Après des semaines d’angoisse, le corps du jeune cuistot a été repêché dans les eaux glaciales du Doron des Allues, près de Méribel. Pleine de zones d’ombre, l’enquête ne fait que commencer…
Maël Brian était, a priori, un garçon sans histoires. Il avait 23 ans et toute la vie devant lui, avant que son corps ne soit repêché par les gendarmes, le 5 février, dans les eaux glaciales du Doron des Allues, aux alentours de Méribel, station savoyarde des plus réputées. Soit un peu plus de deux semaines après sa mystérieuse disparition dans la nuit du 19 au 20 janvier…
©georgeclerk
L’infortuné jeune homme a vu le jour à La Chapelle-aux-Filtzméens, paisible village situé entre Rennes et Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Malgré son âge, il est déjà un cuisinier aguerri, ce qui lui a valu un contrat de saisonnier au restaurant Aux petits oignons, à Méribel. Arrivé mi-janvier, il donne toute satisfaction à son employeur et, à l’ombre des montagnes, la vie s’écoule comme si de rien n’était.
Vidéosurveillance
L’ambiance a beau être à la carte postale, on ne reverra plus jamais Maël Briand vivant à partir de ce funeste vendredi 20 janvier. Et les dernières images qu’on a de lui sont des plus inquiétantes… Ainsi, les enquêteurs ont fini par dénicher des bandes de vidéosurveillance remontant au petit matin de sa mystérieuse disparition. Comme une sorte d’ultime message funèbre envoyé d’outre-tombe… Il est 7 h 45. Le thermomètre affiche – 16 °C. Nous sommes sur un rond-point de Méribel. Bizarrement, Maël Briand n’est vêtu, malgré la température polaire, que d’un simple jean, d’une paire de baskets et d’une mince doudoune. Il a une pelle à neige à la main. Pourquoi ?
En effet, pourquoi un tel accoutrement si peu recommandé en cette saison hivernale ? Et, surtout, pourquoi cette pelle ? Pour déneiger la route ? À regarder de plus près les vidéos en question, les enquêteurs lui trouvent le regard hagard… Comme s’il avait peur. Mais de quoi ? Depuis, Fabien, le père de Maël, vit une sorte de cauchemar éveillé, tandis qu’il affirme : « Je communiquais avec lui tous les jours. Il était ravi de ce nouveau travail. Il se sentait très bien. Il n’avait aucune raison de disparaître. Je suis désespéré. Je ne dors plus. » Ça, c’était peut-être pour le côté rue. Parce que, côté cour, la réalité était probablement moins idyllique, selon les derniers développements de cette ténébreuse affaire. La preuve en est que, la veille du drame, le jeune homme n’était manifestement pas dans son « état normal », à en croire les derniers témoins l’ayant vu vivant.
Mais récapitulons plutôt le fil des événements. Il est 23 heures quand il quitte son restaurant. Un proche le dépose au bowling du coin, où Maël s’apprête à passer un peu de bon temps bien mérité avec d’autres amis. Pourtant, deux heures plus tard, il rejoint précipitamment son appartement. Pour faire quoi ? Nul ne le saura jamais. En revanche, ce dont on est sûr, c’est que le jeune homme tente à plusieurs reprises de joindre son père au téléphone. Sans succès. Il fait de même avec un ami, lequel ne découvre que le lendemain, sur son répondeur, la teneur sinistre de ces véritables appels au secours : « Je suis en danger, je suis en danger… »
Trafic
Dans la foulée, les gendarmes ne tardent pas à apprendre que Maël Briand se serait enfui de son logement par la fenêtre de la salle de bains, pièce dans laquelle il se serait préalablement enfermé… Mais pourquoi fuir de la sorte ? Et pour fuir quoi ? Ou pour fuir qui ? Un fait est cependant avéré : c’est peu de temps après qu’il est filmé sur ce rond-point qui, pour lui, sera comme un avant-goût de son ultime sépulture, les eaux glacées du Doron des Allues.
À l’heure actuelle, les forces de l’ordre attendent les conclusions des experts : simple noyade ou meurtre caractérisé ? Sans empiéter sur les prérogatives des limiers de la gendarmerie, le bon sens le plus élémentaire oblige pourtant à noter ceci : la veille de son décès, le comportement de Maël ne correspond pas exactement à l’idée qu’on peut se faire d’un jeune saisonnier parti jouer au bowling avec des amis proches… Tout comme la manière rocambolesque dont il a quitté son logis n’est pas tout à fait celle de monsieur Tout-le-monde.
Mais les gendarmes, pas tombés de la dernière neige, savent bien que, dans le secteur de la restauration – surtout saisonnière, où les horaires n’ont rien d’une sinécure –, l’usage de stupéfiants (cannabis, cocaïne ou autres) est malheureusement souvent devenu la norme. Et ils savent mieux encore que dans le petit monde du trafic de drogues, les commandes se paient toujours en liquide et, qu’en cas de défaillance, les différends se règlent plus sûrement et, surtout plus définitivement, qu’en faisant appel à des avocats…
Quoi qu’il en soit, la piste du banal accident paraît plus qu’incertaine. En attendant, la famille du défunt, terrassée par le chagrin, espère ce que l’on est en droit de lui donner : la vérité.
“Piste noire” : l’enfer blanc ?
Les drames sur fond de frimas semblent décidément avoir la cote, telle qu’en témoigne le succès de la série Piste noire, création originale de France 2. Le remarquable duo formé par Constance Labbé et Thibaut de Montalembert fait merveille. Elle, jeune gendarme pleine d’enthousiasme, et lui, vieil officier un brin fatigué du képi. Elle est une fille de son temps, hygiéniste et toujours prête à faire un geste écocitoyen pour sauvegarder la planète. Lui, vieux mâle dépassé, n’en a que faire, préférant conduire clope au bec et sans ceinture. Ou quand les contraires s’attirent pour le plus grand bonheur du téléspectateur. Avec, en arrière-plan, des drames aussi sordides que celui auquel ces pages sont consacrées.
Nicolas GAUTHIER
Source: Lire L’Article Complet