- France 5 diffuse ce dimanche 5 mars le documentaire L’amour vache, réalisé par Édouard Bergeon, dans l’émission Le Monde en Face à 20h55.
- Après Au nom de la terre, le réalisateur de 40 ans s’est immergé durant plusieurs années dans le Béarn auprès de Bernard et Sylvie, contraints d’abattre toutes leurs vaches en raison d’un cas de tuberculose.
- « Chaque événement fragilise toujours plus les agriculteurs, indique le réalisateur à 20 Minutes. Alors rien que parler d’eux, montrer ce qu’ils font et qu’ils font de bien, c’est important ! »
Ses 103 vaches ? A l’abattoir. Après la découverte d’un cas de tuberculose dans son cheptel, Bernard Dahetze est contraint de s’en séparer. Pas une ne restera, c’est la règle imposée par l’État. « C’est plus que des animaux, c’est une vie », entend-on dire l’agriculteur dans le documentaire L’amour vache, réalisé par Édouard Bergeon et diffusé ce dimanche, sur France 5.
Face à l’immobilisme des institutions, c’est vers le réalisateur du film aux plus de deux millions d’entrées, Au nom de la terre, que l’épouse de Bernard s’est tournée. Il accompagne alors une mission parlementaire sur le mal-être paysan pour proposer des pistes de prévention au suicide agricole « Quand j’ai reçu ce message, je me suis dit que j’allais envoyer une caméra car je n’avais pas le temps d’y aller », rembobine le réalisateur pour 20 Minutes. Mais l’administration ne l’entend pas de cette oreille, elle déconseille à Édouard Bergeon de prendre la route en direction d’Ozenx-Montestrucq, une bourgade des Pyrénées-Atlantiques où est située l’exploitation. « C’est là que j’ai eu envie de m’y rendre moi-même, on a voulu me fermer la porte, je suis rentré par la fenêtre. »
Le temps de s’organiser, il débarque quelques jours plus tard pour une première rencontre. S’ensuivront trois années d’allées et venues auprès du couple Dahetze. Édouard Bergeon suit les différentes étapes que traverse le couple. « Je me suis laissé porter moi-même, je n’aurais jamais cru les accompagner si longtemps. Ce n’est que depuis l’été dernier que j’ai su que ce que j’avais filmé deviendrait un documentaire pour France Télévisions. »
« Heureux et libre »
Le résultat s’étale sur une succession de séquences d’une durée de 70 minutes. Une façon pour le réalisateur de remettre le monde agricole au centre des problématiques qui le concernent. « Les agriculteurs ont oublié de parler de ce qu’ils faisaient pendant longtemps et ils se sont pris un retour de bâton, on a parlé à leur place. Et quand on parle à la place des gens, on n’a pas les bons messages », déplore-t-il.
Car Édouard Bergeon est lui-même issu de ce monde-là, où le travail de la terre rythme le quotidien. C’est d’ailleurs le drame vécu par sa famille endeuillée par le suicide de son père qui lui a inspiré Au nom de la terre. Sa mère a déposé son tablier d’agricultrice il y a deux ans mais les souvenirs à la ferme l’accompagnent encore. « Je les connais, moi, les bouseux », rit-il dans un pied de nez à ceux qui jugent sans connaître.
Avant d’être un documentaire sur un drame agricole, le réalisateur veut avant tout que son film soit une ode à la ruralité. « Bernard est heureux et libre, il aime ses bêtes. C’est ça que je questionne mais beaucoup ne le comprennent pas car ils ne viennent pas du monde rural », martèle le réalisateur. Il évoque un « contrat tacite » entre les éleveurs et leur bétail, à l’issue duquel les animaux nourrissent les hommes. Il reproche un « procès d’intention » devenu trop courant sur les sujets de bien-être animal alors que le cœur du métier d’éleveur est de prendre soin de ses bêtes.
« C’est important de parler du monde rural »
Venus pour la première fois à Paris lors de l’édition 2023 du Salon de l’agriculture, qui se clôture aussi ce dimanche, Bernard et Sylvie Dahetze ont eu l’occasion d’interpeller Emmanuel Macron avant de repartir dans le Béarn. « Sylvie m’appelle beaucoup en me disant que s’ils font ça, ce n’est pas pour eux, c’est pour les autres. » Car si le film est aussi la pièce à conviction d’un drame évité, l’issue aurait pu être plus dramatique.
D’autant que le changement climatique accentue au désarroi des éleveurs. « C’est une cata, déplore Édouard Bergeon. Chaque événement les fragilise toujours plus. Alors rien que parler d’eux, montrer ce qu’ils font et qu’ils font de bien, c’est important ! »
Pour sensibiliser aux difficultés que rencontrent les agriculteurs, l’éducation reste le meilleur levier, selon Édouard Bergeon. « Je serai toujours bienveillant et intéressé aux problématiques agricoles », assure-t-il tandis qu’il s’est envolé vers la Thaïlande pour tourner son second long métrage, La promesse verte avec Alexandra Lamy. La comédienne incarne le rôle d’une femme tentant de sauver son fils en affrontant les lobbys qui défendent les intérêts économiques et politiques de ce qu’on appelle les « biocarburants ». Ici aussi, c’est par un exemple concret qu’Édouard Bergeon veut éveiller les consciences. « C’est par l’humain qu’on peut faire passer les choses, c’est la petite histoire qui raconte la grande… »
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