Le mois d'or du post-partum, ou l'importance de laisser tranquilles mère et bébé au retour de la maternité

  • Le mois d’or du post-partum, qu’est-ce que c’est ?
  • "J’avais besoin de réconfort et de repos, pas d’être une hôtesse parfaite"
  • Écouter ses envies profondes
  • Comment préparer son mois d’or après l’accouchement ?

Dans de nombreuses cultures autour du monde, le temps qui suit la naissance est traité avec attention et respect pour la mère, comme pour le nouveau-né. 

Ainsi, après l’accouchement, la coutume latino-américaine veut que la maman rentre en cuarentena – quarantaine -, une période post-partum de 40 jours « au cours de laquelle les femmes se concentrent sur le repos, s’abstiennent de rapports sexuels, mangent certains aliments identifiés pour leurs bienfaits, sont prises en charge par leur communauté et créent des liens avec leur nouveau-né à la maison », rappelle le LA Times.  

« Chez nous, c’est totalement différent, on s’attend à ce qu’elles puissent recevoir les proches venant rencontrer l’enfant dans une maison rangée. On oublie tout le pan ‘remise en forme physique et émotionnelle’« , regrette Céline Chadelat, journaliste, conférencière et auteure.

Avec Marie Mahé-Poulin, psychologue spécialisée dans l’accompagnement de la grossesse, de la naissance et des débuts de la parentalité, elle a co-écrit Le mois d’or – Bien vivre le premier mois après l’accouchement (Ed. Presses du Châtelet). 

Elles deux luttent pour la généralisation d’une période marquée après l’accouchement – dénommée donc le « mois d’or«  – qui sert à soigner la mère, mais aussi à la reconnaissance de l’épreuve physique et psychique qu’elle vient d’affronter.

Le mois d’or du post-partum, qu’est-ce que c’est ? 

« C’est un mot que nous avons popularisé avec Marie [Mahé-Poulin], mais qui a d’abord été utilisé par une auteure taïwanaise pour illustrer les pratiques autour de ce premier mois, en Chine. C’est une période qui regroupe les 30 à 40 premiers jours après l’accouchement et toute la culture qui gravite autour de ces premières semaines« , éclaire Céline Chadelat.

Alors que l’environnement familial et amical de la mère est souvent « centré sur le bébé » une fois l’accouchement passé, le mois d’or est une période dédiée à celle qui vient de donner naissance, via une prise en charge de soin globale. 

« On repose son corps et son esprit. On reste allongée pour ne pas trop solliciter le périnée, on se fait masser pour éviter les phlébites… L’idée est de faire le moins d’effort possible pour se remettre au mieux« , liste la spécialiste. 

Et ce, jusque dans l’assiette. « Il faut pouvoir se refaire un stock de vitamines et de minéraux et manger des plats chauds, nutritifs, qui ne coûtent pas d’énergie au corps pour être digérés, comme les bouillons ». 

« J’avais besoin de réconfort et de repos, pas d’être une hôtesse parfaite »

À 32 ans, Marine avoue ne pas connaître le mois d’or, mais se reconnaître dans le concept. Mère de deux enfants âgés de 6 ans et 19 mois, elle raconte « ne pas avoir vécu deux post-partums similaires ». 

« Quand ma fille est née, ça me paraissait normal de recevoir tout le monde chez moi, comme je l’avais fait à la maternité, mais j’ai vite compris que c’était trop d’efforts. Devoir cuisiner, ranger, être présentable et courir partout alors que j’avais encore des lochies, c’était intenable », se remémore-t-elle. 

Son conjoint et elle sont “fatigués” du ballet qui s’opère plusieurs fois par semaine dans leur maison. « On ne voulait pas de remarque telle : ‘vous vous laissez aller’, ‘ce n’est que le début’, alors on avait tendance à trop en faire. Pourtant la seule chose dont j’avais besoin, c’était du réconfort et du repos et pas de me transformer en hôtesse parfaite« , confie-t-elle. 

Les bouleversements étaient tels que je me refusais à prendre sur moi pour ménager les susceptibilités.

Et Céline Chadelat acquiesce, aujourd’hui l’entourage est beaucoup dans la représentation sociale et ne se projette pas dans la réalité des parents, notamment en attendant un service de leur part. 

« Au cœur du mois d’or, il y a cette problématique des visites. On peut venir donner un coup de main, mais pas regarder comme un touriste. A minima, on offre un soutien, on passe le balai, on apporte un repas chaud. Et surtout, on ne s’éternise pas« , recommande-t-elle. 

« J’avais essayé d’anticiper pour circonscrire les visites de mes proches et de ma belle-famille : chacun savait que la visite ne devait durer qu’une heure max, parfois moins en cas de grosse fatigue ou quelconque difficulté. Et je demandais sans complexe qu’on nous rapporte de quoi manger. Ce n’était pas forcément évident d’être si directe ou catégorique, mais les bouleversements étaient tels que je me refusais à prendre sur moi pour ménager les susceptibilités », se souvient de son côté Emma, qui a eu son premier enfant à 33 ans.

Écouter ses envies profondes

Toutefois, la spécialiste note qu’il est important de nuancer. Chaque mère vit son post-partum différemment, avec des envies et des besoins dissemblables. Certaines peuvent avoir besoin de compagnie constante, quand d’autres refusent de déléguer. 

Martine a 59 ans et quatre enfants. À chaque retour de la maternité, elle ne s’est « jamais posé la question de s’arrêter », parce qu’elle n’avait pas le choix. « Quand on a plusieurs enfants et peu de personnes sur qui compter, on ne peut pas se le permettre », commente-t-elle. 

Pour autant, la mère de famille n’a pas échappé à la pression des invités, alors même qu’elle sortait de la maternité. 

« À la naissance de mon troisième enfant, mon ancienne belle-mère était venue à la maison passer des ‘vacances’. Elle s’est imposée sans consulter mon avis et je devais gérer deux enfants en bas-âge, un nouveau-né et elle qui ne savait pas faire cuire un œuf et qui était venue pour ‘se reposer’”, se souvient la quinquagénaire. 

“À la clinique, j’avais pourtant hâte de rentrer, d’être tranquille et de retrouver mon cocon. Je n’avais pas envie d’avoir quelqu’un dans les pattes”, poursuit-elle. 

Alors, en contemplant le concept du mois d’or des années après la naissance de son dernier enfant, Martine confirme que mettre certaines barrières aurait pu être salvateur. « Savoir dire non quand les gens s’imposent, ou avoir quelqu’un qui me fait les courses aurait été appréciable. Mais je n’aurais pas aimé que quelqu’un d’autre s’occupe des plus grands ou même vienne entretenir la maison. Je ne me serais pas sentie chez moi », témoigne-t-elle.

Et à Céline Chadelat de réagir : « C’est à chacune de voir. Parfois on a besoin d’être seule et parfois la solitude nous pèse. Ce qu’il faut, c’est avoir un socle de ‘bonnes étoiles’ pour nous soulager. Si besoin on crée un planning et on remet les réjouissances sociales à plus tard. Sans oublier qu’évidemment, le partenaire doit venir faire tampon entre la mère et le monde extérieur, afin de lui enlever le maximum de charge mentale possible ». 

Comment préparer son mois d’or après l’accouchement ? 

Mais alors, comment préparer son mois d’or, sans pour autant « froisser » son entourage, comme Marine en témoigne ? 

« Je n’ai pas eu de mois d’or, mais sur les deux premières semaines après l’accouchement de ma seconde fille, j’ai limité les allées et venues chez nous. J’avais le recul de ma première fille et je ne voulais pas retomber dans cette spirale de stress », explicite-t-elle. Un choix que ses parents ont eu du mal à accepter. « Ils avaient l’impression qu’on ne voulait pas partager la naissance et avaient peur de ne pas tisser de lien avec leur nouvelle petite-fille« , ajoute-t-elle.

Pour Céline Chadelat, ces réactions peuvent être évitées si l’on prépare assez en amont son mois d’or. « Dès le sixième mois de grossesse, on peut en parler, en créant un groupe de discussion pour leur partager des ressources sur le sujet, pour leur faire comprendre ce qu’on attend d’eux », propose-t-elle d’abord. 

Mais il convient surtout d’en faire une expérience positive en disant clairement les choses. « Dites, ‘on ne veut pas que vous veniez voir comment est rangée la maison, mais qu’est-ce que vous pouvez faire pour nous soutenir ? On veut que vous soyez partie prenante' », illustre l’auteure. 

Enfin, l’experte appuie que le post-partum se vit généralement mieux quand on est entouré de professionnelles pour gérer les différents tracas et angoisses. « On n’hésite pas à faire appel à une doula par exemple. Cela peut nous rassurer et nous reposer. Et avoir, à côté, un soutien bienveillant, solide et intime est tout aussi important », termine-t-elle. 

  • La psychose puerpérale, un trouble psychiatrique grave post-accouchement
  • Post-partum en temps de Covid : la solitude décuplée des mères

Source: Lire L’Article Complet