (JC lattes, 173 p., 17 €)

 « La ligne de nage », de Julie Otsuka

traduit de l’anglais (États-Unis) par Carine Chichereau

Alice, une vieille dame, vient nager chaque jour dans une piscine dont le fond laisse peu à peu apparaître des fissures. On comprend que la piscine n’est pas seule à se fissurer. Le cerveau d’Alice montre aussi des signes d’usure. La fille d’Alice, qui s’est éloignée très jeune de sa mère, revient auprès d’elle et essaie de trouver des solutions. Que vont-elles faire de ce moment éphémère, de cette dernière longueur autorisée ? C’est ce que raconte ce roman singulier. (Gallimard, 176 pages, 19 €)

FILMS

 « Amour » de Michael Haneke (2012)

Georges et Anne sont octogénaires. Cultivés, professeurs de musique à la retraite, ils ont une fille, également musicienne, qui vit à l’étranger avec sa famille. Un jour, Anne est victime d’une attaque cérébrale. Lorsqu’elle sort de l’hôpital, elle est paralysée d’un côté. L’amour qui unit ce vieux couple va être mis à rude épreuve. Le sujet est ici magistralement traité dans le huis clos d’un appartement, et d’un amour inconditionnel. Amour a obtenu la Palme d’or à Cannes en 2012, et l’Oscar du meilleur film étranger en 2013.

« De son vivant », d’Emmanuelle Bercot (2021)

Benjamin (Benoît Magimel), professeur d’art dramatique, la quarantaine, est atteint d’un cancer du pancréas, stade 4. Sa mère, Crystal (Catherine Deneuve), l’accompagne en consultation dans le cabinet du docteur Eddé (joué par Gabriel Sara, oncologue dans la vraie vie), un cancérologue convaincu de la nécessité de dire à ses patients la vérité. Benjamin va donc devoir apprivoiser l’idée de sa propre fin, résoudre certaines questions, trouver les mots à dire, les gestes à accomplir avant de partir, bref, « ranger son bureau », comme le lui suggère avec une douceur infinie le docteur Eddé. Récit du parcours d’un homme à l’approche de la mort, De son vivant  est aussi la chronique d’un service hospitalier qui se frotte au quotidien aux problématiques de la fin de vie. Le film s’articule autour de la personnalité du docteur Eddé, un médecin sensible, humaniste, courageux, dont la bonté et le courage contaminent tout le service.

« Plan 75 », de Chie Hayakawa (2022)

Au Japon, dans un futur proche, le gouvernement estime qu’à partir d’un certain âge, les seniors deviennent une charge inutile pour la société et met en place le programme « Plan 75 », qui propose un accompagnement logistique et financier pour mettre fin à leurs jours. Une candidate au plan 75, Michi, un recruteur du gouvernement, Hiromu, et une jeune aide-soignante philippine, Maria, se retrouvent confrontés à un pacte mortifère. Ce film d’anticipation de la Japonaise Chie Hayakawa interprète radicalement la tradition japonaise « Ubasute », le suicide des personnes âgées se sentant inutiles à la société, déjà abordée en 1983 par Shohei Imamura dans La ballade de Narayama.

« Tout s’est bien passé », de François Ozon (2021)

A 85 ans, le père d’Emmanuèle est hospitalisé après un accident vasculaire cérébral. Quand il se réveille, diminué et dépendant, cet homme curieux de tout, aimant passionnément la vie, demande à sa fille de l’aider à mourir. Ce film de François Ozon est une adaptation du récit autobiographique éponyme d’Emmanuèle Bernheim, (Gallimard, 2013), Grand prix des lectrices de Elle 2014. « Pour moi, c’est un film qui laisse le spectateur libre de penser et de s’interroger sur son propre rapport à la mort. Moi je ne sais pas ce que je ferais dans la situation d’Emmanuèle, je ne sais pas si je serais capable de faire ça, je ne sais pas si j’aurais envie », confiait François Ozon à franceinfo lors de sa présentation à Cannes en 2021.

 

 « Black bird », de Roger Michell (2020)

Lily et son mari Paul décident de réunir enfants et petits-enfants pour un week-end dans leur maison de campagne. Trois générations d’une même famille se retrouvent, avec Jennifer, l’aînée, son mari Michael et leur fils de 15 ans, Jonathan, mais aussi Anna, la cadette, venue avec Chris, sa compagne. En fait, cette réunion de famille a un but bien particulier : atteinte d’une maladie dégénérative incurable, Lily refuse de subir une fin de vie avilissante et décide de prendre son destin en main. Mais tout le monde n’accepte pas cette décision. Non-dits et secrets remontent à la surface, mettant à l’épreuve et redessinant tous les liens qui unissent les membres de cette famille, alors que le temps des adieux approche… Un film subtil sur la question de l’euthanasie. 

BD

« Est-ce qu’on pourrait parler d’autre chose ? », de Roz Chast

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Alice Marchand

La dessinatrice américaine Roz Chast, connue pour ses dessins dans le New Yorker, raconte en BD la fin de vie de ses parents, un couple de juifs new-yorkais au caractère bien trempé. Ecrit comme un journal de bord, le roman graphique de Roz Chast raconte méticuleusement le déroulement des faits, à partir du moment où l’état de ses parents nécessite qu’elle s’en préoccupe, jusqu’à leur mort. La dessinatrice n’élude aucun chapitre, elle aborde toutes les questions sans tabous. La dessinatrice réussit à travers ses dessins et ses textes, à la fois tendres et grinçants, à transmettre toute la palette des sentiments et des émotions que cette période délicate réserve. (Gallimard – 240 pages – 25 euros)

« Quelques jours à vivre », de Xavier Bétaucourt et Olivier Perret

A travers le récit du quotidien dans un service de soins palliatifs, ce roman graphique propose une approche très complète de la fin de vie, avec toutes sortes de questions, évoquées sans tabous. On trouve quelques rappels historiques sur la médecine, sur l’histoire de la prise en charge de la fin de vie, des incursions dans d’autres civilisations pour découvrir des manières différentes d’appréhender la fin de vie et la mort. Une matière glissée habilement dans le fil du récit, rendant ce roman graphique aussi instructif qu’émouvant. (Encrages-Delcourt, 2021, 128 p., 15,95€)

« En toute conscience » d’Olivier Peyon et Livio Bernardo

L’association En toute conscience milite pour le droit à l’euthanasie, et aide dans l’illégalité les personnes qui souhaitent abréger leurs souffrances et mettre fin à leurs jours. Quand Vincent, 25 ans, leur annonce qu’il veut mourir après que sa petite amie l’a quittée, les militants, désarçonnés, vont tout faire pour lui ôter cette idée de la tête. A travers l’histoire de ce garçon, entremêlée à celle du quotidien des militants de cette association, ce roman graphique émouvant aborde toutes les problématiques liées à la question hautement inflammable de l’euthanasie.  (Delcourt, 224 p., 25,50 €)

« A la vie », de L’homme étoilé

L’Homme étoilé est infirmier dans un service de soins palliatifs. Ce grand bonhomme aux bras tatoués, amateur de rock, ne manque pas d’idées et de cœur pour accompagner les patients dans les derniers jours de leur vie. La voix de Freddy Mercury plein tube dans la chambre de Roger, des cours de suédois dans celle de Mathilde, et il se plie en quatre pour concocter à Edmond une dame blanche à la vodka, quand il n’accepte pas tout bonnement de devenir le petit-fils adoptif de Nanie… D’une ligne claire L’homme étoilé saisit avec une humanité bouleversante toutes les émotions qui pullulent dans un centre de soins palliatifs. Je serai là, deuxième tome de cette série, est paru en 2021. (Calmann Levy Graphic, 192 p., 16,50 €) 

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