- Une monogamie sexuelle insupportable
- Choisir entre notre relation et moi
- Plus épanouie sexuellement que jamais
- Rester libre, du moins théoriquement
- C’est lui que j’ai choisi, en toute liberté
« Ma première vraie relation amoureuse a duré deux ans, j’étais alors au lycée. Très vite, je me suis sentie étouffée dans ce couple, j’avais l’impression que mon corps ne m’appartenait plus, de ne plus être libre, et ça m’a beaucoup pesé. Mais je me suis dit que c’était parce que je n’étais pas vraiment amoureuse.
Quand j’ai rencontré Laurent, à 18 ans, j’ai tout de suite su que c’était l’amour avec un grand A, qu’il allait compter plus que tous les autres. Mais passé les six premiers mois de lune de miel, j’ai ressenti la même sensation : celle d’étouffer, d’être entravée autant physiquement que mentalement, d’être prisonnière d’une cage que j’avais, en plus, moi-même choisie.
J’avais des angoisses, je ne m’épanouissais pas même si j’étais bien dans mon couple et que cette fois, j’étais vraiment amoureuse. Je me disais : tu as signé pour ça. Pas d’autre solution à part la rupture. C’est ça, le couple.
Tout cela a entraîné en moi un grand besoin d’autonomie et de liberté, et j’ai décidé de partir un an en Erasmus à l’étranger. Mon conjoint n’a pas forcément compris, même s’il a respecté mon choix. Une fois là-bas, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas rester fidèle : je sortais tout le temps, je rencontrais plein de monde, et si c’était pour ne pas en profiter à fond, autant arrêter.
J’ai donc quitté Laurent une première fois. Je lui ai dit que cette relation à distance était trop compliquée, que je n’arrivais pas à l’aimer de là-bas ni à être là-bas tout en l’aimant.
Mais nous n’avons jamais rompu notre lien. Nous étions toujours amoureux et, quand je rentrais en France, on se voyait intimement. Donc à mon retour, on s’est remis ensemble. On était bien. Mais mes questionnements persistaient : je me disais que c’était l’homme de ma vie, mais je ne voulais pas pour autant fermer la porte à toute nouvelle rencontre.
Une monogamie sexuelle insupportable
Puis nous sommes partis en Amérique du Sud, tous les deux cette fois. C’est là que c’est devenu vraiment compliqué de ne pas être libre sexuellement. D’autant plus que je commençais à m’épanouir en tant que femme, à me sentir mieux dans ma peau, à avoir envie de rencontres et de découvertes.
Et Laurent était très jaloux. Je vivais en plus dans un milieu très festif, où tout le monde était célibataire. Une fois, je suis partie en vacances toute seule et j’ai eu une aventure avec un homme. Laurent l’a découvert et l’a très mal pris. Mais il ne m’a pas quittée pour autant.
C’est à ce moment là que ça a fait tilt en moi : je ne voulais plus vivre comme ça, en renonçant à ma souveraineté physique.
Choisir entre notre relation et moi
Je ne voulais pas qu’on se sépare, mais s’il fallait choisir entre notre relation et moi, c’est moi que je choisirais. Soit on arrêtait là, soit on devenait un couple libre.
Et il a accepté. Même s’il ne s’est pas passé grand-chose de concret, je me suis sentie vraiment mieux. J’ai lu beaucoup de choses sur le polyamour, la non-exclusivité, j’ai traversé une réelle phase de déconstruction.
J’ai accepté le fait que je refusais la monogamie sexuelle. En fait, j’ai fait mon coming out de non-exclusivité. Laurent aussi a changé, il est devenu beaucoup moins jaloux. Comme s’il avait réalisé qu’on ne pouvait pas contrôler le corps de sa femme.
Pourtant, six mois après, j’ai décidé de rentrer en France. J’avais besoin d’un changement de vie total et d’être seule pour vivre à fond cette nouvelle liberté que je m’étais octroyée. On ne s’est pas vraiment séparés, on s’est dit qu’on verrait où cela nous mènerait.
Plus épanouie sexuellement que jamais
J’ai alors vécu une véritable vie de célibataire, tout en ayant une relation amoureuse en filigrane avec mon compagnon, puisque je l’aimais toujours. J’en ai bien profité. C’est sûrement le moment où je me suis sentie le plus épanouie sexuellement. Sans aucune pression.
J’ai eu plusieurs aventures, plus ou moins longues. Qui m’ont évidemment parfois fait souffrir, mais j’étais en adéquation avec mes principes. Je disais aux hommes : « Je suis libre de mon corps et je n’accepterai plus jamais cette loi d’exclusivité, de monogamie sexuelle. » Ça en a d’ailleurs fait fuir certains ! Mais je n’ai pas cédé. Le temps a passé.
Quand il est rentré en France, nous avons décidé d’habiter ensemble et même de faire un bébé.
J’ai peu à peu renoué les liens avec Laurent et quand il est rentré en France, nous avons décidé d’habiter ensemble et même de faire un bébé. D’être un couple “normal”.
Mais évidemment, mes envies de polyamour ont très vite repris. Je trouvais ça assez violent de me dire que j’utilisais mon corps avec lui pour faire un enfant et que je ne pouvais pas l’utiliser ailleurs comme je le voulais, pour mon propre plaisir. Laurent s’y attendait, et il l’a plutôt bien pris.
Rester libre, du moins théoriquement
Cette fois, j’ai voulu faire les choses sérieusement et on est allé voir une thérapeute de couple. Petit à petit, on a accordé nos visions. On s’est ouvert. Ce n’était pas facile mais ça a marché. Concrètement, on s’est dit que s’il arrivait quelque chose avec une autre personne, on ne se disait rien.
Si, aujourd’hui, je suis intellectuellement totalement au clair avec cette idée de non-exclusivité et que je reste ouverte à l’idée de rencontrer quelqu’un, dans la pratique, personne ne me plaît. Mais rien que le fait de savoir que je suis théoriquement libre, que je ne lui appartiens pas, ça me libère.
À un moment, j’ai eu besoin de partager tout ce cheminement de pensées. J’ai donc créé un compte instagram, que Laurent suit d’ailleurs… Via un angle politique et féministe, j’essaie de faire la grande démonstration que s’astreindre à l’exclusivité, c’est renoncer à une part de soi et que c’est une incohérence avec l’idée pourtant très actuelle de se réapproprier son corps. Je vois ce compte comme un outil de réflexion, de partage de mon parcours.
Ma principale question est la suivante : doit-on continuer de s’imposer une fidélité parfois forcée ? Tout cela n’est-il pas lié à une vision du couple formatée Disney ? N’y a-t-il pas d’autres possibilités de “faire couple” ?
C’est lui que j’ai choisi, en toute liberté
Récemment, j’ai demandé mon compagnon en mariage. Et il a accepté. Je sais que cela peut paraître totalement paradoxal. Mais c’est, au contraire, depuis que j’assume ma vision non-exclusive du couple que je peux m’engager totalement.
C’est aussi pour moi un aboutissement, puisqu’après tout ce chemin, je sais maintenant que l’on peut être ensemble tout en étant nous-mêmes. J’aime aussi l’idée d’officialiser notre équipe à tous les deux, soudée contre vents et marées. Je pense que cet engagement va même m’aider à être encore plus émancipée.
J’avais envie de lui dire : « C’est toi que j’ai choisi. En toute liberté. » »
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Article publié dans le magazine Marie CLaire 846
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