Comment bien préparer sa retraite quand on est une femme ?

  • La retraite, révélatrice des inégalités femme-homme
  • Déterminez votre "profil retraite"
  • Pensez retraite dès le début de votre vie professionnelle
  • Unions et désunions : quels impacts sur ma pension ?
  • Connaissez vos droits à l’arrivée d’un enfant
  • Epargnez, même peu, le plus tôt possible
  • Tenez vous régulièrement au courant à l’aide des bons outils

Présentées en Conseil des ministres le 23 janvier 2023, les conclusions de l’étude d’impact de la réforme des retraites ont confirmé que les femmes seront pénalisées, une fois la loi modifiée. “Elles travailleront sept mois supplémentaires en moyenne contre cinq mois pour les hommes”, reprend France Info

Pourtant, dès les premiers pourparlers, l’exécutif s’est accordé à vanter une réforme “pour les femmes”. “Elles seront les grandes gagnantes du système universel”, annonçait, dès 2019, l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, lors d’une allocution devant le Conseil Social Économique (CSE).

Mais voilà que quatre ans plus tard, les discours se nuancent. « Les femmes, pour atteindre leur durée de cotisation, utilisent notamment des trimestres validés par enfant […] Évidemment si vous reportez l’âge légal (à 64 ans), elles sont un peu pénalisées. On ne disconvient absolument pas », reconnaissait Franck Riester, ministre des Relations avec le Parlement, lundi 23 janvier 2023 au micro de Public Sénat.

Si un flou reste cultivé par le gouvernement – Elisabeth Borne, actuelle Première ministre, martelait : « Je ne peux pas laisser dire que notre projet ne protégerait pas les femmes », lors d’une séance de questions au gouvernement, au Sénat, en janvier dernier, relayée par Europe 1 – il convient donc de mettre toutes les armes de son côté pour préparer sa retraite. Mais par où commencer ?

La retraite, révélatrice des inégalités femme-homme

Avant même de la préparer, il faut avoir conscience que la retraite met en lumière les inégalités femme-homme dans leur globalité et que les femmes continuent de souffrir de ces dernières, même une fois leur tablier rendu.

Emploi à temps partiel, congé parental, différences salariales… « En très grande partie, ce sont les femmes qui ont des petites pensions : 50% des femmes gagnent moins de 1000 euros par mois à la retraite », confirme Valérie Batigne, fondatrice et présidente de Sapiendo.

D’après la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), en 2020, les femmes ont touché une retraite moyenne de 1 154 euros brut, contre 1 931 euros pour les hommes. Soit une différence de 40%. « Selon nos différentes projections, cet écart ne sera toujours pas comblé en 2065 », alertait Carole Bonnet (INED), auprès de Le Monde

Cependant, la présidente de Sapiendo souligne que la retraite reste avant tout liée à la carrière, et il convient de s’intéresser, d’abord, à sa situation personnelle. « Certaines femmes seront gagnantes après la réforme et d’autres n’auront pas forcément une meilleure retraite et vont devoir travailler plus longtemps. Il vaut donc mieux parler de ‘profils’ », nuance-t-elle. 

Déterminez votre « profil retraite »

Et connaître son profil est primordial, pour ajuster au mieux les prévisions de pension dont nous pourrions bénéficier en fin de carrière.

« Les profils plutôt gagnants, ce sont les petites retraites car plusieurs efforts sont prévus dans la réforme pour ces dernières », souligne la spécialiste. En effet, depuis janvier 2023 et la présentation du projet de loi, le gouvernement assure la mise en place d’un minimum retraite à hauteur de 1200 euros bruts par mois, soit 85% du SMIC. 

Pourtant, d’après le rapport d’impact, « la réforme conduira à augmenter de 100 euros le montant du MICO (minimum contributif) majoré, via une hausse de sa majoration de 75 euros et une augmentation du MICO de base de 25 euros, de sorte à garantir une pension brute équivalente à 85% du SMIC net aux assurés partant à la retraite à compter du 1er septembre 2023, et justifiant d’une carrière complète cotisée à temps plein au Smic ».

“Sont donc exclus de la promesse des ‘1200 euros brut par mois’, les retraités qui ont eu une carrière hachée (qui n’ont pas les 120 trimestres de cotisation) ainsi que ceux qui ont travaillé longtemps au Smic mais à temps partiel. Ce qui représente une large majorité de retraités concernés par ce minimum contributif”, traduit BFM TV. Donc, beaucoup de profils féminins. En 2016, seules 59 % des femmes de 65 à 69 ans ont validé une carrière complète, rappelle l’INSEE. 

Mais d’après Valérie Batigne, un autre aspect de la réforme peut être favorable aux femmes. “Il est prévu que quatre trimestres au titre de l’AVPF (l’allocation vieillesse des parents au foyer, aide qui peut être assimilable au congé parental) soient pris en compte pour l’éligibilité au départ anticipé pour carrière longue. Ça ne va pas bouleverser les choses, mais c’est un effort”, ajoute-t-elle.

Les « perdantes », après la mise en application de la réforme seront celles qui ne bénéficieront ni de revalorisation de leur pension, ni d’une réduction de leur temps de travail.

“Il faut savoir qu’aujourd’hui déjà, les femmes partent un peu plus tard que les hommes à la retraite, en moyenne. Cependant, des projections prévoyaient un inversement de cette tendance. En effet, les femmes d’aujourd’hui n’interrompent pas ou beaucoup moins leur carrière professionnelle pour élever les enfants. Ce faisant, elles auraient, plus que les hommes, tous leurs trimestres à 62 ans, car elles bénéficient des trimestres enfant (dans le secteur privé, pour chaque enfant, on peut gagner huit trimestres). C’est pourquoi les femmes vont être touchées plus que les hommes, qui auraient dû, en moyenne, travailler après 62 ans pour avoir tous leurs trimestres. En quelque sorte, les femmes sont victimes de leurs progrès”.

Pensez retraite dès le début de votre vie professionnelle 

Pour prévoir ses vieux jours en fonction de ce profil, il faut s’intéresser à sa retraite dès ses premiers pas dans la vie active. 

« 43 ans de cotisation pour avoir le taux plein, c’est beaucoup. Il faut donc penser à engranger un maximum de trimestres, y compris pendant les études. Périodes d’alternances et jobs d’été sont l’occasion de commencer à valider des trimestres pour sa future retraite », illustre Valérie Batigne. 

À noter que, contrairement à l’alternance, les stages ne vous feront pas valider de trimestre. Pour les contrats en mi-temps à l’année (sur la base du SMIC), vous validez également vos quatre trimestres annuels.

Et une fois votre premier contrat signé, ayez conscience que quand vous percevez un salaire, vous cotisez. « Les cotisations retraite représentent 35% du salaire net, avant impôts. C’est bien d’utiliser un simulateur pour connaître ses droits à la retraite acquis chaque mois, grâce à ces cotisations. Il faut adopter ce réflexe : la retraite, c’est de l’argent et ça se gère, comme un investissement« , poursuit la spécialiste.

Unions et désunions : quels impacts sur ma pension ? 

Au-delà de ces conseils et profils « généraux », il faut personnaliser vos estimations en fonction de votre vie personnelle. Car elle compte aussi dans votre équation retraite.

Tout d’abord, les unions. « Quand on se marie, il n’y a pas de changement en tant que tel au niveau de la retraite, mais ça peut avoir des impacts au niveau de la réversion, dans l’éventualité du décès de votre conjoint », informe la dirigeante de Sapiendo. 

D’après les chiffres de la DREES susmentionnés, la différence entre les retraites femme/homme retombe à 28%, une fois ces pensions prises en compte (1 401 euros contre 1 955 euros). Mais seulement, pour bénéficier de cette pension de réversion, il faut être mariée. Les personnes pacsées ou vivant en concubinage n’ont pas le droit d’en bénéficier.

Et en cas de divorce, les règles relatives à la réversion diffèrent selon les régimes. « Pour le régime de base (celui de la Sécurité sociale), si vous divorcez et que vous vous remariez, vous avez le droit à une portion de la pension de réversion du premier mari, mais au prorata de la durée du mariage. Au régime complémentaire de l’agirc arrco, dès lors que vous vous remariez, vous perdez le droit à la pension de réversion de votre ex-mari », éclaire l’experte.

Connaissez vos droits à l’arrivée d’un enfant 

Si vous avez (ou prévoyez d’avoir) des enfants, ajustez également vos prévisions en fonction de ces heureuses arrivées.

« Les huit trimestres enfants se découpent en quatre pour la maternité (grossesse) et quatre pour l’éducation des enfants (pendant les 4 premières années de la vie de l’enfant). Pour tous les enfants nés à partir de 2010, les quatre trimestres d’éducation peuvent être partagés entre le père et la mère. La demande doit être faite entre les 4 ans et les 4 ½ de l’enfant. La parité joue dans le partage, mais au profit des hommes », souligne Valérie Batigne.

Par ailleurs, à partir de trois enfants, le père et la mère peuvent avoir des majorations sur leur retraite, différentes en fonction des régimes. Pensez à vous renseigner à ce sujet, recommande la spécialiste. 

Epargnez, même peu, le plus tôt possible

Au-delà des droits à connaître, il convient aussi de se préparer un coussin de sécurité, dès que vous en avez la possibilité. « Si on pense que le montant futur de la pension sera insuffisant, on peut commencer à épargner, dans la mesure de ses moyens », approuve Valérie Batigne.

Le principal selon l’experte ? Se faire une épargne à soi. « Un conseil pour les femmes : qu’elles ouvrent leur propre contrat d’épargne, et qu’elles le souscrivent le plus tôt possible« , appuie-t-elle. 

Tenez vous régulièrement au courant à l’aide des bons outils

Enfin, le dernier commandement est sûrement l’un des plus importants : tenez-vous au courant et munissez-vous d’outils utiles et pratiques. « ‘Savoir c’est déjà agir’, telle est notre devise chez Sapiendo. Quand on connaît les règles du jeu, c’est plus facile », souligne la spécialiste.

Pour ce faire, n’hésitez pas à vous tourner vers des podcasts ou des livres dédiés, pour obtenir de vraies réponses à vos questions, qui se perdent souvent dans les centaines d’interrogations entourant la réforme des retraites.

“La réforme est non genrée. Elle n’est pas spécialement en faveur des femmes. Notre système est tellement compliqué que dès lors que l’on bouge un curseur, on crée beaucoup d’effets collatéraux. D’ailleurs, beaucoup d’exceptions ont été négociées pour corriger ces effets : pour les personnes qui ont des problèmes de santé, pour ceux et celles qui ont commencé tôt à travailler. Le cas des femmes n’a pas encore été spécifiquement traité, mais cela peut changer dans le futur”, complète l’experte. 

Pour avoir une idée concrète de sa future pension et « prévoir », Valérie Batigne recommande fortement d’utiliser des simulateurs. Enfin, vous pouvez également vous renseigner auprès de votre Carsat (caisse d’assurance retraite et de la santé au travail) ou encore profiter d’évènements conseils gratuits, comme celui mené par Sapiendo pour la semaine du 8 mars, ouvrant, quelques jours durant, une hotline via laquelle les femmes peuvent poser toutes leurs questions retraite à des expert.es.  

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