Génération 2024 : les espoirs de Vahine Fierro, la pépite française du surf mondial

Le compte à rebours avant les Jeux olympiques de Paris 2024 est lancé. Dans un peu plus d’un an, les athlètes du monde entier vont se retrouver pour célébrer le sport, leurs sports. L’occasion pour nous de partir à la rencontre de celles et ceux qui espèrent plus que tout faire partie de cette fête hors norme, et pourquoi pas de marquer l’histoire de leur discipline en remportant l’or tant convoité

Pour le lancement de ce format “Génération 2024”, nous avons rencontré Vahine Fierro, l’une des meilleures surfeuses du monde et un des grands espoirs de médaille pour la France, si tant est que la jeune native de Tahiti se qualifie pour l’épreuve de surf, qui se déroulera chez elle, à Teahupoo. 

Marie Claire : À un peu plus d’an des Jeux olympiques de Paris 2024, dans quel état d’esprit êtes-vous ? 

Vahine Fierro : Je me sens plus que prête pour les qualifications des jeux. Ceux-ci (en surf, ndlr) se passent à la maison, et c’est une excellente nouvelle pour moi car je connais bien cette vague. Sauf qu’avant de pouvoir la surfer, il faut se qualifier et ces épreuves-là se déroulent dans des conditions et des vagues très différentes. Je me suis beaucoup entraînée pour cela et je reste concentrée sur ces qualifications. 

Un peu stressée ?

C’est normal de ressentir un peu de pression parce qu’on veut toujours bien faire, et surtout réussir. Et puis les JO, ce n’est pas n’importe quelle compétition… Je reste concentrée et super excitée pour les qualifications, en tout cas.

Justement, qu’est-ce que les Jeux représentent pour vous, sur le plan sportif et extra-sportif ?

C’est la première fois que je participerai à des JO. Le surf, c’est une nouvelle épreuve dans l’histoire de la compétition (c’est la seconde fois qu’une épreuve de surf a lieu, ndlr). Mais je pense que c’est un grand rêve pour tous les sportifs de pouvoir y participer. On a envie de représenter notre pays, on a envie de représenter notre famille, nos amis. Donc voilà, c’est un grand rêve.

Prendre une bonne vague, c’est le meilleur sentiment au monde. 

Ressent-on une pression supplémentaire quand on se prépare pour concourir à domicile, ou est-ce galvanisant ? 

Avoir les JO à la maison, c’est un peu ambivalent. On peut se focaliser sur deux choses : soit la pression supplémentaire, parce qu’on est plus attendu.e, soit le côté plutôt fun dans le sens où l’on connaît la vague, où on est forcément plus à l’aise. 

Moi je préfère garder le côté fun ! Si je me qualifie, j’ai envie de pouvoir apprécier et de profiter de la compétition parce que ce n’est pas souvent qu’on a les jeux chez soi. Et puis, l’épreuve en elle-même, une fois les qualifications passées, c’est sans doute ce que je sais faire de mieux. Je suis vraiment contente et je sais que peu importe le résultat, les gens, sur l’île ou en France, nous soutiendront toujours.

L’épreuve de surf se déroule à Tahiti, sur la plage de Teahupoo, où chaque année, il y a une compétition internationale spectaculaire de la World Surf League. Quel est votre lien avec ce lieu et cette vague si particulière ?

D’abord, il faut rappeler que longtemps (entre 2006 et 2022, ndlr), les femmes n’étaient plus invitées sur cette compétition annuelle à Teahupoo, car jugée trop dangereuse. En 2022 (après la pandémie), la décision a été prise de refaire surfer les femmes sur cette vague et j’ai pu être invitée à cette compétition. J’ai fini 3ème, en battant en demi-finale Carissa Moore ou Johanne Defay. J’étais contente de pouvoir montrer mes connaissances de cette vague, face à de telles compétitrices. 

La vague de Teahupoo demande de passer beaucoup de temps à l’eau. C’est comme une relation d’amour où il faut apprendre à la connaître. On tombe beaucoup. C’est une relation difficile car il y a pas mal d’appréhension du fait que c’est une vague puissante, qu’il n’y a pas beaucoup d’eau, c’est sur du récif…

D’abord, il faut rappeler que longtemps, les femmes n’étaient plus invitées sur cette compétition annuelle à Teahupoo, car jugée trop dangereuse.

Il faut du temps pour être à l’aise, choisir les bonnes vagues… et puis à un moment donné, tu deviens addict à ce feeling. Tu tombes toujours mais tu reviens quand même : parce que prendre une bonne vague, c’est le meilleur sentiment au monde. 

Quand avez-vous concrètement commencé la préparation pour Paris 2024, que ce soit mentalement ou physiquement ?

Je pense que c’était en 2019 ou en 2020. Je venais tout juste de recevoir le prix du “Women’s Best Barrel” (meilleur tube femme) organisé par Surf Magazine que j’avais eu à Teahupoo. Quand ils ont annoncé que l’épreuve de surf olympique se déroulerait là-bas, je me suis dit “OK, je pense que j’ai ma chance”. 

J’ai eu comme un déclic après avoir gagné ce trophée. Et depuis, j’ai passé plus de temps dans l’eau : à chaque fois que je suis à Tahiti, je vais surfer à Teahupoo. Chaque année, j’essaye d’augmenter la taille des vagues que je veux prendre. Je me mets de nouveaux petits objectifs et c’est toujours fun de pouvoir les atteindre. 

Hormis le temps passé à l’eau, en quoi consiste ton entraînement physique ?

Tous les jours, entre mes deux sessions de surf, je vais m’entraîner avec mon coach. Que ça soit du cardio, de la musculation, du yoga, de l’apnée. Il faut un peu de tout car le surf sollicite différents muscles selon les vagues et les sessions. 

Évidemment, je n’arrête pas ces entraînements quand je suis en déplacement : c’est important pour moi d’avoir ce type d’objectifs pour ne pas m’éparpiller. 

Quelle est la place apportée à la préparation psychique alors que ces dernières années de plus en plus d’athlètes brisent le tabou de la santé mentale dans le sport ? 

Depuis 2021, je suis suivie par une préparatrice mentale qui travaille avec la médecine chinoise, donc c’est une approche assez spirituelle. J’ai été tout de suite intéressée par sa méthode : on utilise des méditations, des visualisations, des mantras, des petites phrases… Une fois par semaine je lui parle pendant 1h et puis après, on se fixe des petits devoirs jusqu’à la semaine suivante.

Je sens une vraie différence depuis que j’ai commencé ce travail : je suis beaucoup plus sereine, beaucoup plus calme aussi. J’ai toujours été assez positive, mais c’est sûr que ça a augmenté ma positivité !

Au niveau des compétitions, je suis moins anxieuse, moins stressée. J’ai désormais des outils pour vaincre les moments de doutes. Chaque athlète traverse des moments difficiles comme des moments de victoire. Il faut savoir gérer les deux. 

Pour toi, quelles sont les valeurs fondamentales que doit porter le sport aujourd’hui, et notamment les JO ?

Il y a des valeurs personnelles, comme la patience et la passion, qui permettent de se dépasser selon moi, dans tout ce qu’on fait. Et puis, plus généralement, la solidarité. C’est parfois difficile quand on est compétiteur, de se réjouir pour les autres quand ils gagnent, mais c’est malgré tout important de rester soudés. 

Ce qui m’inspire vraiment, ce sont les personnes qui transforment leurs passions en quelque chose de concret. 

Cette solidarité fait partie des valeurs qui sont très naturelles à Tahiti : on est proche les uns des autres, proche de notre famille, de nos amis… On s’entraide beaucoup et on est dans le partage. Et ça doit aussi se retrouver dans le sport. 

Quels sont les parcours de sportifs et de sportives qui vous inspirent ? 

Avant que le surf ne soit aux Jeux, je ne suivais pas trop la compétition. Mais il y a des athlètes qui m’ont beaucoup marquée comme Michael Phelps et ses très nombreuses médailles d’or. Il m’a beaucoup inspirée. 

Sinon, Carissa Moore qui est la première à avoir gagné la médaille d’or au Japon en surf, elle m’inspire beaucoup. Elle est cinq fois championne du monde, ça donne envie de faire comme elle.

En dehors du sport, je suis aussi admirative de beaucoup de personnes qui suivent leurs passions. Mon papa qui est ébéniste par exemple, qui travaille le bois et qui, avec une planche de bois, peut vous faire un meuble magnifique. Ou mes amis qui suivent leurs études pour devenir docteur. Ce qui m’inspire vraiment, ce sont les personnes qui transforment leurs passions en quelque chose de concret. 

Les JO s’imposent souvent comme la consécration ultime pour une sportive. Arrive-t-on à voir au-delà et à se fixer d’autres objectifs ? 

Bien sûr. Les JO, même si c’est spécial, c’est juste une compétition en quatre ans. Moi, l’un de mes plus grands objectifs, c’est d’être championne du monde (du WSL, ndlr). Mais aussi, de ne pas m’oublier dans ces compétitions : je veux rester une personne qui partage avec les autres, qui profite, qui vit avec passion…

Quel est le meilleur conseil qu’on vous ait donné dans votre carrière ? 

En 2021, j’ai raté la même année la qualification pour les JO (de Tokyo, ndlr) et le Top 17 mondial, d’une place. Ça a été deux moments compliqués à surmonter, parce qu’émotionnellement, je venais tout juste de commencer à travailler le côté mental et je ne maîtrisais pas encore suffisamment bien les outils.

C’est là que ma préparatrice mentale m’a dit : “après ces moments difficiles, il y a toujours quelque chose de bien qui finit par arriver”. Et cette phrase résonne encore : en cas de difficultés, je garde l’esprit positif. C’est une de mes forces aujourd’hui ».

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