Marco de Vincenzo : "La créativité ne manque pas en Italie mais elle est étouffée par un imposant héritage"

Septembre dernier, Marco de Vincenzo présentait la collection Etro printemps-été 2023.

Sa première pour la griffe de luxe et lors de laquelle il a montré l’étendu des possibilités qui s’offraient à lui.

Alors qu’il s’apprête à présenter sa deuxième collection, rencontre.

Le Etro de Marco de Vincenzo

Marco de Vincenzo fait partie des rares jeunes créateurs italiens à avoir réussi à s’installer de manière pérennes dans la sphère mode de la botte.

Il faut dire aussi que son CV à de quoi séduire puisqu’il est depuis 15 le superviseur des collections accessoires de Fendi, aux côtés de Silvia Venturini Fendi, et qu’il a en lancé en parallèle sa marque éponyme en 2009.  

« Dans la perspective du nouveau parcours de la marque, nous accueillons avec enthousiasme l’arrivée de Marco De Vincenzo. Grâce à sa sensibilité pour les couleurs, les imprimés et les tissus, nous sommes sûrs que Marco saura traduire au mieux l’extraordinaire héritage d’Etro dans de nouvelles interprétations pour les différentes collections de la marque et donner également un nouvel élan au monde des accessoires » avait d’ailleurs déclaré Fabrizio Cardinali, le directeur général d’Etro, au moment de sa nomination en mai 2002.

Après une première collection vivement saluée, le créateur de mode venu de Messine explique pour Marie Claire la vision qu’il entend déployer pour Etro.

Marie Claire : Comment se passent vos premiers pas chez Etro ?

Marco de Vincenzo : Les débuts ont été très denses puisque je n’ai eu qu’un mois pour créer la première collection, présentée en septembre dernier !

Normalement, il aurait fallu que je me plonge dans les archives, que je passe des mois à questionner l’identité de la marque, mais j’ai dû travailler autrement, à l’instinct.

C’était une expérience à la fois étrange et très intéressante. J’ai disposé de plus de temps pour celle que je vais présenter en février, lors de la Fashion Week de Milan.

Quand j’ai pris mes nouvelles fonctions, j’ai découvert plein de rouleaux de tissus dormants.

Vers où avez-vous envie d’emmener Etro ?

C’est une marque très connotée « bourgeoise » mais aussi « boho ». À l’origine se trouve cette usine de tissu créée en 1968 par Gimmo Etro, qui fournissait toutes les grandes maisons de mode.

Son histoire raconte la montée en puissance du made in Italy.

Je cherche donc à garder la richesse des étoffes, pour lesquelles je nourris une certaine obsession, mais en y apportant des proportions plus contemporaines.

Pouvez-vous parler de vos démarches en faveur de l’upcycling ?

En mars 2022, avant de débuter chez Etro, j’avais présenté une collection sous mon nom baptisée Supèrno, à base de vêtements vintage retravaillés, rebrodés, recoupés… C’est une direction qui me semble importante.

Quand j’ai pris mes nouvelles fonctions, j’ai découvert plein de rouleaux de tissus dormants. Nous les avons utilisés pour confectionner deux cents exemplaires du sac Love Trotter, en collaboration avec MyTheresa.

En deux semaines, ils étaient sold out ! Nous allons réitérer cette opération cette saison car c’est une façon intéressante de parler de durabilité.

Vous avez mis votre marque en pause, est-ce incompatible avec la direction artistique d’une maison ?

Lorsque j’ai accepté de prendre en charge la direction créative d’Etro, j’ai choisi de faire une pause avec ma marque Marco de Vincenzo lancée en 2009.

D’autant que je dirige également la maroquinerie pour Fendi depuis une vingtaine d’années. Il m’a semblé impossible de mener à bien les trois projets.

Je pensais que la pandémie allait ralentir le rythme, mais les calendriers et les emplois du temps des designers restent très tendus.

Comment voyez-vous évoluer la scène italienne ?

C’est un pays où il est difficile de faire émerger de jeunes voix. Il y a un attachement très fort à l’histoire et à une certaine beauté patrimoniale qui finit par écraser les nouvelles énergies.

Je m’en suis rendu compte en partageant mon expérience avec des designers venant d’autres pays.

La créativité ne manque pas en Italie mais elle est étouffée par un imposant héritage.

Cela se reflète d’ailleurs dans la politique : c’est un pays assez fermé qui aurait besoin de s’ouvrir mais qui a peur de changer.

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